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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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AVANT L’AURORE
On a découvert le premier film Le Fils de Saul de László Nemes à Cannes en 2015. Il est reparti triomphant avec le Grand Prix, qui sera suivi de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Ce film sur la Shoah avait alors provoqué un impact autant mémorable qu'éprouvant.
Dans quelle direction aller après un chef d'œuvre ? Son deuxième film, Sunset, nous arrive comme l’autre volet d'un diptyque. Après l'enfermement à l'intérieur d'un camp de concentration durant la seconde guerre mondiale avec un homme, cette fois c'est l'ouverture aux extérieurs de Budapest en 1913 juste avant la première guerre mondiale avec une femme.
Le procédé immersif de mise-en-scène est le même : la caméra tourne autour du personnage principal pour le suivre presque sans interruption dans une illusion de long plan-séquence en temps réel. Certains évènements sont perçus par fragments ou entendus hors-champs. La ville de Budapest rayonnait alors comme capitale d'un empire austro-hongrois qui dominait plusieurs pays et forces politiques, avec diverses disparités et injustices dont on ignorait encore qu'une longue guerre mondiale menaçait...
Cette femme, Irisz, dans sa quête, traverse différents lieux de troubles et d’agitation grandissante. Elle n'est plus la bienvenue dans un magasin de chapeaux où elle espérait un emploi depuis un tragique incendie, elle découvre un mystérieux frère recherché pour crime... La trajectoire de Irisz s’aventure ainsi dans l'opulence des beaux quartiers avec des notables pervertis et dans les sombres bas-fonds de la ville avec des anarchistes exaltés. Sa quête identitaire et familiale révèle l’instabilité de Budapest où des conflits vont devenir affrontements, prémices à la guerre qui fera exploser l’Empire. Les évènements vont s'accélérer et échapper à tout contrôle, voir même à toute compréhension.
Sensorielle, cette exploration ambitieuse de l’Histoire et cette perspective inquiétante du futur. Cette vision de Budapest interpelle par ricochet l'Europe d'aujourd'hui, du Brexit aux révoltes sociales en Grèce ou en France, des régimes populistes en Italie, Pologne, Hongrie aux nationalistes extrêmes. La fracture sociale est source d'inquiétudes.
Les 2h30 de pérégrinations durant Sunset sont une épreuve qui laisse étourdi : on assiste à une autodestruction d’un monde. Comme dans Le Fils de Saul, il s’agit d’un film mortifère sur le crépuscule (un coucher de soleil – "Sunset" - très sombre) de l’Europe. La noirceur est partout. Comme la nuit, et sans le brouillard. Même si le flou, dans la narration comme dans l’image, sont persistants et atténuent la force du film.
Laszlo Nemes fait de son héroïne la métaphore de cette Europe partagée entre son conservatisme bourgeois reposant et son aspiration révolutionnaire idéaliste. En conservant le même formalisme que pour Le Fils de Saul, il prend le risque de ne plus surprendre, tout en cherchant louablement un dialogue entre les deux films. Las, Sunset, cherchant trop l’épure et se reposant trop sur la figure de style, n’a pas la force immersive du premier film du cinéaste. Il lui manque une tension, une incarnation qui aurait pu le rendre plus captivant, plutôt que d’offrir un détournement non justifié d’un genre, la fresque mélodramatique.
kristofy
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