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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Companeros (La noche de 12 años - Compañeros)
/ 2018
27.03.2019
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CAMARADES D’INFORTUNE
« Vous n’êtes pas des prisonniers, vous être otages. On aurait dû vous tuer depuis longtemps. Maintenant on va vous rendre foi. »
Le titre original, La noche de 12 anos (La nuit de 12 ans), illustre bien l’histoire (vraie) que raconte Alvaro Brechner, rare cinéaste uruguayen exporté. Trois hommes, membres d’un groupuscule communiste révolutionnaire et résistant, les Tupamuros, sont emprisonnés en 1973 par la dictature militaire qui vient de prendre le pouvoir.
Companeros, ou camarades en espagnol, rappelle leur origine marxiste, mais révèle surtout leur solidarité dans l’épreuve de ces douze années d’humiliations, de tortures, de privations, d’isolement, et d’incarcération.
Dans un univers brutal - il suffit de voir le tourbillon de la baston de la scène d’ouverte, un long plan séquence circulaire -, le cinéaste essaie d’insuffler de l’humanité. De manière parfois grossière (à l’image de certains des militaires, qui, dans leur élan romantique, bravent les ordres), et de façon quelques fois sensorielle (le son a de l’importance, même s’il est sous utilisé).
« Abandonnez toute espérance, vous qui entrez ».
Le film souffre d’une narration déséquilibrée. Il n’est jamais facile de raconter douze années d’horreur à travers trois hommes – qui auront un destin extraordinaire – tout en essayant de restituer l’indicible. Lorsque la caméra se pose avec eux, dans leurs différentes cellules glauques, lorsqu’ils communiquent en morse à travers les murs, on sent aussi bien le dénuement, l’espoir, l’inhumanité de la situation. De quoi briser un homme, le mener à grande vitesse vers la folie.
Mais, alternativement, le film essaie aussi d’expliquer de manière didactique ce qu’ils étaient avant, comment ils ont été arrêtés, à qui ils sont attachés. Une justification qui ne sert qu’à mêler de l’action (notamment un long flash-back à la Bonnie and Clyde un peu outrancier) et de l’émotion à un film qui aurait dû rester aride.
Companeros, outre son intérêt historique, a quelques atouts pour nous faire oublier ces maladresses. A commencer par ses trois acteurs, qui semblent vivre leur calvaire. Traités comme des bêtes, souffrants de paranoïa et d’acouphènes, contraints au silence, manipulés de prison en prison, usés et vieillis prématurément, leurs personnages sont des corps martyrisés. Même déféquer aux toilettes semble un problème kafkaïen posé à des geôliers qui ne voient en eux que des terroristes en sursis.
« Ce serait plus humain de les fusiller. »
Rien n’est épargné au spectateur côté maltraitance. Mais l’histoire s’offre aussi des respirations ici et là. L’atmosphère n’est cependant pas assez étouffante pour nous saisir d’un haut le cœur, le cinéaste cherchant toujours à garder son film dans les voies du convenable et de l’accessible, même lorsqu’il fait un clin d’œil à Vol au-dessus d’un nid de coucou.
Quant aux donneurs d’ordres, on n’en verra que des pantins. De même que la dictature sait faire illusion devant les ONG, le réalisateur ne filme que son ombre dont on doit deviner le vrai visage.
Ce qui n’empêche pas quelques éclats de lumière, à travers les visiteurs (la mère de l’un, la fille de l’autre, la médecin…). Leur patience et le soutien des femmes sont ce qu’il y a de plus remarquables. Survivre est déjà une victoire. Qui dit que demain ils ne seront pas les vainqueurs ? Le spectateur en sort en tout cas moins épuisé. Au bout de 4300 jours, les camarades sont des fantômes. Si le cinéaste ne parvient pas à traduire dans son rythme la durée de cet emprisonnement, il réussit au moins à filmer la désincarnation de ces trois hommes, qui finalement ont vaincu leur montre à mille têtes. « On ne vous a pas oubliés » lit-on sur les pancartes vers l’épilogue (poignant). Mais il ne faut surtout pas oublier ce dont est capable la dictature. vincy
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