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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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El Reino
Espagne / 2018
17.04.2019
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LA TORRE PREND GARDE
Rien de neuf sous le soleil d’Espagne. Mais admettons quand-même que le polar espagnol au cinéma vaut bien les polars nordiques en librairie. Si on prend plaisir à retrouver l’excellent Antonio de la Torre, qui lui-même retrouve son cinéaste de Que Dios nos perdone (2017), on se réjouit surtout, une fois de plus, d’être plongés dans ce marais nauséabond où politique rime avec traque et corruption avec sensations.
Haletant, le film a tout d’un exercice de style – virtuose – pour capter l’attention du spectateur, à la manière d’une série addictive. Car, c’est bien une proposition cinématographique qui cherche à sortir les accros au streaming à domicile en allant flatter leurs besoins d’adrénaline. Et ils ne seront pas déçus : le film est en permanence sous haute-tension, utilisant tous les codes du film policier, du casse à la course-poursuite.
Antonio de la Torre réussit d’ailleurs l’exploit de devenir sympathique au fil de ce récit où il a la mort (politique) aux trousses alors qu’il est pourri jusqu’au nœud de cravate. C’est d’ailleurs cet aspect qui reste en mémoire. Rodrigo Sorogoyen tente de comprendre pourquoi cette corruption endémique qui gangrène la démocratie espagnole est sir facilement pardonnée voire acceptée. Le cinéaste la critique, sans l’ombre d’un doute, mais démontre par la même occasion que le spectateur est complice. Le réalisateur pose les questions, sans jamais juger, et interpelle ceux qui se croient innocents.
Car si le scénario explique les faits véridiques, ce sont eux qui ramènent cette objectivité à leur subjectivité, autrement dit à leur propre vérité, persuadé d’avoir raison, ou au moins, d’atténuer les accusations. Entre orgueil et paranoïa, El reino navigue sur un fil où le mensonge est variable selon le point de vue.
Certes, Rodrigo Sorogoyen privilégie le spectacle, le cirque même, son rythme sans temps morts et son sens de l’épate. Il n’empêche, c’est bien de la noirceur qui se dégage de cette surdose de coups d’éclats pour tenter de chercher un peu de lumière.
Ce noir qui enrobe tout le film trouve ses nuances dans les personnages, des condamnés qui veulent survivre de leurs erreurs. C’est d’ailleurs quand il cesse de vouloir tout ramener à la psychologie et aux justifications que ce film prend définitivement le virage qui lui est destiné : un plaisir coupable de voir un thriller efficace où le réalisateur s’amuse à planter des aiguilles vaudous dans ses poupées semblables à des taxidermies qui s’agitent en vain.
vincy
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