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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Tolkien
Royaume Uni / 2019
19.06.2019
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LE SENS DES MAUX
« Ne marchez pas sur la pelouse ! »
Le réalisateur Dome Karukoski a décidément trouver le ton pour raconter la véritable vie de personnalité cultes. Après un Tom of Finland malin et assez épatant, il livre une vision toute aussi intimiste et somptueuse de l’écrivain Tolkien, auteur du Hobbit et du Seigneur des Anneaux.
Si l’artiste gay Tom of Finland puisait une partie de son inspiration dans la seconde guerre mondiale, l’auteur « fantasy » J.R.R. Tolkien n’a eu qu’à piocher dans la première guerre mondiale et ses tranchées traumatisantes.
Mais Karukoski ne se limite pas à ce simple lien entre la boucherie en Picardie et le Mordor imaginaire et inhospitalier de sa célèbre trilogie. Tolkien est un mélange habile entre ses sources d’inspiration, ses influences, son imagination (des langues oubliées ou inventées aux dessins de monstre, de la mythologie germanique aux talents de conteuse de sa mère) et son vécu personnel (orphelin, amoureux d’une Elfe aimant Wagner – Lily Collins, idéale pour le rôle -, membre d’une fraternité amicale inaliénable).
Ce récit est avant tout une découverte. Qui connaît finalement l’écrivain ? C’est aussi une traduction : visuellement, le cinéaste insère ici et là une imagerie presque subliminale des monstres et des héros de l’univers qui germe en lui. C’est enfin le portrait d’un jeune homme qui subit un destin peu compatissant et se détermine, par chance et par choix, à forger sa propre voie sans savoir qu’elle va le mener à la célébrité. Qui aurait pu croire que ses histoires à dormir debout, avec des personnages fantasmagoriques et des langues barbares, allaient conquérir des générations de lecteurs (puis de spectateurs) ?
« Reste en vie et reviens-moi »
Erudit, créatif, ironique, obstiné, brillant, le jeune Tolkien est attachant (et Nicholas Hoult l’incarne parfaitement). Le réalisateur et les scénaristes en ont fait un étudiant britannique normal, même si ses obsessions n’étaient pas forcément banales. Bien sûr, l’horreur de sa condition et celle de la guerre sont davantage esthétisées que réalistes, à la manière d’un film de Joe Wright. On ne ressent pas l’âpreté ni la dureté de sa jeunesse. Mais, comme avec Tom of Finland, ce n’est pas le propos de Karukoski, qui aime séduire, happer le spectateur pour le faire entrer dans le monde d’un artiste. Il ne révolutionne pas le cinéma tout comme ces jeunes étudiants ne changent pas le monde, mais il veut démontrer que l’art – son cinéma comme les œuvres de Tom of Finland et de J.R.R. Tolkien - a ce pouvoir et cette volonté d’ouvrir les yeux sur notre monde.
Malgré une construction sans doute trop classique, et un enjeu romantique assez convenu, la mise en scène, très fluide, voire alerte, valorise aussi bien ce tableau d’une société anglaise assez étouffante que la psychologie des personnages, aspirant à une certaine liberté. Tolkien, entre son complexe social et ses nourritures culturelles, semble ainsi emprunter un parcours assez classique tout se singularisant continuellement de son environnement. Le plafond de verre impossible à briser vaut d’ailleurs aussi bien pour lui que pour Edith, comme si leur condition d’orphelins les réunissaient tout en les condamnant.
Si le cadre politique et idéologique reste en arrière-plan, le réalisateur n’omet pas d’être plus précis ce qui a motivé les écrits de l’auteur, tout ce qui a innervé ses romans. En cherchant davantage à illustrer ce sens des mots, cet amour des langues, plutôt qu’à décrire platement les épisodes de la jeunesse d’un écrivain, Karukoski met en lumière ce qui fait l’artiste, ce mix entre connaissance, passion et talent. Entre l’inné et l’acquis, l’intuition et la démonstration. Même s’il bride son film avant qu’il n’atteigne la folie et les enfers, le cinéaste palpe la fièvre (créatrice ou maladive) de son personnage.
« J’aime les livres... »
Le film réussit finalement à nous faire connaître un personnage passablement névrosé et à comprendre son œuvre particulièrement dérangée. Cela tient à quelques séquences où l’on suffoque dans cette société corsetée ou, a contrario, on respire un grand bol d’oxygène quand les personnages lâchent prise. Entre sentiments volés et affection contrariée, on pourrait croire à un mélo, là, où, en fait, Tolkien est une œuvre mélancolique, où la mort plane partout.
Il suffit d’admirer cette belle scène où la mère de Geoffrey demande au professeur Tolkien de faire revivre son fils mort au combat dans le club où ils se réunissaient tous après les cours. Cet attachement au bonheur disparu s’avère un fondement essentiel de l’œuvre de Tolkien. Même si, dans ce biopic, on préfère terminer sur une liberté retrouvée, ou plutôt, à l’instar de Tom of Finland, conquise de haute lutte.
vincy
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