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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bunuel après l'âge d'or
Espagne / 2018
19.06.2019
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JOURNAL D'UN CINEASTE
“L’important ce n’est pas moi, c’est ce que j’ai à dire. ”
Adapté d’un roman graphique de Fermin Solis, Bunuel après l’âge d’or revient sur un moment déterminant dans la carrière de Luis Bunuel, celui du tournage de son unique documentaire, Terre sans pain, dans la région des Hurdes. L’occasion de dresser un étonnant portrait du cinéaste au travail, couplé avec une amorce de réflexion sur la responsabilité de l’artiste face au monde réel.
On voit ainsi Bunuel sincèrement affecté par la misère qu’il découvre, et soucieux à la fois d’agir et de témoigner, même si cela passe par quelques “arrangements” avec la réalité. En effet, le réalisateur ne peut s’empêcher d’influer sur ce qu’il observe, quitte à le transformer pour mieux répondre à ses attentes. Il commandite donc des « accidents » spectaculaires et va jusqu’à mettre en scène les fausses funérailles d’un bébé. Tout semble bon pour parvenir à ses fins.
Cet aspect du récit, plutôt captivant, est malheureusement écrasé par la légèreté presque forcée que Salvador Simo a souhaité insuffler à son récit. En effet, on sent que tout a été conçu pour tirer le film du côté de la comédie. C’est notamment flagrant dans la manière dont sont déterminés les personnages : entre Bunuel lui-même qui joue sans cesse la mouche du coche, Ramon Arcin, à la limite du fantoche qui fait rire à ses dépends, et la galerie de seconds rôles qui apportent mécaniquement un contrepoint humoristique ou décalé.
Le tournage s’avère ainsi un périple tantôt grotesque, tantôt tragique, traité sur un ton relativement anecdotique. Le rendu visuel, qui se veut assez réaliste, avec juste quelques passages oniriques réduits à des pastilles-prétextes, a parfois du mal à rivaliser avec les images extraites du véritable documentaire qui viennent à intervalles réguliers montrer la réalité en contrechamp. Curieusement, ce sont ces images qui nous fascinent le plus, peut-être parce qu’elles racontent avec plus d’acuité la démarche presque idéologique que fut celle du cinéaste.
On est alors d’autant plus déçu que le film n’aille jamais au-delà, effleurant seulement la complexité de son sujet. De la même manière, on aurait aimé qu’il prenne à un moment le relais de Bunuel lui-même pour approfondir le contexte de Terre sans pain (pourquoi la région est-elle si pauvre ? Quelle est réellement la vie de ses habitants ?), au lieu de se contenter d’entériner la vision quasi coloniale d’êtres humains perçus comme des semi-sauvages.
MpM
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