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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Factory (Zavod)
Russie / 2018
24.07.2019
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IMPITOYABLE
« On finira clébards à se bouffer pour un bol de riz. »
Yuri Bykov ose un film de genre hybride, entre film de genre et drame social, où l’action va prendre le dessus jusqu’à déshumaniser la cause (une juste répartition des richesses). Entre ouvriers broyés et jetés à la casse, oligarque provincial aux méthodes maffieuses et policiers impuissants, le cinéaste russe modernise le western dans une région en voie de désindustrialisation, loin de Moscou.
L’usine qui va fermer va se transformer en sarcophage. Assiégée puis attaquée, elle enferme le spectateur dans un quasi huis-clos sous haute-tension. En critiquant frontalement le libéralisme, le cinéaste ne fait pas forcément dans le subtil ni dans la surprise. Son savoir-faire se ressent parfaitement dans la première partie du côté du scénario et dans la seconde partie du côté de la mise en scène.
Factory est une histoire d’hommes en colère, puis de mâles s’affrontant par la force. Les ouvriers sont souvent malades ou abimés. Les autres arrogants et sans aucune humanité. Cette bipolarité un peu simpliste, porté par une musique à gros sabots, pourrait desservir le film, si celui-ci ne bifurquait pas vers un final qui fera plaisir aux fans de John Carpenter et de John Woo. L’action annihile tout discours et ne sert même pas de moralité. Il n’y en a aucune.
Faits comme des rats
Car rien ne se passe comme prévu. C’est bien l’intérêt du récit. A chaque fois qu’on pressent la suite, le cinéaste nous emmène dans une autre direction, tout en montant d’un cran la tension.
Ce film rempli de testostérone, offrant une vision peu glamour et peu attrayante de la Russie. « Ils veulent du spectacle, ils l’auront » dit-on. De fait, la critique de l’oligarchie et de la Russie poutinienne devient un terreau de violence avec plusieurs points de non retour.
Cette guerre, avec son lot de héros, de traîtres et de collabos, est évidemment trop cinématographique pour être réaliste. Mais il reprend le thème qui traverse de nombreux films ces dernières années : le zéro espoir tue. Dans ce piège à rats, sans issue et sans pitié, on peut regretter l’absolutisme des uns et des autres. Le psychologisme est assez facile (encore un traumatisé de la guerre ici, toujours des soutiens de famille là). Cependant on ne peut pas nier le plaisir pris face à ce carnage annoncé, avec ses twists malins.
C’est un film de kidnapping qui voudrait se transformer en récit révolutionnaire. On peut regretter alors que cela devienne avant tout un film de justicier solitaire, une histoire de vengeance qui brouille le propos.
Factory est à l’image de cette usine (décor formidable) : l’avenir est pessimiste, les élites toujours victorieuses. Et le peuple reste dans sa fange. La justice n’existe pas dans le réel. Profondément cynique, le film ne sauve qu’un seul personnage parmi tous ces salopards. Pas de quoi prendre parti pour les uns ou pour les autres. Un comble à notre époque.
vincy
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