Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Hauts perchés


France / 2019

21.08.2019
 



VESTIGES DE L’AMOUR





« Ça ne va pas se terminer en partouze et on ne va pas se foutre sur la gueule .»

Le tandem Ducastel / Martineau continue d’explorer l’identité queer avec ce huis-clos nocturne théâtral. Hauts perchés c’est d’une part l’altitude de l’appartement qui domine Paris, c’est aussi l’esprit du film, un peu barré.

La prise de risque est évidente : une esthétique presque trop léchée, qui rappellera certains films asiatiques ou de Gregg Araki, une atmosphère hitchcockienne (on pense à La corde), les relations humaines presque rohmériennes et une série de dialogues et de thèmes influencés par ceux de Jean-Luc Lagarce.

Mais ce théâtre de faux-semblants, qui doit conduire à quelques vérités et surtout à retrouver son identité après avoir subi les manipulations d’un pervers narcissique, trouve vite sa limite. Le cinéma des deux réalisateurs a toujours su s’épanouir dans le mouvement et dans une certaine liberté de ses personnages. Ici, ils sont enfermés, et le découpage a beau être précis, le montage habile, on suffoque rapidement.

Hauts perchés souffre d’une construction qui ne tient que sur un mystère – que se passe-t-il dans la chambre où le pervers narcissique est enfermé quand ses amants y vont un par un ? – et nous fait croire à un cluedo. Ce faux-suspens déséquilibre le film qui cherche à se pencher sur une jeunesse sexuellement diverse, en libérant la parole afin de se désintoxiquer d’un poison mental (le mensonge de l’autre).

Malheureusement, les dialogues auraient mérité plus d’intensité et d’originalité. Surtout, le pari était risqué d’alterner des conversations plus ou moins banales avec des monologues plus ou moins touchants. Cette réunion d’addicts anonymes cherchant à rompre avec leur ennemi est avant tout un exercice de style et une œuvre cérébrale. Il y aura ceux qui s’enthousiasmeront pour ce tableau à la fois moderne et déjà vu d’une génération qui se cherche et cherche les liens qui les unissent. Et il y aura ceux qui s’ennuieront de tant de vacuité existentielle.

On reste souvent indifférent aux bavardages de ces trentenaires un peu immatures et on ne croit pas vraiment à ce club des cinq improvisé. Il y a quelque chose qui sonne faux pour toucher le juste.

Si Hauts perchés manque d’être vertigineux, dans le sens hypnotisant, et s’avère ennuyeux, dès lors qu’il ne nous touche pas, il porte en lui quelque chose d’irréel, comme s’il s’agissait d’un cauchemar où les angoisses de chacun forment une peur existentielle incontrôlable. La peur de ne pas aimer, de ne pas être aimé, de ne pas reconnaître l’amour. Ainsi l’appartement semble toujours changé de dimensions. Les visages des comédiens muent au gré des sentiments. Il y a quelque chose d’artificiel, entre la parodie d’un genre (du film d’horreur au film d’ado), qui pousse le film vers une forme de jeu du je.

Mais le plus dérangeant finalement, c’est qu’il n’y a pas la contre-opinion. On doit admettre dès le départ que l’homme qui est prisonnier de leur cruauté, de leur vengeance, de leur thérapie, est jugé coupable, sans qu’il n’ait le droit de se défendre ou de se justifier, ou de leur renvoyer une autre version de leur histoire. Cela aurait donné un tout autre film et le portrait de cette génération qui parle plus facilement de cul qu’elle ne révèle ses vrais sentiments, aurait sans doute été plus nuancé, plus réaliste. On ne se débarrasse pas d’un pervers narcissique en une nuit. On s’interroge même longtemps sur sa part de responsabilité : désigner le prédateur ne suffit pas, il faut comprendre pourquoi on a été une proie.
 
vincy

 
 
 
 

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