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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Downton Abbey
/ 2019
25.09.2019
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NOBLESSE OBLIGE
« Voilà qui ne va pas nous faire économiser. Le roi et la reine viennent séjourner ici. »
Il est toujours délicat de transposer une série sur grand écran. On compte davantage d’adaptations manquées voire ratées que de réussites. Après 52 épisodes, quoi raconter du Manoir de la famille Crawley ?
Julian Fellowes, scénariste de la série comme de Downton Abbey, a imaginé une sorte d’épisode « royal », comme une ultime suite au final, en guise d’épilogue. Si bien que ce film a bien une élégance cinématographique mais son récit est bien télévisuel. Chaque acteur porte son intrigue, assez mince puisqu’il faut faire exister une douzaine de personnages principaux, et aucune n’interagisse entre elles. Seul le veuf irlandais Branson, pièce rapportée, a le droit à un traitement de faveur en passant du potentiel traître à la couronne au rôle de sauveur de la dynastie. Ce qui sert de fil conducteur est une visite du roi et de la reine dans ce « modeste » manoir d’aristos presque prolos (comprendre en bas de la hiérarchie parmi les nobles). Pas de quoi soutenir un drame.
Pourtant cela fonctionne dans son aspect divertissant.Downton Abbey a presque la saveur d’une sucrerie délectable (feel-good), avec cette pointe d’acidité nécessaire dès que Maggie Smith apparaît (elle hérite des plus belles répliques et du seul enjeu véritablement dramatique, en plus de s’offrir un face à face avec la parfaite Imelda Staunton). Sans aucune audace, hormis une furtive plongée dans le monde clandestin des homosexuels à la fin des années 1920, cette comédie sarcastique conserve malgré tout son ADN : des cuisines aux combles, des domestiques aux oisifs, les strates sociales sont (presque) traitées à égalité.
Julian Fellowes n’atteint cependant pas le niveau de Gosford Park, son chef d’œuvre scénaristique. En évacuant le contexte politique de l’époque, en simplifiant le passage à une ère supposée nouvelle, l’auteur s’empêche d’offrir à sa série le joyau qu’il aurait pu mériter. Les mesquineries, jalousies, hypocrisies peuvent amuser. Encore faut-il un arrière-plan qui enrichissent la surface. Au moins, le pouvoir est clairement du côté des femmes, tant les hommes semblent dépassés. Elles régentent tout et décident quand les mâles louvoient ou hésitent.
On pourrait alors croire que Downton Abbey est plus contemporain qu’il n’en a l’air. C’est à voir. On n’y parle amour, filiation, conventions, traditions. Ici, il ne s’agit que de légitimer le régime monarchique, seul capable de consolider le Royaume-Uni, quitte à justifier une vision de classe passablement dérangeante où les servants n’auraient pas le droit de s’émanciper tandis que les dominants trouveraient toujours les moyens de ne rien faire et de les exploiter.
C’est sans doute là que le film, sous son vernis de comédie de mœurs, cesse d’être aussi plaisant qu’il voudrait le paraître. A l’instar de ses personnages, Donwton Abbey nous séduit et nous amuse, mais le venin qu’il distille est bien plus amer. Fellowes n’a sans doute pas osé (ou voulu) changer l’ordre des choses. Mais, de manière plus surprenante, avec toutes ces révérences, son regard, à défaut d’être politique, n’est même pas critique. En cela, il a préféré la superficialité d’un bal où sont conviés ses personnages vénérés à une lutte de classes très classe. Downton Obey.
vincy
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