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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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5 est le numéro parfait (5 è il numero perfetto)
Italie / 2019
23.10.2019
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NAPOLI, C’EST FINI
« Pour me fiancer avec ta mère, j’ai du exterminer toute sa famille. Sauf elle. Elle n’a même pas sourcillé. »
Pour son premier film, l'auteur de BD Igort est sorti de ses cases et de ses bulles sur papier pour réaliser un film aux multiples influences, très stylisé, pour ne pas dire graphique, adapté d’un de ses propres albums.
Il ne renie rien de ses références : Wong Kar-wai pour l’esthétique, Johnnie To et John Woo (les pigeons remplacent les colombes) pour l’action, les films noirs des années 1950, un zest de Sergio Leone (la séquence sur la terrasse Campari). On pourrait crier au plagiat, au remix. Pourtant 5 est le numéro parfait, à la fois œuvre singulière et polar aux airs de déjà-vu, a sa personnalité propre.
D’abord en filmant cette Naples des années 1970, loin du glamour italien, tout en saturant de couleurs et en soignant le cadre de chaque plan (la BD est un 9e art majeur après tout), grâce à l’image sublime de Nicola Brüel (The Machine, Dogman). Cette ville reflète l’âme de son personnage principal : à la fois vide et grise, nocturne, entre ombres et lumières. Le soleil ne reviendra que lorsque la paix sera revenue.
Le divin Toni
Et puis il y a ce tueur à gages, et ses acolytes, en vieux et preux chevalier d’un autre temps. Il est à la retraite et reprend, malgré lui du service, pour venger son fils, tué dans un guet-apens. Vendetta personnelle qui va dénouer les nœuds d’un complot plus (trop ?) grand. Toni Servillo incarne formidablement cet homme d’honneur, implorant la Vierge de pouvoir tuer quelques scélérats, offrant un beau flingue en guise de cadeau d’anniversaire, prenant un café l’air de rien tandis qu’il parle à un otage attaché au radiateur, capable de massacrer toute une partie de la Camorra dans une forteresse imprenable. Cette séquence de flinguage rituel est assez symbolique pour le film.
D’une part, elle illustre le thème central du récit : le basculement. On bascule d’une époque à l’autre (de la Camorra familiale à la mafia gestionnaire, mondialisée, organisée), d’un homme tranquille à un père en colère, d’une Naples relativement paisible (on ne va pas chipoter pour quelques cadavres sur le trottoir) à une guerre ouverte entre parrains. C’est aussi là que le film noir à la Sin City montre qu’il peut devenir un pur polar hong-kongais, et ainsi nous surprendre en passant d’un genre à l’autre.
« Si tu tues l’ensemble des criminels du monde, tu ruines l’équilibre biologique. »
Car 5 est le numéro parfait, malgré quelques imperfections (le personnage de Valeria Golino, seul personnage féminin, est assez anecdotique), est un numéro jouissif et plaisant, s’amusant avec le cinéma, régalant avec quelques beaux plans, enrichissant chaque chapitre (il y en a cinq, forcément) de rebondissements jusqu’à douter de l’honnêteté de chacun des protagonistes. L’humour noir fait le reste pour nous divertir dans ce thriller de pluie et de larmes.
Sang pour sang, ce qui est sans doute le plus intéressant est la construction psychologique de ce bonhomme banal et hors-la-loi, veuf et bon père, tout en étant un tueur professionnel réputé. On passe alors de sa lassitude à sa rage intérieure, de son esprit de vendetta à sa propre pacification, qui conduit à sa rédemption. Igort ne se soucie pas vraiment du rythme de l’ensemble. Pointilliste, il sait démontrer, avec un découpage où action et dialogues s’alternent sans heurts comme chez Tarantino, qu’il avait une envie gourmande de cinéma. Un cinéma nostalgique qui colle bien avec la mélancolie de l’ensemble, dopé par des superbes audaces visuelles, un mysticisme drôle, des révolvers qui fument. Il y a une atmosphère séduisante dans ce western urbain. Car ce polar-margherita, au final un peu didactique, hélas, est avant tout une déclaration d’amour à un 7e art qui n’hésite pas à rajouter de l’huile piquante et du parmesan pour donner de la saveur à la solitude d’un homme qui attend la mort, après l’avoir tant provoquée.
Vincy
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