Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Laundromat


USA / 2019

18.10.2019
 



CASH INVESTIGATION

Le livre Bye Bye Bahia



Avec The Laundromat, Steven Soderbergh revient à ses récits labyrinthiques et morcelés, soutenus par quelques effets de montage, pour accuser un poison de la civilisation occidentale : l’eau toxique d’Erin Brockovitch, la drogue dans le sang de Traffic, les maladies virales dans Contagion… Ici, il s’agit de l’argent invisible, ce fric qui passe de comptes secrets en paradis fiscaux. Avec le jargon financier expliqué pour les Nuls par deux des coupables (comprendre ceux qui s’enrichissent en optimisant les fortunes des uns et des autres), le cinéaste opte pour un film pédagogique et ludique à la manière d’un Adam McKay (The Big Short, plus malin).

The Laundromat ne se facilite pas la vie en choisissant le film à sketches (Soderbergh avoue que l’idée lui est venue avec le brillant film argentin Les nouveaux sauvages). Il y a deux fils conducteurs : la victime (Meryl Streep, qui se fait plaisir à jouer avec un peu d’outrance) et les coupables (Gary Oldman et Antonio Banderas dans un duo pas loin de Laurel et Hardy). L’une est motrice de la fiction, les autres en sont les commentateurs. En y accolant divers récits – soit autant d’exemples d’arnaques légales permettant de ne pas payer d’impôts –, le film tisse une sorte de toile qu’on imagine infinie, et dont on ne voit jamais le bout : à l’image des montages financiers qu’ils démontrent et dénoncent.

Evidemment, cela donne un film inégal. Certaines séquences sont plus inspirées que d’autres. Et si la partie panaméenne est toujours utile et plutôt créative, le récit de la veuve vengeresse (Streep) qui ponctue l’histoire s’avère assez faible. On peut quand même se régaler avec deux « contes de fric », celui en Chine (Matthias Schoenaerts, le capitalisme, la corruption, le communisme) et celui à Los Angeles (la famille, la succession, la valorisation virtuelle). Soderbergh, dans ces deux cas, parvient à condenser son propos tout en se focalisant sur la mise en scène de ses saynètes avec brio.

Les Panama Papers et ses nouveaux riches s’amuse finalement à montrer la créativité d’un système pour échapper aux lois et à l’impôt. S’il ne va jamais plus loin (les conséquences d’e tels détournements de fonds), s’il peut rassurer par quelques coups d’éclats de la justice ou de la police et des médias, The Laundromat a les allures d’une farce macabre où les bourreaux portent des beaux costards et les cadavres sont planqués off-shore. Mais derrière cette fantaisie, Soderbergh dévoile surtout l’absurdité d’un monde où la morale et les sentiments sont démonétisés.

Il s’en sort, heureusement, par son final. Certains pourraient le trouver didactique et même déconnecté du reste. Cependant le cinéaste recentre en fait son patchwork mondialisé vers l’essentiel. Ses cinq secrets, autant de leçons de finance illégale, aboutissent à une morale de l’Histoire.

Pour cela, il débute son épilogue avec une digression des deux avocats véreux, ceux-là mêmes qui introduisaient le film, comme pour boucler la boucle. Il se croient dans une comédie musicale du genre Jailhouse Rock. La petite évasion pour les pros de l’évasion fiscale. Avec joie et paillettes, les deux compères, libérés malgré leurs délits, nous amènent vers leur « loyale » employée un peu chipoteuse dans une sorte de travelling en plan séquence qui déambule au sein du plateau de cinéma. Cette mise en abime du film dans le film devient alors théâtre où on se débarrasse des illusions. Le cinéma n’est qu’un décor. Le personnage retire prothèses et perruque. Une mise à nue qui prend alors tout son sens. Soderbergh filme Meryl Streep, non pas l’actrice mais la citoyenne, qui saisit le flambeau et s’adresse face caméra pour rappeler que notre ennemi n’est pas un Joker ou un Thanos, mais bien tous ces gens qui placent égoïstement leur fric dans des sociétés écrans, au détriment de l’intérêt collectif. Le réalisateur espère sans doute qu’avec un message aussi appuyé (certes il s’agit d’un beau monologue) l’écran fasse réagir la société.
 
vincy

 
 
 
 

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