Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 0

 
Chanson douce


France / 2019

27.11.2019
 



PARASITE

Le livre Bye Bye Bahia



« Vous n’aimez pas les imprévus, Louise ? C’est joyeux les imprévus ! »

Pour une adaptation sur grand écran, Chanson douce cochait toutes les cases du bon roman respectable (Goncourt), populaire (900000 exemplaires en France, des traductions partout) et passionnant (un infanticide sur fond de luttes de classes qui ne dit pas son nom). Même la narration de Lëila Slimani permettait d’imaginer un découpage idéal pour un film entre étude de mœurs et fantastique.

Malheureusement, Lucie Borleteau gâche tout : la forme comme le fond. Cette Mary Poppins idéale qui se mue en nounou d’enfer nous laisse en plan. Ce n’est pas tant la faute à Karin Viard, qui flirte parfois avec le surjeu pour faire combler les problèmes de scénario et de réalisation) et nous faire comprendre l’évolution de l’histoire. Le beau couple Lëila Bekht i- Antoine Reinartz n’est pas plus coupable : ils ont si peu à donner avec des personnages qui ne dépassent jamais celui qui leur a été assigné. Regardable comme un téléfilm écrit à la va-vite, Chanson douce, doit compter sur ses comédiens et la musique pour combler les ellipses et les manques, pour appuyer lourdement sur ce que veut signifier l’image, impuissante à traduire une émotion par elle-même.

La solitude extrême du personnage sociopathe de Viard ne justifie pas son crime ultime. Pire, ce glissement vers la folie (seule séquence de cinéma : l’invasion des poulpes dans son studio) n’est jamais réellement palpable. Ainsi, le spectateur ne voit qu’une bonne fée parfois ogresse au comportement lunatique, décidée à transformer son CDD en CDI par tous les moyens.

Hormis la délégation de la parentalité à une femme d’un autre temps, rigoureuse, attentive, mais très seule, on ne ressentira jamais le mépris de classe qu’il y avait dans le livre. Le film se contente d’une emprise psychologique – manipulatrice (in)consciente, la nounou sait se rendre indispensable, où les parents sont dépossédés de leur autorité.

Mère poulpe

La mise en scène ne parvient jamais à créer un sentiment d’angoisse ou de tension. Même le parti-pris de ne pas dévoiler le crime au début (à l’instar du roman) n’apporte rien. En débutant par un discours (lucide ?) sur la maternité et en clôturant par l’indicible et l’inmontrable meurtre, la cinéaste s’imposait une forme de progression, de crescendo dramatique. Or, le film n’est qu’une succession de scènes qui forment le portrait d’une cinglée, addict au talc et aux jeux d’enfants.

Chanson douce souffre de cette absence de maîtrise, mais aussi de perversité (que le scénario confond avec les humeurs et la méchanceté d’une nounou perfectionniste). On oublie la critique du roman sur l’individualisme, l’égoïsme, l’insatisfaction des parents, et leur manière de « recréer » une forme d’esclavagisme moderne (avec les cotisations sociales et les déductions d’impôts). Ici, ce n’est qu’un conte à dormir debout où les parents se laissent dévorer par leurs progénitures, les livrant à celle qui va les dévorer.

Cette mystification, qui se retrouve bien dans le jeu sans filtre et sans retenue de Viard, ne suffit pas à nous donner le vertige attendu. Trop maladroit, Chanson douce n’est qu’une illustration plate d’un roman qui en devient d’autant plus subtil et brillant. Un film qui n’ose pas s’affranchir de son matériau d’origine et qui cherche, en même temps, à être accessible. En ne se confrontant pas à l’horreur (économique comme criminelle), Lucie Borleteau offre un petit pot sans saveur.
 
vincy

 
 
 
 

haut