Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les filles du Docteur March (Little Women)


USA / 2019

01.01.2020
 



CONCORDE SORORALE ET CONCORDANCE DES TEMPS





«Je veux que mon livre m’appartienne ».

Il y a déjà eu quatre adaptations cinématographiques du classique de la littérature américaine de Louisa May Alcott, Les Filles du Docteur March et elles ont toujours su attirer les grandes comédiennes de son époque : Katharine Hepburn et Joan Bennett dans la version de George Cukor (1933), Elizabeth Taylor, June Allyson et Janet Leigh dans le film de Mervyn LeRoy en 1949, Winona Ryder, Claire Danes et Kirsten Dunst dans l’œuvre de Gillian Armstrong en 1994.

Cette cinquième tentative est de loin la plus fraîche, la plus lumineuse, et la plus libre. Greta Gerwig a su s’approprier le récit tout en lui donnant son point de vue personnel et son style hérité du cinéma indépendant new yorkais. Elle aussi s’est offert un casting royal avec ses fidèles Saoirse Ronan et Timothée Chalamet, mais aussi Emma Watson , Florence Pugh, Laura Dern, Meryl Streep, Chris Cooper et Louis Garrel pour la « french touch ».

La réalisatrice annonce la couleur dès le départ avec cet éditeur qui rappelle à Jo March, aspirante écrivaine, que « Les gens veulent être divertis, pas être sermonnés ». Il faut des histoires courtes et corsées. Pour le divertissement, Greta Gerwig nous fait plaisir avec ce mélo adolescent où quatre sœurs cherchent leur voie, tout en étant insatisfaites de leur destin. Et s’il est long, ce faux teen-movie est aussi intense.

Le plus étrange est sans doute sa mise en scène, presque inconstante. Comme si elle avait essayé de faire deux films, et que l’un des deux avait capitulé en cours de route. Si bien que le premier tiers s’offre des audaces étranges : ralentis, références, allégories (sans le savoir on a une nouvelle jeune fille en feu cette année-, découpage assez serré, flash backs…. Mais tout cela disparaît par la suite pour revenir à un film plus classique, au service de l’histoire et de ses comédiens.

Matriarchie

Car, on comprend bien l’intérêt de Gerwig pour cette vieille histoire d’un autre siècle. Un hymne au féminisme, et une héroïne prête à s’émanciper et à être indépendante. Il ne faut pas oublier les deux matriarches – la mère généreuse et la tante acariâtre – résolument attachées à leur autonomie. Et une ode aux arts – du roman à la peinture en passant par la musique – dans des milieux conservateurs et masculins. Il y a aussi quelques hommes : un veuf nostalgique, un père sur le front, un précepteur modeste, un étranger érudit, et un nanti oisif, bourreau des cœurs. Les hommes sont séducteurs ou puissants, mais en seconds-rôles.

La cinéaste n’a pas de mal à orchestrer tant de talents. On sent bien la complicité, la rivalité, la solidarité, la difficulté d’être femmes quand il s’agit des sœurs. La famille est colorée, délurée, pleine de vitalité. On assiste alors à un feuilleton romanesque où Chalamet joue le (joli) coq, le pivot, entre elles.

Mais ce qui séduit est ailleurs : dans ces scènes qui se font écho et peuvent montrer par le seul mouvement et la lumière une ambiance contraire. Dans cette finesse psychologique, où chacun des personnages a le temps d’évoluer, d’être juste ou faible, aimant ou délaissé, rêveur ou désespéré.

En modernisant le récit, en lui donnant presque un angle « young adult », avec ses codes actuels, en malmenant intelligemment la chronologie pour construire une dramaturgie, la réalisatrice nous offre un film aussi maîtrisé qu’agréable, sucré comme les pâtisseries de la mère qu’acerbe comme les critiques de l’étranger. Ces filles du Docteur March ont pris un sacré coup de jeune, salvateur et bienfaiteur. Gerwig n’a pas hésité à trahir le roman, éliminant la place de la religion, au profit de l’amour. D’ailleurs, ce petit clin d’œil final à la rom-com contemporaine donne le ton de ce film : une loyauté à ce mélo familial tout en le trahissant allègrement avec une légère impudence qui nous régale.
 
vincy

 
 
 
 

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