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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Official Secrets
Royaume Uni / 2019
02.01.2020
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TOP GUN
Official Secrets est en apparence discret et sage, comme son héroïne. Pourtant, sous la surface, ce thriller politique, inspiré d’une histoire vraie, démontre comment notre conscience nous dicte parfois nos actes jusqu’à remettre en cause l'autorité, à laquelle on avait jusque là accepter de se soumettre.
Ici il s’agit de dénoncer une manipulation américaine et les mensonges du gouvernement du premier ministre Tony Blair, qui, en 2003 s'est lié « tel un caniche » pour reprendre une célèbre caricature de l’époque, aux Etats-Unis pour lancer une guerre en Irak. Official Secrets de Gavin Hood est l'adaptation d'un livre qui retrace les évènements qui ont suivi la diffusion à la presse d'un mémo secret envoyé par la NSA américaine aux services de renseignements anglais : chercher des renseignements à propos de certains membres du conseil de sécurité de l'ONU pour les obliger à voter en faveur de la guerre que souhaite entreprendre les Etats-Unis du gouvernement Bush... Les grandes lignes de cet évènement politique sont connues : il fallait aux américains trouver des preuves d'armes de destruction massive en Irak ou un vote de l'ONU pour être autorisés légalement à déclencher cette guerre, même si elle sera considérée comme illégale.
L'histoire moins connue est celle que raconte ce film : Katharine Gun, une employée des services de renseignements britanniques, a donc fait fuiter en 2003 à la presse un document interne à propos de pressions pour que Tony Blair au nom de l'Angleterre soutienne ce projet de guerre... Official Secrets tient autant du film d'espionnage à suspense, de l'enquête journalistique, que du thriller de conspiration politique tout en rendant hommage à une lanceuse d'alerte qui sera intimidée et poursuivie pour trahison.
Cette femme à la fois héroïne et victime est incarnée par une vulnérable, distante et déterminée Keira Knightley, avec autour d'elle Ralph Fiennes, qui s’impose en quelques scènes, Matthew Goode, Adam Bakri, Matt Smith, Rhys Ifans... Autant le casting que la mise en scène est au service de cette intrigue qui débute comme une investigation - un peu comme la série State of play, qui déjà abordait cette question de l'Irak... - pour s'emballer ensuite vers une succession de conséquences imprévisibles, à destination d’un twist final.
Présentées avec clarté, chaque problématique (divulguer un document secret ? authentifier un document secret ? trouver la source ? menacer la source ? s'opposer au gouvernement ?...) donne l'occasion à Keira Knightley de briller dans cette histoire incroyable mais vraie, où les convictions et la paix ont motivé ses décisions. Ce qui est effroyable dans ce scénario bien ficelé, où l’humain garde toute sa place, jusqu’au dernier plan qui montre qu’on ne joue pas avec les valeurs et l’éthique, c’est bien ce que l’Etat est capable de faire pour se protéger. Quand on dit l’Etat, c’est évidemment le pouvoir, prêt à tout pour tordre, voire casser le bras de celle qui le défie.
Toujours aussi fasciné par les complots étatiques, Gavin Hood rythme parfaitement son récit entre Pentagon Papers et Snowden, mixant au passage des archives réelles et quelques scènes tendues (notamment celle de l’expulsion du mari). Dans ce système pourri, ce bon film nous interroge sur la force de la citoyenneté face à la brutalité de l’Etat. C’est à la fois le procès d’une guerre illégale, du mensonge, et de la divulgation de documents classifiés, avec avocats, médias, juge, gouvernement dans ce magma bouillonnant, où seule les manquements de la Loi semble faiblement protéger les alerteurs d’aujourd’hui. Depuis, la Loi s’est un peu plus renforcée, au profit des gouvernants.
vincy
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