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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'extraordinaire voyage de Marona (Marona's fantastic Tale)
France / 2018
08.01.2020
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UNE VIE
“Chez les chiens, le bonheur c’est l’inverse de celui des hommes : nous voulons que les choses demeurent exactement comme elles sont. ”
On vous l'assure : que vous ayez sept ou soixante-dix-sept ans, vous allez craquer pour cette histoire forte et sensible qui, tout en jouant la carte de l'humour et de la légèreté, éveille tout une palette d'émotions délicates. Marona raconte en effet à la première personne son existence mouvementée, embellie par les rencontres et les découvertes, et nous emmène le plus naturellement du monde dans son univers fait de poésie et de petits bonheurs.
Visuellement, c'est une fresque virtuose et intense dans laquelle se déploie sans compter l’incroyable inventivité de sa réalisatrice et des artistes dont elle s’est entourée, l’auteur graphique Brecht Evens en tête. Chaque séquence est une nouvelle splendeur qui nous emporte tour à tour dans l'espace ou dans un parc à la végétation luxuriante, sur un chantier de construction ou dans une maison aux murs roses. Dans cet univers ultra coloré, rien n'est acidulé ou mièvre, mais c'est au contraire comme une explosion de teintes vives et chatoyantes qui illuminent le récit.
Anca Damian s'offre toutes les libertés, et notamment de multiplier les styles graphiques, allant parfois très loin dans l'abstraction, ou dans une représentation stylisée du monde. On a la sensation qu'elle applique au long métrage ce qu'on aime tant dans le court : cette audace formelle qui ne s'interdit aucune expérimentation, et propose un cinéma libéré des contraintes esthétiques ou narratives traditionnelles, débordant d'idées visuelles et poétiques qui s'insèrent systématiquement dans la tonalité de l’action ou l’état d’esprit du personnage.
Tout fonctionne, nous surprenant souvent, nous éblouissant sans cesse, et nous emportant dans les souvenirs doux amers de Marona. Avec elle, on plonge littéralement dans le système solaire, les ombres chinoises dansent sur le mur, les livres s'animent, les crêpes s'envolent... Le spectateur, comme face à un feu d'artifice, n'a pas assez de regards pour tout embrasser.
Et qui aurait dit que l'on éprouverait autant d'empathie pour un chien ? On vibre littéralement avec Marona, profondément touchés par sa découverte du monde, bouleversés par les énormes preuves d'amour qu'elle donne à ses différents maîtres, émerveillés nous-mêmes par sa capacité d'émerveillement. Et cela va même plus loin : à voir l'être humain à travers le regard bienveillant de Marona, on reprend même un peu confiance en nous-mêmes, et en nos semblables. On s’interroge aussi sur cette quête incessante du bonheur qui nous empêche si souvent de voir qu’il est à portée de mains. Happiness is a small thing chante Isabel Sörling dans le générique final, écrit comme le reste de la très sensible bande-originale par le compositeur Pablo Pico. Le bonheur est effectivement dans les petites choses, propres à chacun, et souvent indicibles, mais il est aussi incontestablement dans ce film à la sincérité et à la générosité désarmantes.
MpM
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