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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Swallow
USA / 2019
15.01.2020
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DUR À AVALER
Avec Swallow, on replonge dans un cinéma d’antan, autour d’un personnage moderne et atemporel. Cette œuvre féministe, aux influences de Douglas Sirk, n’aurait pas dépareillé dans la filmographie de Todd Haynes. Le premier film de Carlo Mirabella-Davis vaut évidemment, surtout, par son interprète, Haley Bennett, parfaite en bonne épouse en apparence parfaite. Sous le maquillage élégant et le vernis de rigueur, elle incarne avec subtilité cette femme aux deux visages, qui cache sous sa belle peau une folie et quelques troubles hitchcockien.
Car on est dans la haute-société bourgeoise d’aujourd’hui, ce décor archétype d’une New York heureusement opulente. Polanskien en diable, le film distille alors une forme inquiétante, une sorte de poison, dans son récit : la femme est enceinte et commence à ingurgiter toutes sortes d’objets. La construction d’un être et la destruction d’un autre. La névrose a ainsi son décor glaçant et glacé.
Swallow veut dire avaler. Ici il n’y a rien de pornographique. Tout ce qui est englouti n’est pas comestible. Ce syndrome révèle avant tout le mal-être d’une femme emprisonnée dans son monde, où la maison est elle-même un ventre où elle se nourrit. Elle est un bébé en gestation, qui ne sort pas à terme.
On n’a pas à expliquer une telle confusion des émotions. D’ailleurs le film, intelligemment, n’est pas didactique, ni explicatif. Le cinéaste aime brouiller les pistes et déjouer les préjugés. Cette atmosphère entre thriller et fantastique fascine. Aussi quand on en sort, on s’ouvre à un autre film, avec un peu de regret. Le film devient plus narratif, plus classique, et plus explicatif. En justifiant le trouble alimentaire par une psychologie rationnelle, il perd de sa singularité, laissant sa comédienne porter tout le film et toute l’histoire sur ses épaules, avec brio. C’est elle qui domine les plans, qui dicte la mise en scène, qui joue de son physique de femme-enfant pour mieux percevoir l’ambiguïté de son rôle et pour mieux comprendre la difficulté de ses choix. C’est aussi elle qui amène la sensibilité nécessaire pour nous conduire à destination : une confrontation, une délivrance, un petit espoir.
vincy
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