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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les traducteurs
France / 2020
29.01.2020
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RENDEZ-VOUS AVEC LES MORTS
« Il a choisi la position sexuelle. 069. »
Régis Roinsard nous surprend. En lorgnant du côté du thriller anglo-saxon, Les Traducteurs sort de la zone de confort du cinéma français. On se réjouit même qu’il est su imposer à ses producteurs un scénario aussi alambiqué, aux influences codées et au ton si contemporain. Ici, ce n’est pas une dérivation d’Agatha Christie par Pascal Thomas ou un film de genre aux accents hollywoodiens.
Non, Les Traducteurs commencent comme un cluedo, un de ces films à énigme que la reine Christie aurait adorés. Mais la victime est un best-seller (et donc son éditeur). A la moitié du film, le présumé criminel se révèle, et tout s’inverse. La victime devient le suspect. Pourtant, nous ne sommes pas au bout des surprises. D’abord parce que la narration s’offre un aller et retour entre un passé récent (les traducteurs sont enrôlés pour travailler dans un manoir, coupés du monde) et un présent intrigant (la victime et le coupable se retrouvent en prison). Ensuite parce que du film à énigme, on arrive au film d’arnaque (elle est plutôt maligne) et finalement au film de vengeance (avec deux twists inattendus).
La mise en scène est soignée, le casting cosmopolite bien huilé, et le script permet un véritable suspens. Même si les maladresses ne manquent pas, le divertissement est assuré. Bien sûr, ceci est une fiction. Rien n’est réaliste dans cette histoire. A commencer par le personnage « central » incarné par Lambert Wilson, dans le rôle d’un monstre ultra-libéral, capitaliste et déshumanisé, éditeur de livres qu’on vend comme du dentifrice. Sociopatte et psychopathe, il est finalement un réel personnage de fiction, avec ses outrances et ses stéréotypes. C’est même son attitude et ses actes qui rendent le film si peu crédible, quand les autres protagonistes sont beaucoup plus authentiques. Certains comédiens sont plus utilisés que d’autres. Reconnaissons que Sidse Babett Knudsen, Alex Lawther, Eduardo Noriega et Manolis Mavromatakis surclassent un peu les autres.
Au final, cela peut paraître comme un énième tour de magie superficiel sur une manipulation extrême et bien anticipée. Un exercice de prestidigitation où l’écriture, plus encore que l’image, démontre qu’une bonne idée peut-être bien exploitée. S’il manque un peu de profondeur et de subtilité – cette fameuse lecture « entre les lignes » - et si on aurait aimé davantage de subliminal au niveau visuel, Les Traducteurs reste un bel exercice de style sur la revanche des auteurs et traducteurs, profession précarisée, face aux éditeurs. Avec quelques cadavres à la clé, pour le fun. Car au final, il n’en restera qu’un. L’auteur.
vincy
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