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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Voie de la justice (Just Mercy)
USA / 2019
29.01.2020
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LA LIGNE BLANCHE
« Je n’ai pas besoin qu’on m’aime tant que je fais ce qui est juste. »
Présenté lors de l’édition 2019 du TIFF, le nouveau film de Destin Daniel Cretton a de quoi diviser. Manichéen mais réussi, La Voie de la justice touche et émeut. Explications.
Question raciale
Après des études à Harvard, Bryan Stevenson (Michael B. Jordan) se lance dans une carrière d’avocat. Malgré des optiques d’avenir très favorables, il préfère se rendre en Alabama pour défendre des détenus condamnés à mort. Aidé par Eva Ansley (Brie Larson), une militante du coin, ils s’attaquent à l’affaire Walter McMillian (Jamie Foxx). Condamné à mort en 1987 pour le meurtre médiatisé d’une adolescente blanche de 18 ans, le détenu noir embarque Bryan à la découverte des manoeuvres politiques et juridiques.
Basé sur une histoire vraie, La Voie de la justice tend à porter un constat simple et précis : l’Amérique de l’esclavage et celle de la ségrégation sont loin d’être derrière nous. Pendant plus de deux heures, le scénariste et réalisateur Destin Daniel Cretton s’attarde en effet sur les ravages du racisme (et de la xénophobie) dans la bonne marche de la justice américaine. Face à un comté partagé entre des Blancs qui se serrent plus que jamais les coudes et une communauté noire réduite au silence, Bryan Stevenson a beaucoup à faire.
Et pour faire comprendre au spectateur que même en 1987, la ségrégation est loin d’être un vieux souvenir, Destin Daniel Cretton n’y va pas de main morte. Le réalisateur de States of Grace et Le Château de verre prend en effet le temps de montrer l’enfer des détenus noirs, l’absence de justice pour la communauté noire et les travers d’un système qui tend à favoriser voire carrément protéger les citoyens qui le mériteraient davantage (les Blancs, apparemment).
Grâce à des scènes à la force tranquille voire carrément hypnotique (la fouille au corps, les menaces de mort, le contrôle routier), le cinéaste de 41 ans crée une atmosphère pénible à apprécier pour celui qui le regarde — peu importe sa couleur de peau. Aidé par un dénouement attendu et redouté, il génère le suspense attendu et nous laisse penser que l’issue de ce seul procès peut influencer le cours des autres affaires du même type. Et c’est bien que là que repose l’audace de La Voie de la justice, dans cette capacité que son auteur a de voir plus grand et dans celle de ses comédiens à faire plus que ce qui est demandé.
Casting de rêve
Pour camper Bryan Stevenson, le choix des producteurs s’est porté sur la personne de Michael B. Jordan. Un choix tout à fait légitime tant l’acteur de 32 ans est aujourd’hui incontournable. Après les succès de Creed et Black Panther, celui qui a toujours vécu en Californie s’offre un nouveau grand rôle. En avocat dépassé par un racisme enraciné, il excelle. Costaud et sensible à la fois, il continue de surprendre. A l’image d’une Brie Larson toujours aussi importante. Même dans ce second rôle loin d’être très sexy, elle s’avère indispensable à la bonne tenue du scénario.
Mais c’est sans l’ombre d’un doute la performance de Jamie Foxx qui demeure la plus remarquable. En détenu accusé à tort, il est parfait. Qu’il apprécie la beauté de la forêt, qu’il soit emprisonné ou bien qu’il tente de faire bonne figure dans un tribunal, le personnage campé par l’acteur est plus vrai que nature, plus vulnérable qu’on ne le pense. Voilà pourquoi La Voie de la justice s’en sort convenablement sans jamais briller.
En effet, le film de Destin Daniel Cretton réussit à émouvoir grâce à une histoire que l’on aurait pu renommer « Ça s’est passé près de chez vous » mais perd en saveur à cause de son déroulement. Comprenez par là que La Voie de la justice est un biopic judiciaire des plus classiques. La structure du film se veut pleine de rebondissements mais ceux-ci surviennent précisément aux moments où nous serions tentés de les attendre.
En parallèle, le cinéaste régale son spectateur grâce à une photographie signée Brett Pawlak et qui donne un très bel aspect vintage au film. Plus encore, les choix de cadrage et les changements sonores brutaux font naître une ambiance façon New York Police Judiciaire ou American Crime Story à laquelle on ne s’attend pas forcément.
Cohérent et complet, La Voie de la justicea tout pour plaire. On aurait simplement aimé y voir davantage de prises de risque, dans la narration ou la direction. Un acte manqué. wyzman
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