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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Notre-Dame du Nil
France / 2020
05.02.2020
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ON ÉTAIT JEUNES ET L’ON CROYAIT AU CIEL
« Il n’y a rien qui est juste dans ce monde quand on est une femme. »
L’adaptation du roman de Scholastique Mukasonga par Atiq Rahimi est un beau poème cinématographique sur les origines du conflit ethnique entre Tutsis et Hutus dans le Rwanda des années 1970.
Nous voici dans une « terre en plein désordre, entre volcan, lac et jungle ». Par chapitre, le cinéaste dévoile la montée de la violence, les racines de la haine. L’onirisme visuel du film et le huis-clos dans ce lycée catholique contribuent à faire du récit une allégorie atemporelle sur la rivalité de deux peuples, à travers des jeunes filles qui coexistent parfaitement, innocentes et candides, et qui vont lentement se scindée entre bourreaux et victimes.
La photo d’Arbogast et le montage de De Luze amènent à la fois une beauté réaliste et un rythme délicat à cette fresque humble, qui s’offre en guise de musique des airs jazzys presque dissonants. Les décors font le reste pour nous immerger dans ce monde si lointain, tout en nous laissant croire qu’il est familier.
L’autre force du film réside dans le casting. La troupe de jeunes filles est formidable, avec leur charisme et leurs failles. Bonnes citoyennes (de l’élite), bonnes chrétiennes, rêvant de vedettes parisiennes ou hollywoodiennes, elles traduisent parfaitement les sentiments qui les assaillent, de la jalousie à l’arrogance, de la solidarité à la haine. Elles sont facétieuses, audacieuses, rayonnantes, rieuses, avant que le cauchemar ne débute, que les rancœurs n’émergent.
De l’héritage colonialiste, on a retenu que l’une des deux ethnies était inférieure, disposant d’un quota plus faible pour accéder au savoir. Le peuple en exil va être de nouveau humilié, massacré. Il faut la beauté de la langue de la romancière, ces palabres poétiques, pour nous mettre un peu à distance de ce qui va survenir. Aux sources du Nil, aux temps des fleurs, Atiq Rahimi cherche à comprendre comment une telle horreur a pu survenir.
La bêtise tout simplement. Il en profite d’ailleurs pour pointer les aberrations de la religion en lui opposant la science, l’absurdité de l’éducation quand elles apprennent l’histoire de France et pas celle de l’Afrique, l’obligation de parler français et pas dans leur langue, la lâcheté des blancs quand les jeunes Tutsis sont pourchassés par les Hutus.
Le film s’assombrit progressivement. Comme dans la chanson de l’autre dame du Nil, Dalida, Le temps des fleurs. « C'était le temps des fleurs, On ignorait la peur, Les lendemains avaient un goût de miel / Et puis sont venus les jours de brume, Avec des bruits étranges et des pleurs, Combien j'ai passé de nuits sans lune » Alors le film bascule.. Le soleil fait place aux nuages. Les mensonges et la haine prennent le dessus. Le poison devient toxique et va détruire de l’intérieur l’établissement paisible. On passe ainsi du sacré au sacrifice.
A la manière d’un conte macabre, le réalisateur, avec un joli sens du rythme et une mise en scène épurée, sans effets outranciers et sans pudeur malhabile, montre la terreur, et ses effets, qui saccagea l’innocence du début. « Les Dieux veulent du sang et les hommes en offrent. » En ramenant l’humain à sa bestialité crasse, il dénonce les guerres et les génocides, au nom d’idéologies et du pouvoir. Ce qui en fait un film universel, à hauteur de jeunes filles.
vincy
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