Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Lara Jenkins (Lara)


Allemagne / 2019

26.02.2020
 



UNE JOURNEE PARTICULIERE





«- En vérité, vous aviez beaucoup de talent. »

L’écriture de Jan Ole Gerster ne supporte pas la démonstration, le didactisme et les grandes explications. On savait déjà avec Oh Boy que le réalisateur aimait plutôt l’évocation, les songes, ces regards qui se perdent, les non-dits en forme de silences. Avec Lara Jenkins, le cinéaste creuse la veine mélancolique, avec cette femme seule, dépressive et pleine de regrets.

Lara est à la retraite. Elle est toujours aussi belle. Une tristesse insondable semble la figer. Elle veut se jeter par la fenêtre. Pourtant le film n’est pas vraiment à son image. De péripéties en surprises, la journée qui s’annonce va être mouvementée, et l’obliger à se confronter "psychanalytiquement" aux origines de sa léthargie.

Berlin, plutôt côté ouest, va lui servir de divan, au fil des rencontres : un voisin qui l’apprécie, des collègues au bord de la crise de haine, un ex-mari qui marque sa distance, un ancien professeur qui l’a, dans un premier temps, oubliée, une mère avec qui elle ne s’entend pas, un fils qui la fuit, et sa copine qui le lui vole.

France Gall en guest

Au cœur de tout cela, comme une Rosebud, il y a le piano. On entend d’ailleurs une première fois dans un café « Il jouait du piano debout » de France Gall. Ce n’est pas innocent. Ce n’est pas un détail, pour elle ça veut dire beaucoup. Le piano qui l’a tant fait souffrir, qu’elle aime tant, qu’elle ne touche plus, qui est l’instrument de gloire de son fils, est la source de toutes ses frustrations et de toutes ses obsessions.

Portrait de femme, Lara Jenkins pourrait faire penser à la chilienne Gloria, en moins pimpant. Lara se cache aussi derrière des conventions et des masques. Mais elle fêle l’armure progressivement, par petits coups de folies, en provoquant le hasard, en affrontant ses hantises. Dans ce décor gris et froid, cette femme autoritaire et peu chaleureuse, pas vraiment aimable tant elle est cassante, va devoir affronter des vérités déplaisantes.

A commencer par accepter qu’elle seule est responsable de ses choix passés et qu’elle n’est ni sa mère ni son fils. La dose de cruauté instillée tout au long du récit aurait pu en faire une acariâtre toxique. Mais la joliesse et la subtilité de ce film aussi sensible et insécure que son personnage compense sans forcer la noirceur décelée.

Lara est en prison. A ciel ouvert, dans son appartement, dans sa tête. Pour s’évader, et finalement pour de nouveau être aimée, le jour de ses 60 ans, elle va devoir affronter son trauma (Traum en allemand signifiant rêve), son dragon, le piano. Lara est un poison. Pour qu’il ne fasse plus d’effet, il faut écouter, discuter, reprendre sa liberté et ne plus dépendre de son passé, pas si reluisant.

Car le film est l’histoire d’une longue désillusion, de rêves enfouis. C’est le jour de son anniversaire que la facture apparaît plus lourde que prévu. Elle a gâché son talent et ne sait pas gérer le présent. Ce portrait sans concession est transcendé par son actrice, Corinna Harfouch, qui se glisse à la perfection dans ce personnage ingrat, que le spectateur ne parvient jamais à rejeter.

Le réalisateur ne la quitte jamais des yeux, même quand il la filme de dos, seule sur scène face à une salle vide. Toute son existence résumée en un plan. L’egocentrée comprend alors qu’elle doit s’ouvrir au reste de sa vie : « ça veut dire qu’elle était libre, heureuse d’être là malgré tout ».
 
vincy

 
 
 
 

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