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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Radioactive
/ 2019
11.03.2020
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L’ALCHIMISTE
« L’opinion des autres n’a jamais dicté mes actes. »
Marjane Satrapi passe Marie Curie aux rayons X. La plasticienne, dessinatrice, autrice et réalisatrice abandonne ses adaptations de BD et ses comédies foutraques et décalées pour un film plus académique, en costumes et historique.
On voit bien ce qui l’a intéressée (interpellée) dans le personnage de Marie Curie, irréprochablement interprétée par Rosamund Pike : la savante double prix Nobel (en physique et en chimie), la femme indépendante et émancipée (même si elle n’en fait pas un combat féministe), l’immigrée intégrée (quitte à se prendre la haine de la société au moindre écart moral), le caractère affirmé et curieux (renvoyant les hypocrites et le patriarcat dans ses cordes).
Le scénario de Radioactive dépeint toutes ces facettes, sur le mode chronologique. Mais le film se distingue du genre en insérant des séquences courtes illustrant concrètement les découvertes des Curie, de la radiothérapie au nucléaire. En montrant ainsi les effets dans le temps d’une recherche scientifique fondamentale, la réalisatrice signe une ode à la science, que ce soit dans ses bons aspects (médecine) comme dans ses plus néfastes (Hiroshima, Tchernobyl). Ces vignettes formidables sortent aussi le film de son carcan biographique, lui donnant la respiration nécessaire, sublimées par une musique qui rappelle certains accents de celles de The Hours.
Radioactive n’est pas non plus un film sur les Curie, même si on voit bien la mécanique intelligente (et un peu bluette) du couple sapiosexuel. Là encore, Satrapi, qui a débuté par la coréalisation avec Vincent Paronnaud, se voit dans ce miroir. La cinéaste filme aussi la scientifique après la mort de son époux, comme elle-même s’est lancée en solo dans le cinéma.
Du cabaret avec les magnétiseurs qui exploitent (au détriment de leur santé) le radium aux tranchées de la première guerre mondiale où Marie Curie et sa fille vont sauver des centaines de soldats d’amputations inutiles, le film s’attache ainsi à fusionner la personnalité singulière de cette femme née en Pologne et son métier (son génie) offert à la France.
Un peu engoncé dans ses étapes narrative obligatoires, et dicté par un rythme qui ne veut pas ralentir pour donner de l’espace au personnage au-delà de ses grandes dates symboliques, le film réserve malgré tout suffisamment de surprises, et quelques légères folies, pour nous faire vivre ce destin incroyable.
Marie Curie est une femme exceptionnelle, libre, défiant le puritanisme et le racisme, naviguant entre lumière, rayon vert et ténèbres. A l’exception des scènes qui nous projettent dans le temps, il faut cependant attendre l’épilogue pour retrouver la patte de Satrapi avec ce final quasiment sans dialogues, où les images défilent sur fond musical, mélangeant passé et futur, comme une course accélérée qui résume une vie avant qu’elle ne s’éteigne. Le radium aura été son joyau vert fluo et sa fatalité. La science est toujours une arme à double tranchant.
vincy
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