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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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GANG OF WITCHES
«- Tu sais ce que t’es ? Une gamine mal élevée.»
Pablo Larrain est à une intersection. Il y a son parcours chilien, auquel il revient. Et il y a ce portrait de femme souhaitant se libérer de l’(op)pression, prolongement de Jackie.
Ici, Ema est une danseuse, qui vit fusionnellement avec son chorégraphe. Elle est la muse. Il est le pygmalion. C’est une histoire d’emprise. Arrivée à un cap, elle culpabilise de ses choix : l’abandon de son fils, sacrifié pour son art et son amour. « La trahison d’une mère, c’est inhumain».
Ema est le récit de cette passion névrotique. Le cinéaste poursuit dans son amour des récits morcelés, son esthétique terne et réaliste, son montage nerveux. On est dans un réel qui file à toute vitesse.
Le film repose surtout sur le talent de ses comédiens. Car le scénario, relativement énigmatique au début, plutôt banal durant une grande partie de son deuxième tiers, n’a pas la force des précédents films de Larrain. Malgré les drames, la justesse des sentiments et le désastre intime, le film s’imprègne sans doute un peu trop de la toxicité du couple et des atermoiements d’Ema. Il faut dire que le destin n’est pas tendre avec elle.
Pourtant cette histoire de libération nous touche. Les artistes sont écrasés par un système. Les individus sont broyés par les règles de la société. La vie, fluctuante, cherche à contourner ces rigidités et ces jugements. Il faut attendre le dénouement du récit pour s’accrocher de nouveau au film. Deux couples - des adultes engoncés qui se libèrent de leurs carcans – et un enfant comme lien qui renforce. Attirances et perversités, frustrations et colères, injustices et pardons se mêlent pour parvenir à une « morale » généreuse et altruiste, sans forcer.
Car ce qui est sans doute beau chez Ema, c’est la dose d’amour qu’elle a à donner, et le peu qu’elle reçoit en échange. L’émancipation de chacun anéantit le narcissisme de tous. On peut regretter le manque de rythmes, la surdose de névroses. On peut se laisser happer par les scènes de danse et de sexe, admirablement filmées. C’est à la fois vain et dense, brouillon et beau.
De cette femme dysfonctionnelle, Pablo Larrain réussit quand même à nous amener en territoire inconnu et trouble, dans une famille non pas recomposée, mais iconoclaste. Le chemin aura été ardu, pour elle comme pour le spectateur, mais la fin aura justifié toutes les maladresses. Il en reste alors une poésie sereine et apaisante. vincy
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