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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Enorme
France / 2020
02.09.2020
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MONSTRE
"Arrêtez de me toucher!
Sophie Letourneur insuffle un ton assez singulier dans le cinéma français. Fiction et documentaire, improvisation et scénario construit sur « le tas », acteurs pros et citoyens dans leurs propres rôles : tout s’y mélange, avec une belle harmonie.
Enorme est l’histoire d’un couple amoureux, où les genres sont inversés. C’est la beauté du récit. Marina Foïs incarne une femme entièrement dédiée à son métier (pianiste virtuose), ramenant ainsi l’argent dans le foyer, et ne laissant pas de place au quotidien. Encore moins à un enfant. Jonathan Cohen est donc l’époux, soumis, dévoué, cumulant les casquettes d’agent, d’amant, de secrétaire et de domestique. Il lui manque quelque chose pour être épanoui, pour remplir une partie de son vide existentiel. Un enfant, peut-être.
Mais, la nature est ainsi faite, ce sont les femmes qui accouchent. De ce postulat, la réalisatrice nous embarque dans un tourbillon burlesque, dramatique, sympathique, un peu étrange. Mais qui nous met mal à l’aise profondément.
Inégalité des sexes
Passons sur la longue séquence d’accouchement (pas si neuve dans le cinéma), qui valorise le travail des sages femmes, le problème est ailleurs. A partir d’une bonne idée, Sophie Letourneur va mettre son film en déséquilibre à deux niveaux. D’abord l’inégalité des sexes. Marina Foïs hérite d’un très beau personnage, qui évolue en prenant conscience de l’emprise de son mari sur sa vie (certes elle en est responsable). Elle n’en fait jamais trop, même quand elle doit basculer dans l’excès. Face à elle, Jonathan Cohen est en roue libre, hypersensible touchant mais débordant de partout (y compris du ventre), ne sachant pas réguler la vulgarité qu’il impose à cet homme, agaçant fortement dès qu’il s’oblige à être dans l’humour (gras).
Tous deux énormes (elle dans le jeu, et avec un ventre démesurément gigantesque, lui dans la lourdeur , et avec un corps déformé par sa grossesse nerveuse), ils jouent une partition mal mixée. La délicatesse de Foïs, celle d’une pianiste tout en intériorisation, ne s’allie plus forcément avec la grosse caisse de Cohen.
Un couple bancal ne fait pas un mauvais film. En revanche une morale bancale peut produire un sentiment malsain d’avoir été dupé. Il y a bien une avocate qui rappelle au futur père qu’il a commis un crime, tout sera pardonné une fois l’enfant accouché. Pourtant, ce n’est pas anodin. L’homme est un monstre dans ce film : il dicte son désir à sa femme. Il lui enlève son moyen de contraception pour qu’elle procrée, il lui ment pour qu’elle ne puisse pas voir son gynécologue avant la date limite pour pouvoir (éventuellement) avorter, il lui impose cette grosse malgré elle. Et jamais il ne sera jugé, jamais on ne le lui reprochera vraiment.
En disposant du corps de l’autre, il renvoie à la pire image d’un mâle décidant pour sa femme. La belle idée de l’absence de désir maternel est saccagée par cette fin heureuse gênante. La cinéaste enfonce le clou en faisant de son film une œuvre prosélyte sur la parentalité, étape nécessaire pour être heureux à deux. Marina Foïs a commencé le film en femme déléguant sa vie. Elle le finit en prisonnière d’une vie qu’elle n’a pas choisi. Mais, apparemment, pout un enfant, tout peut-être pardonné. vincy
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