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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La daronne
France / 2020
09.09.2020
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LA RIPOUX
« La galérance, elle est finie ! »
La Daronne est une comédie policière réjouissante et divertissante. Jean-Paul Salomé a retrouvé avec Isabelle Huppert l’actrice qui lui manquait dans es récents films. Le réalisateur de Belphégor et d'Arsène Lupin, blockbusters en costumes et avec effets visuels d’il y a vingt ans, s’attaque ici à un sujet plus contemporain, avec un Paris klapischien (multiculturel, entre Belleville et Barbès) et un portrait ambivalent d’une femme moderne.
Isabelle Huppert a un job de traductrice (français-arabe) auprès de la brigade des stups. Elle est au cœur des écoutes, mais n’a rien d’un flic (elle ne sait même pas mettre un gilet pare-balles). C’est aussi la fille d’une mère qui perd un peu la tête dans son Ehpad coûteux. Et une mère monoparentale. Son existence est assez morne et lui pèse. Aussi, quand par un hasard de circonstances, elle se retrouve avec une énorme quantité de cannabis, elle se piège dans un dilemme. L’argent risqué versus la vie honnête. Elle devient La Daronne, aussi chic qu’Isabelle Adjani dans Le monde est à toi, et retrouve ainsi ses racines : un feu mari aventureux et flambeur, des parents qui ont eu la belle vie…
Patience est son nom. Et pourtant elle en manque. Elle en a marre de tout. Elle ne profite pas du présent et étouffe de son passé. On pourrait presque y voir le tableau d’une femme au bout du rouleau, entre ultra-moderne solitude et pression capitaliste broyant l’existence. Isabelle Huppert retrouve ici un rôle à sa hauteur, et pour la première fois depuis Huit femmes, une comédie qui valorise son talent à manier la dérision. Si le film est un mélange de genres (comédie, policier, drame), elle apporte une tonalité qui lui permet d’être cohérent de bout en bout. Elle est le pilier et les murs porteurs de ce scénario assez banal mais bien cousu.
L'amour du risque
Cette comédie un brin sociale et décalée vaut essentiellement pour la comédienne, partagée entre flics et voyous. On ressent une véritable empathie pour elle, mais, avant tout, elle parvient à nous faire accepter la nécessite de son action hors-la-loi. « On a tous envie d’avoir une vie un peu plus douce ». Le plus intéressant est ce moteur plus intime et moins cartésien qui la pousse à trafiquer avec dealers et pieds nickelés. Ce désir d’adrénaline, ce goût du risque dans le sang, cet amour du danger, tous trois imperceptibles mais bien palpables.
Dans ce monde de mecs un peu branques, elle pousse le film dans ses retranchements : c’est pour elle qu’on s’inquiète, et l'intrigue n'a plus d'autre intérêt. Justement, le final offre une belle fenêtre d’ouverture sur la force des sentiments. L’excellent Hippolyte Girardot incarne merveilleusement son supérieur hiérarchique (et amant), à la fois efficace, effacé et discret. Il est aux premières loges pour la coincer. Mais quand on est amoureux d’une daronne comme elle, rien n’est simple. Et c’est bien toutes ces ambiguïtés qui singularise le film. Dans la lignée des Ripoux, La Daronne relève le niveau du genre dans le cinéma français. Huppert n’y est évidemment pas pour rien.
vincy
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