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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
France / 2020
14.10.2020
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LA FILLE DES HAUTES PLAINES
Mené tambour battant, Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary est un film d’aventures à hauteur d’enfants s’adressant avec bonheur aux spectateurs de tous âges. Cette version fantaisiste des jeunes années de la célèbre “Calamity Jane” (faute de récits historiques fiables, ceux de la principale intéressée étant ouvertement inventés) combine western coloré, récit initiatique et portrait malicieux d’une héroïne captivante, confrontée à des enjeux qui n’ont pas pris une ride.
Ce qui séduit en effet dans le second long métrage de Rémi Chayé, c’est la manière dont le film dépeint la vie quotidienne de l’époque, et notamment la condition féminine. Dans la première partie du récit, qui est probablement la plus réussie, Martha prendre peu à peu conscience du fait qu’être une fille la cantonne à un rôle subalterne et étriqué, la contraignant à ne jamais être elle-même. Car, là où ses amies ne pensent qu’à se marier et devenir de parfaites mères de famille, la jeune fille rêve de voyages et de liberté, et envie les garçons qui peuvent chevaucher joyeusement dans les vastes paysages. Surtout, elle ne supporte pas ce regard condescendant qu’ils portent sur elle juste parce qu’elle est une fille.
Le scénario, qui peut sembler un brin classique dans ses enjeux et dans sa construction, avec ses multiples gags et rebondissements parfois un peu mécaniques, gagne en puissance lorsqu’il fait en filigrane le récit de cette émancipation. On suit ainsi le parcours de la future Calamity, entre rejet des stéréotypes traditionnels (vestimentaires bien sûr, mais pas seulement) et découverte du goût de la liberté. En cela, le film fait directement écho aux enjeux contemporains en rappelant qu’il n’y a pas de rôle, ni de comportement plus spécifiquement dévolus aux filles, et que chacune vit sa féminité comme elle l’entend.
Visuellement, le film est d’une grande beauté, faisant la part belle aux plans larges et aux vastes paysages “technicolor” servis par une esthétique très affirmée (larges aplats de couleurs, stylisation des détails, absence des traits de contour…) On est séduit par la manière dont le réalisateur parvient à introduire des moments de calme, presque de contemplation, au milieu d’un récit par ailleurs assez frénétique. La chevauchée sur la plaine sous un magnifique ciel étoilé, pur moment de bonheur et de liberté mêlés, est ainsi l’une des séquences les plus fortes du récit, qui marque à la fois le point d’orgue dans l’émancipation de Martha Jane, et l’apogée du style de Rémi Chayé. On peut déplorer que la seconde partie ménage moins de ces moments de grâce, cédant aux nécessités d’un rythme trépidant censé plaire au plus grand nombre, mais cela n’enlève rien à la beauté envoûtante de cette parenthèse enchantée en harmonie avec le cosmos. Ne serait-ce que pour elle, et pour la manière dont le film érige Calamity Jane en grande héroïne moderne, il faut se précipiter pour voir le film.
MpM
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