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LA GRANDE HALLE
"- Tu me hais, n'est ce pas?
- Oui, je te hais.
- Je t'ai toujours aimé."
Il est rare de voir un film américain, avec deux stars hollywoodiennes, partir aussi loin dans l'abstrait, le non résolu, l'inexplicabilité des choses. Monster's Ball est un drame en trois actes : la destruction, la rencontre, l'aboutissement. Dans ce Sud chaud et moite, la lenteur qui s'imprègne de certains plans ne fait qu'accentuer le désoeuvrement des âmes et la sensualité des corps. L'image bascule ainsi entre le non dit, le symbolique et la narration la plus classique. A partir de quelques éléments, des petits détails de la vie, les personnages suivent le fil conducteur de leur histoire d'amour. Sans que rien n'en soit dit. Avec une banalité exacerbée.
Non content de délivrer un message humaniste simple mais juste, Marc Foster s'attarde à condamner la peine de mort, le racisme, la précarité sans démagogisme. Cette histoire d'amour contrarié entre un homme abattu, partagé entre ses certitudes aquises et une envie d'autre chose, et une femme qui perd tout (son mari, son fils, sa maison, son job), sauf sa beauté vénéneuse, fonctionne parfaitement. S'autorisant un montage parfois impressionniste, il dessine deux destins opposés, leurs angoisses, leurs erreurs, pour mieux parvenir à la sérennité finale. Le scénario pose des petits caillous pour qu'on s'y retrouve dans cette passion impossible, et si belle.
Une grande partie de la crédibilité de cette histoire qui passe du transgérationnelle (relations père-fils) au transracial (le couple amoureux) repose sur ses deux interprètes principaux. Billy Bob Thornton est admirable de retenue, de désirs inassouvis, d'amertume blessée. Halle Berry, grandiose et belle au delà de la réalité, prouve ses talents de tragédiennes, avec maestria. Avec eux, l'absence de sensationnel et de doutes ne se transforme pas en leçon moralisatrice, ennuyeuse et arrogante.
Car Foster suggère les sentiments plus qu'il ne les montre. En quelques plans, il est capable de faire monter la tension, sortir la haine, et la voiler d'un pardon inéluctable. L'homme est ainsi son propre bourreau, martyrisant ses tourments. Chaque phrase révèle l'inconscient de ces personnages qui auraient aimé une autre vie. Il n'y a pas de pitié, ni de pathos, juste un constat pathétique d'une humanité qui se dégrade, et qui n'a plus foi en la vie. D'abord un slip kangourou baissé, une pénétration rapide et une jouissance précoce dans le cul d'une pute. Le sexe blasé. Puis plus tard une baise crue, variée, bestiale, longue. Un peep show avec Halle Berry en objet de plaisir. Tout est dit. A défaut de vie, d'amour, d'idées, de mots, il reste le sexe pour se croire en vie, et moins seul. En attendant de rejoindre le cimetière dans le jardin, l'amour leur permet de pardonner toute la noirceur, la dureté de leurs vies passées. vincy
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