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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Any way the wind blows
Belgique / 2003
07.07.04
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ANVERS EST DANS LE VENT
« Et t’as tout compris ?
- Pas tout m’sieur
- Alors c’est parfait ! »
En ces temps de disette créative où les scénarios se rabâchent, Tom Barman, pour sa première grande aventure cinématographique, aura préféré faire abstraction de toute structure narrative à signalétique traditionnelle. Le point de départ sera la réception en pleine tronche d’un freesbee non identifié par l’un des protagonistes, quant à la ligne d’arrivée, il n’y en aura pas vraiment. Entre les deux, l’artiste pluridisciplinaire s’offre une belle marge pour meubler à son goût l’espace des points de suspension. La tentative est risquée; pour ce genre d’exercice ça passe ou ça casse. Tout est lié à la personnalité de l’initiateur de la manœuvre, de l’affinité dans la digression que celui-ci est en mesure de nouer avec le spectateur. Bon point, l’homme est avenant et pas du genre auteur dépressif obsédé par la psychanalyse de ses pulsions refoulées. Il s’agirait ici de communiquer une certaine idée du bonheur en lutte contre la sinistrose moderne sans pour autant tomber dans l’enthousiasme naïf et contraint. Ambitieux, mais pas impossible pour un belge, au pays duquel la sublimation de la morosité quotidienne par la fantaisie est devenu un sport national depuis des lustres. C’est pour cela qu’on adore la Belgique par ailleurs. Aussi, il ne faudra pas s’étonner de voir Anvers – a priori pas franchement une destination touristique de rêve – filmé avec un éclat qui évoque plutôt une municipalité espagnole proche de Barcelone, entre mer et places ensoleillées. Les murs se couvrent d’affiches multicolores au graphisme recherché et une musique éclectique rythme la cacophonie urbaine, épousant les ambiances et les humeurs. Bref le monde selon Barman est un bouillon de culture, des éprouvettes scientifiques jusqu’aux forces de police très sensibles aux arts. Une recherche d’idéal, une fuite de la normalité, du stress de la cité, chaos imperturbable dans lequel les être humains se télescopent comme des électrons aux trajectoires arbitraires. Any way the wind blows sous sa forme de mosaïque morcelée façon zapping réunit autant d’instantanés d’existences qui une fois rassemblés révèlent un cœur énorme qui bat à l’unisson des émotions de ceux qui composent cette entité sociale plus bohème que bourgeoise. Le film est indéniablement habité, Tom Barman lui insuffle une vitalité sans trop de temps morts. Il est épaulé par un casting éclectique qui se coule dans chaque situation inattendue avec un sens captivant de l’authenticité mais aussi de la dérision. Sans dégager de grandes théories sur le destin des uns et des autres - l’époque est plus à la superficialité – le résultat du patchwork par son traitement dynamique d’une grande fraîcheur finit par nous réconcilier avec notre environnement pollué et embouteillé. Question d’attitude, l’aventure est au coin du carrefour, encore faut-il prendre le temps de chercher son bonheur, savoir humer les vibrations dans l’air et pour cela lever le nez.
Il n’y a pas de mal à se faire un peu de bien, même avec quelques maladresses passagères, le cinéaste musicien mérite d’être félicité pour son cadeau désintéressé régénérant. Le seul regret viendra que la séance se prend un peu trop comme un train en marche sans une véritable destination, laissant aussi désorienté qu’en heure de pointe. La frustration fera aussi partie de la magie, il est des expériences qui se doivent de préserver une certaine liberté pour conserver leur qualité aérienne.
petsss
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