Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Ae fond kiss (Just a kiss)


Royaume Uni / 2004

14.07.04
 



PAKISS TANES





"- Baises qui tu veux, mais ne détruis pas ta famille, ni sa famille au Pakistan!"

Que manque-t-il à ce baiser pour que notre extase ne soit pas totale? Peut-être ce zest d'originalité qui aurait pu nous surprendre. Mais nous sommes difficiles. Car, reconnaissons-le, ce baiser entre un Roméo et sa Juliette, entre un pakistanais et une irlandaise, un musulman et une catholique, un DJ en musique électronique et une professeur de musique pianiste, sans rendre euphorique, redonne un peu le moral. Voilà pour les différences et que vive la différence!
Car c'est bien cela que célèbre Ken Loach, en plus de son discours habituel, mais néanmoins utile, sur les vertus de l'immigration, la honte de la discrimination et les souffrances de l'oppression (familiale comme sociale). Dans cette Ecosse, entre traditionalisme et terre d'accueil, il dépeint une histoire d'amour a priori impossible. Pourtant, grâce à son talent, en quelques plans, avec trois fois rien dans le scénario, il installe un jeu d'attirance, pour ne pas dire un coup de foudre, aussi naturel que cinématographique. Il est aidé par son casting. Atta Yaqub (Casim) est séduisant en diable, Eva Birthistle (Roisin) dégage un charme fou en plus de sa joliesse. De quoi faire l'apologie de la mixité avec un minimum de glamour. D'autant que le couple dévoile surtout les défauts de chacun d'entre eux. Par sa détermination, elle montre qu'il est relativement lâche, très dépendant affectivement, incapable de faire des choix. Par sa générosité, il révèle qu'elle est possessive, un brin égoïste, trop intransigeante, et presque caractérielle. Ces deux portraits en creux en font des êtres touchants, auxquels nous nous attachons immédiatement.
C'est ce qui nous permet d'accrocher au moralisme du propos. Car Loach prend évidemment parti contre l'intégrisme des uns, le fondamentalisme des autres. Contre ses empêcheurs de vivre en rond. Si le conflit des cultures est le moindre des maux, le diktat des deux religions est insupportable. Bien transcris dans ce scénario fluide, mis en scène avec humilité et une réelle efficacité, l'enjeu (un mariage forcé ou un amour libre) parvient à son paroxysme dramatique sans efforts ni surenchère. Bien sûr, le coup du mariage arrangé, nous l'avons vu dans Fish & Chips. Et l'impossibilité de vivre une passion "occidentale" rappelle Joue-le comme Beckham. Dès qu'il s'agit de cette communauté indo-pakistanaise, le cinéma anglais ne réinvente pas le thé : il le réchauffe à sa température. De la place soumise de la femme à la rigidité du patriarche, les clichés sont identiques, au point de nous alerter sur une certaine vérité, effroyable pour un spectateur occidental.
Tout le film reposera sur le choix du fils, la place qu'il se trouvera, divisé entre deux conceptions du monde. Ken Loach le résume en une séquence : lorsque Casim et Roslyn vont faire l'amour pour la première fois, c'est à qui sera le dominant et le dominé. Un jeu qui en dit long sur le rôle de la femme en Occident et sur la mentalité d'un jeune musulman. D'acceptations en intégration, de dialogues en réflexions, le couple se construira sous nos yeux, y compris dans cet épisode idyllique en Espagne, loin des regards réprobateurs. L'Europe de demain, métissée, transculturelle, rejettant les dogmes, voilà ce que Ken Loach souhaite transmettre avec cette oeuvre qui confirme une certaine renaissance depuis Sweet Sixteen, après deux films égarés. Loach se penche davantage sur les gens que sur les conflits, sur les aspects comportementaux que sur les grandes causes. Avec une réelle maîtrise de la dramaturgie, il nous emmène exactement là où il veut. Sans lourdeur psychologique, il rappelle quelques fondamentaux (savoir tuer le père, vivre sa vie librement, écouter son instinct) et remet l'amour (et le sexe) au coeur de nos vies. Loin des règles religieuses ou sociales. peut-être aussi parce que Loach a compris que le combat politique ou syndical était, à notre époque, étouffé. Ca n'empêche pas le cinéaste d'avoir toujours ce regard pertinent sur le monde et de refuser les certificats de bonne conduite. Il accuse les parents de chantage affectif, les religieux de tyrannie morale. Alors il donne les armes à ces prisonniers qui veulent s'évader de ce monde de fanatiques : l'éducation (la cadette qui veut être journaliste, la scène de blues sur des images de ségrégationnisme américain) et les sentiments amoureux. Tout cela donnera de beaux enfants, on l'espère.
 
vincy

 
 
 
 

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