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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Phone Booth (Phone Game)
USA / 2002
27.08.03
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LE JUGE ET L’ASSASSIN
"- On ne comprend la trahison qu’une fois trahi."
Le bonheur serait simple comme un coup de fil. Le cauchemar aussi. Un fait divers aussi réel que sordide a d’ailleurs longtemps repoussé la sortie de ce quasi huis clos où un homme est pris pour cible par un sniper alors qu’il téléphone dans une cabine publique. Pour le spectateur, il y a deux manières de voir le film. L'approche superficielle : un bon suspens réalisé avec efficacité par un faiseur au nom de Schumacher. Ce dernier, à l’origine de films sans grande originalité, a même fait preuve de quelque inspiration dans certaines scènes. Et puis il y a l'approche archéologique : fouiller, comprendre, et déterrer ce qui nous dérange.
Car une fois la première impression de plaisir malsain passée, nous sommes sur le point de détester ce film aussi vite. Le cinéaste de Chute Libre, un bon exemple de film socialement bien observé mélangé à un propos presque fasciste, nous sert la même sauce : un sujet intéressant maquillé d'une vision démagogique, populiste, et dangereuse.
Le film montre de façon intrinsèque tous les défauts de la morale américaine de ce début de millénaire : la repentance comme solution à l’hypocrisie, le pardon comme étape de l’évolution personnelle, avec un métissage étrange de vérité par la contrainte et de violence tyrannique. La cabine téléphonique est ainsi transformée en confessionnal moraliste. La victime se transforme en cible. Une simple infidélité sexuelle devient la cause d’une sanction légèrement disproportionnée : sa condamnation à mort. Et jamais les scénaristes ne jugent l’assassin. Au contraire, devrait-on rajouter.
Aussi, nous assistons à un lynchage en règle d'un pauvre type frimeur, où ses failles professionnelles se mêlent à ses déboires personnels. Il doit étaler tout son linge sale en public. Ça devrait être gênant, mais ça ne peut pas l’être puisque ce genre de méthode est plébiscité par les Américains (il suffit de voir certaines émissions TV ou la façon dont les célébrités se font pardonner de leurs excès).
À cela, s’ajoute une morale ultra-conservatrice, où les valeurs familiales sont celles d’une idéologie classiquement chrétienne. Le juge n’est qu’une voix au bout du téléphone, comme si Dieu lui-même parlait à ce pauvre homme, pur produit de son système, de cette société qui, là, le sanctionne.
Clairement, cela ne passe pas. Le temps des jugements publics, en l'absence d’avocats, au bon vouloir d’un peuple qui agit masqué, devrait être révolu. Cela nous renvoie à des régimes peu glorieux. En mettant tout au même niveau, le réalisateur a pris le risque d’être extrémiste, réactionnaire, alors qu’a priori le sujet avait tout pour être subversif. La fin nous démontre que nos inquiétudes sont fondées.
Pourtant, les comédiens sont excellents, même si les femmes sont reléguées à la figuration, et la réalisation s’avère singulière en misant autant sur le monologue en voix off du prologue aux dialogues qui couvrent l’ensemble du film. Cette vision du New York des putes et des clodos n’est pas non plus inintéressante. Le décor est l’illustration du bon film que Phone Game aurait du être, décor qui fait écho à la frime faussement chic de ce RP bavard et magouilleur.
Dommage que cette heure de vérité ne conduise pas à une remise en question d’une société conformiste, violente, religieuse, moralisatrice et individualiste. vincy
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