|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Around the world in 80 days (Le tour du monde en 80 jours)
USA / 2004
11.08.04
|
|
|
|
|
|
VOYAGEURS DU MONDE
"- Etes-vous prêts à mourir pour la science?
- Oui, je sais chanter aussi."
Attention. Avant tout voyage, il est important de connaître exactement les prestations fournies par le tour-opérator. Bien lire la petite clause en bas du contrat, écrite en italique taille 4. Il est stipulé pour ce tour du monde en 80 jours (confort imparfait, réservations aléatoires, destinations au gré du guide, perte ou vol d'objets personnels possibles...) que le voyageur se fait mener en bateau, ballon, avion, train, et autres machines. Car, hormis le titre du film, le vague concept du circuit et le patronyme des deux guides (Fogg, Passepartout), il n'y a rien de commun avec le produit imaginé par Jules Verne. Il est loin le temps de Thomas Cook où David Niven restait fidèle à la lettre au seul roman de Verne à peu près lisible et désormais mythique. Désormais le révisionnisme des oeuvres illustre parfaitement le cynisme et l'absence de scrupules des auteurs, décideurs et investisseurs. Cette adaptation est davantage dans la lignée des aventures de Jackie Chan (déclinées : en Gaule, chez les Ottomans, en Inde, en Chine, au Far West...) que du bouquin. L'indienne des colonies britanniques n'existe plus, remplacée par une française, entente cordiale oblige. De triades chinoises en complot politique, les enjeux prennent des allures de séries B hollywoodiennes. Quant à Fix, son voyage s'interrompt à mi parcours. Sans oublier Phileas Fogg, transformé en inventeur visionnaire et naïf ("- Vous rêver de voler ou d'hommes nus?").
Nous sommes ainsi plus proches de la BD Léonard (de Bob de Groot et Turk) que de Tintin, notamment dans le traitement esclavagiste du domestique. Mais en fait, cette production Disney va chercher ses sources ailleurs. A l'instar de Pirates des Caraïbes et du Manoir Hanté, le studio, en panne réelle d'inspiration, a adapté, sans oser le dire, une des attractions vedettes de Disneyland Paris : un film à 360° (circulaire comme la terre) où Jules Verne croise un robot voyageur dans le temps. La direction artistique est étonnement similaire pour ce court métrage de 10 minutes qui nous fait faire... le tour du monde. Disney a produit un film hybride, entre attraction et divertissement familial, entre séquences animées (le film fourmille en effets visuels "cartoonesques" plutôt kitschs) et personnages ahuris et binaires (sympas ou méchants ou crétins). En étant méchant nous pourrions dire que c'est le premier film en 3D de Disney depuis Dinosaures.
Le tout se regarde, grâce au peps de Jackie Chan, héros des gamins, au charme de Cécile de France (elle ne gâche rien) et à la bonne bouille de Coogan (qui déçoit par son manque de dérision). Broadbent joue parfaitement le vil incompétent ("- J'ai peine à l'avouer, mais je suis un lord battu", dira l'un de ses collègues). Et la vision d'horreur de Schwarzenegger (avec une perruque) ajoute au ridicule du film. Il faut donc voir tout cela au 80ème degré. En flirtant avec des films comme Ces merveilleux fous volants (merveilleux) ou La grande course autour du monde (grandiose), cette nouvelle version essaie de moderniser le matériau du XIXème siècle, sans jamais y parvenir. On frôle davantage le pathétique et le sympathique. Tout le mauvais goût est assumé. La fable cible les moins de 8 ans. Mais pourquoi avoir fait un film qui vise si peu les Américains?
Il ne suffit pas d'une Kathy Bates en Reine Victoria (la meilleure scène du film) ou des frères Wilson (en roue libre dans leurs délires) pour attirer le chaland. Tous les dialogues semblent résonner comme des phrases d'un ancien temps ("- L'Angleterre possède-t-elle toute l'Asie? - Pas la Chine, pas encore!"). Et donne un coup de vieux au livre de Verne.
La trahison de cette entreprise sera de ne pas avoir su moderniser l'oeuvre originale. "- La France vous crache dessus" lance la belge Cécile de France. Le mot de la fin? vincy
|
|
|