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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Sur mes lèvres
France / 2001
17.10.01
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LES MOTS SILENCIEUX
Si le cinéma français actuel peut souvent rebuter plus d'un spectateur, c'est souvent du à un certain égoïsme de la part du réalisateur. Peu soucieux de divertir son public, celui ci est souvent plus préoccupé par l'accouchement sur l'écran de ses turpitudes intimes. Il reste que l'un peut tout à fait se concilier avec l'autre. C'est ce que nous prouve en tout cas Jacques Audiard avec son nouveau film. Comme d'autres l'ont fait à une époque, le réalisateur a bon nez d'exprimer ses thématiques au travers d'un cinéma de genre attractif. Pas question pour autant de faire dans la bande dessinée caricaturale. Le cinéma d'Audiard reste du cinéma d'auteur, typiquement français, mais pas du tout barbant à regarder. Avec Sur mes lèvres, il nous renvoie à nos meilleurs souvenirs de cinéphiles. Les séries noires que Corneau ou Miller réalisèrent à la fin des années 70 et au début des années 80 par exemple. N'allez pas croire pour autant qu'Audiard fasse un cinéma daté voir périmé. Non, il est simplement attaché à un certain savoir faire intemporel qui a fait ses preuves, un genre de label de qualité, de sens du spectacle qu'il s'impose pour notre plaisir.
La recette passe tout d'abord par l'écriture… Une histoire en béton axée sur une bonne idée de départ, des dialogues finement ciselés. Le talent ne s'improvise pas. Vient ensuite la technique. Sans négliger l'audace, c'est du solide. La photo est lèchée. Audiard filme nerveux. A l'instar d'un Sautet, il capte une émotion furtive d'un cadrage serré et pertinent. A d'autres moment il reste en retrait, respectant l'intimité des personnages qui se livrent alors à la caméra. C'est du cinéma vivant, qui pulse, qui respire. Un cinéma urbain qui sait se faire cliché de son époque.
Et puis il y a la direction d'acteur. Et là encore le réalisateur est impressionant. Il sait servir ses interprètes avec ses morceaux de choix d'auteur. Emmanuelle Devos nous offre un portrait de femme blessée saisissant de sincérité et de solitude. Sans douter des dons de Vincent Cassel, on l'avait rarement vu aussi magnétique à l'écran dans une composition. Audiard nous fait découvrir qu'il y a du Dewaere chez le bonhomme. Il sait libérer l'énergie des acteurs pour les emmener là où ça sonne juste sans les enfermer dans ses repères. C'est ainsi qu'à la première minute où ils apparaissent à l'écran, que ce soit Paul la petite frappe en réinsertion ou Carla la coincée de service, le spectateur est en mesure de croire en eux sans se poser de questions, sans demander de comptes sur leurs passés respectifs tant leur présent parle pour eux.
C'est de la relation étrange que noueront ces deux laissés pour compte que naît le charme qui illumine ce fait divers finalement banal quoique diablement efficasse. Il n'est pas évident que la trame policière qui s'enclenche en seçonde partie du film puisse rivaliser dans l'intensité avec la partie de chat et de souris que les deux personnages principaux se livrent lors de leur approche. Les conventions du genre dictant leurs régles, le récit devient plus standard.
N'empêche qu'au bout du compte Jacques Audiard nous livre un film haletant et de haute tenue, qui repose sur la performance de deux acteurs qui trouvent ici deux rôles qui marqueront immanquablement leur carrière. Le policier à la française s'épanouit certainement plus dans la confrontation de profils psychologiques que dans les poursuites de voiture et les explosions. Avec une telle maitrise, on veut bien consommer local. petsss
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