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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Quiet American (Un Américain bien tranquille)
USA / 2002
20.08.03
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MISS SAÏGON
"- C¹est dans ce genre de situation qu¹on doit se conduire mal."
Le film de Philip Noyce, le second en quelques mois après le fabuleux Rabbit-proof Fence, a des allures d'oeuvre tranquille. Méfiez-vous de cette eau qui dort. Même si le film ne nous transporte pas autant que l¹odyssée des gamines aborigènes, l'intelligence du propos et la qualité technique méritent qu'on s'y attarde.
Car l'histoire de Graham Greene s'est transformée en scénario solide, porté par des comédiens qui parviennent à communier leur introversion, dans une réalisation efficace même si moins inspirée qu¹attendue. En fait, le film de Noyce serait un de ces innombrables films historiques destinés aux Oscars s'il n¹était pas transfiguré par un message politique désabusé et une beauté plastique envoûtante.
Noyce, Australien, s¹est presque trop identifié à Caine, Britannique. L'acteur, doit-on l'écrire une fois de plus, joue à la perfection son rôle de reporter quasi colonialiste et totalement déraciné. Mais le reporter refuse le titre de correspondant, car il cherche une voie tranquille dans un pays en plein chaos, et s'évite ainsi de prendre parti et de livrer son opinion. Noyce souffre du même problème. Il raconte une histoire sage, dénuée de passions et d'effusions, et se cache derrière l'histoire (et l'Histoire) plutôt que de livrer un pamphlet pacifiste ou même anticolonialiste. Sa seule attaque, mais non des moindres, vise la politique étrangère (et sa philosophie) américaine.
En cela, le choix, a priori incongru, de Brendan Fraser, prend de la saveur : un Américain baraqué, presque poupon nourrit au bon lait et aux corn-flakes, un corps de brute qui porte une tête d¹innocent. Tantôt on le croit niais, tantôt on l¹imagine complice des pires atrocités. Or, avant tout, il est malin. Cependant, Fraser est moins crédible en amoureux (mais peut-être est-ce la faute du script) ), ce qui déséquilibre toute une partie du film qui repose sur un triangle peu convaincant. Car jamais l'histoire d'A ne nous déchire. Ce duel amoureux est joué d¹avance, ou ne prend pas assez de place pour nous provoquer un quelconque dilemme. Que nous aurions aimé être emportés par cette fleur à couper le souffle, soit l¹actrice qui incarne Phuong ! Dans ce chaos de la guerre, nous aurions voulu voir ces sentiments troubles éclore et nous piéger. Quand deux mâles se disputent une femme, quand on est prêt à mourir pour elle, la confondant avec son pays, on s¹attend à autre chose qu¹un récit trop sage. Jamais le duel n¹atteint la dimension, pourtant peu excessive, des complots et des offensives militaires. Pourtant, l'enjeu semble être cette très belle femme. Alors pourquoi finir sur la victoire politique (amère) d¹un des deux camps ?
Aussi, nous concentrerons-nous sur les différents messages transmis par ce film. Car, en l¹absence d'un discours fort et à cause d'une vision trop objective pour nous satisfaire, Noyce, à défaut de trouver le ton, distille quelques vérités. Si l'Américain est prêt à pactiser avec le diable au nom d'une Utopie démocratique qui fera avant tout couler beaucoup de sang, l'Anglais, à cause de sa lâcheté, indifférent au sort du pays qu¹il aime tant, n'est pas mieux traité. Il faudra deux menaces - revenir à Londres et perdre sa maîtresse vietnamienne - pour qu¹il se décide à s'impliquer dans un conflit qu¹il ne regardait que de loin.
Le film se déroule comme son journal de bord, chronique parfois confuse, où le moi se mêle à l'Histoire. Le romanesque n'est jamais très loin, même si le film n¹a rien d'épique contrairement à Indochine, par exemple. De même le complot américain, aboutissant au spectaculaire attentat (sombrement magnifique), n¹a pas d¹autres équivalents dans le film et rend vaine la tension qui aurait du s¹en dégager. Noyce ne parvient pas à amorcer une surenchère, un crescendo nécessaire pour nous émouvoir. Il manque une certaine interaction entre le spectateur et ce très beau film. Comme si l'esthétisme avait lissé les aspérités, les défauts des personnages et de leur relation. Les images de Christopher Doyle nous clouent au fauteuil une fois de plus. La beauté conférée par cette magnificence visuelle procure une réelle intensité mais n¹exacerbe jamais les sens qui ont tant séduits le personnage principal. Cette somptuosité dotée d¹une réalisation soignée, d'un découpage irréprochable et d'une majestueuse musique de Craig Armstrong, en font un des plus beaux films de l'année.
En croisant deux histoires, deux sujets même, Noyce ne semble pas réussir à nous faire embarquer dans la survie de l'un (qui passe par l'amour pour sa fiancée) et l'idéal de l'autre (qui passe par la guerre). Nous restons entre les deux, dans un territoire inconnu, puisque nous savons qu¹aucun des deux ne pourra triompher. Le film est alors une longue complainte mélancolique, fataliste, désespérée. Dans ce film, où l'Américain va massacrer des innocents pour sauver des vies du Communisme, dans ce film où il faut savoir prendre parti, afin de conserver un peu de dignité humaine, il faut regarder ailleurs pour relier cette époque à la nôtre.
"Les amis peuvent avoir des opinions divergentes". Cela ressemble fort à un discours politique clamé à l'ONU en justifiant une position opposée à celle des Etats-Unis. De fait, l'Amérique finit poignardée. Le film s'achevant sur un requiem glaçant, sur la photo d¹un soldat blessé aux yeux. La déclaration d¹amour, élégiaque, se conclut sur une oraison funèbre. Sans les larmes qui auraient du l¹accompagner. Mais le roman de Greene reste plus prophétique que jamais.
vincy
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