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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le tango des Rashevski
France / 2003
03.09.03
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TO BE OR NOT TO BE
"- Moi aussi je veux fonder une famille ! Mais pas ce soir."
Y a du rififi chez les Juifs. Avec une certaine dose d’humour et un regard impertinent sur cette communauté qui aime se déchirer mais ne demande qu’à aimer. La cellule familiale offre ainsi toutes les composantes nécessaires à une scission et aux pardons : du papy aux multiples conquêtes au goy prêt à partir au Kibboutz. Cela donne un film attachant, léger et nostalgique, où les Rabbins, comme les spectateurs, qu’ils soient libéraux ou intégristes, sont un peu perdus par ces contradictions humaines.
Pourtant, on ne peut s’empêcher d’être surpris par la désuétude de cette chronique très traditionnelle (pour ne pas dire traditionaliste), où même les jeunes sont déjà vieux. Impossible de savoir ce que le cinéaste a voulu nous dire. Comme dans Le Coût de la Vie, le scénario préfère nous perdre dans plusieurs visions, plutôt que de se risquer à avoir une opinion. Pourtant, le poids oppressant de la religion, de l’Histoire et cette fin ambivalente rendent cette comédie douce amère un peu trop aigre. On aurait aimé voir le film construire une passerelle vers un autre monde. Au lieu de cela, la communauté reste fermée sur elle-même, avec ses anecdotes, ses petites histoires trans-générationnelles qui construisent un lien à travers les âges mais empêchent aussi de se couper parfois d’un passé encombrant, humainement parlant.
Mais ne pas être Juif est bien plus problématique. Les Goy sont ici névrosés, en mal de ne pas être Juif, alors qu’ils vivent avec le judaïsme (mariés ou amants). Cela donne les scènes les plus touchantes. L’exclusion subie par Ludmila Mikaël, magnifique, ne peut que mettre mal à l’aise. Il y a une forme d’humiliation, d’arrogance, un peu gênante, un peu décalée. Comme si cette communauté était incapable d’accueillir du sang neuf. Un personnage dit : "Il y a plus fort que l’amour. Le divorce." Le propos est faux, il aurait fallu dire Dieu, ou en tout cas sa religion, si on en croit les Rachevsky. Bien que le scénario oscille entre sensibilité et subtilité, il est trop souvent caricatural, trop centré sur une vue extrême du clan, trop passéiste pour nous séduire complètement. Nous savons très bien que la réalité n’est pas celle-ci. L’autre épine de ce film tient au problème de rythme, avec des épisodes inégaux ne lui permettant pas de nous emballer jusqu’à ce mariage qu’on aurait voulu plus festif. On ne peut s’empêcher de songer à La Vérité si je mens ou encore aux Big Fat Greek Wedding, comédies potaches mais toutes aussi sincères et justes sur l’observation de communautés méfiantes mais généreuses. Le tango est un exercice stylisé (très belle image), mais les danseurs ne se mélangent pas. Entre tristesse et passion, entre sagesse et joie, les personnages dansent chacun leur partition, sans jamais qu’il y ait l’esquisse d’une chorégraphie de groupe.
Aussi, préfèrera-t-on laissé le mot de la fin au chanteur Jonasz, ce qui nous aurait suffit : "On est tous des hommes et des femmes, un époux et une épouse, on est là pour fêter Pessah, pour être en famille et boire du vin !" Ne rien contourner, ne rien détourner. Mais le film n’a pas su quel voie choisir, semble-t-il. vincy
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