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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Un Air Si Pur
France / 1997
03.09.97
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LES PRISONNIERS
Second film de l'ancien Chef-opérateur Yves Angelo, nous voici immergé dans un huit-clos aux grands espaces, où se croisent les morts et les identités des futurs défunts. De masques en visages à nu, voici une galerie de portrait sortis du musée des Horreurs qui défilent devant nous.
Univers de visages et non de paysages. Des personnages absurdes (qu'Agatha Christie n'aurait pas renié), excentriques, comme dans un cirque, avec son clown triste (Luchini, parfait).
Pourtant le visuel est prédominant, surréaliste (le décor presque Lynchien). Ni classique, ni moderne, ni comédie, ni drame. Avec une affiche très "Magritte" et un titre ironique (un air si pur... que tout le monde y meurt), le film ne peut que désemparer à premier abord le spectateur. Et c'est là le pari réussi d'Angelo: il intrigue.
Cette comédie amère et noire vacille entre le burlesque et la tragédie. Déconcertant. L'émotion inexistante sous cette glace laisse place à des sentiments très humanistes. On rit même avec la mort. Chaque mort est idiote, accidentelle, spontanée, stupide.
Ça ne veut pas dire que la vie est mieux traitée : pleine de pêchés (la bêtise, l'apparence, la cupidité), elle entraîne invariablement une punition - la maladie, la destruction, lente, progressive. Chacun des protagonistes se mêle de l'histoire de l'autre en vain. Personne n'est sauvable. Parfois, à peine solvable.
Ici l'argent et le sexe sont très liés, la religion absente, et la guerre omniprésente. Et même envahissante. Angelo a emprisonné ses personnages dans leurs petites histoires, comme dans la grande histoire. Sans sortie de secours.
Ses prisonniers volent aussi : Dussolier volent des généalogies alors qu'il n'a aucun héritier, Gillain vole l'argent volé, etc... Par moments ces voleurs de vies nous font songer aux Alpes de Téchiné.
Pleines de contradictions, les vies révèlent surtout les failles des êtres humains. Pour exemple, ce médecin censé soigner et qui est incapable de guérir, consoler, et même survivre.
Dussolier joue son docteur avec subtilité. Tout comme Gillain, qui va encore plus loin que dans L'Appât, dans un registre quasi-similaire.
Evidemment, il s'agit aussi d'un show-Luchini. Sarcastique, cynique, cruel, pitoyable. Il est Monsieur Magnus. Incisif, et drôle. Miroir acide de notre pensée.
Pourtant le film offre une dizaine de rôles principaux. Une vraie troupe de "gueules". Comme au temps du muet (un générique de fin très ingénieux).
Ce film sur la mort, les soins, la survie, est comique. Comme un air de musique enjoué dans un hôtel de cure ennuyant. Il a fait rire la salle. Mais il y a cet arrière goût de pain total dans la bouche, amer et pâteux, l'instant d'après.
On rit devant un cercueil servant de luge à un enfant au milieu d'un cimetière de guerre. Mais la réalité nous rattrape vite.
Pour citer Magnus (Luchini), nous ne pouvons pas oublier qu'il faut "aller mourir dans un coin de la terre". vincy
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