Ecran Noir, le cine-zine de vos nuits blanches
Septembre 98

SOMMAIRE Opinions Cannes

Rappel historique : le verbe divertir contient plusieurs acceptions :

1/ détourner, éloigner
2/ soustraire à son profit
3/ distraire en récréant

En philosophie, le mot distraction signifie occupation qui détourne l’homme de penser aux problèmes essentiels qui devraient le préoccuper.

Volute productions 1996-1998]

    Des Vessies pour des Lanternes... (III)

    A l’époque de la Renaissance, les oeuvres les plus prisées du public étaient les peintures en trompe-l’oeil. Pendant ce temps, de Vinci, Michel-Ange, Van Eyck, Botticelli, Mantegna, Raphaël peignaient...

    L'absence du verbe
    L'image n'est pas un "langage virtuel" du premier degré. L'image est complexe ; bien qu'accessible à tous elle n'est pas donnée. C'est là le danger de l'instantané : aucune image n'est facile, il faut savoir la décoder ; à force de voir au premier degré, on finit par penser au premier degré.
    L'image demande un minimum d'attention (de lucidité ?) face à la nature hypnotique de celle-ci. Rien de mieux en effet que l'état d'insouciance du divertissement pour faire passer, même dans le plus mauvais des films, une idéologie réactionnaire fuse-t-elle maladroite et naïve.
    L'image "fun" au style gratuit ou la caméra bouge pour un oui ou pour un non est le lot commun des pubs, clips et jeux vidéos ; hélas la seule culture de l'image pour des millions de personnes se fait par l'intermédiaire de la télévision qui néglige le point de vue.
    Ici, on touche le problème central de notre société iconolâtre qui loue le culte de l'apparence. Vous avez tous commencer par apprendre : à marcher, à manger. A l'école primaire, on vous a appris, à lire, à parler puis écrire. Par la suite l'enseignement de l'orthographe et des règles grammaticales devient nécessaire pour l'analyse et la compréhension de textes ou de poèmes et de leurs sens respectifs.
    Mais vous a-t-on jamais appris à voir ?
    En effet, mise à part les étudiants de cycle supérieur qui se destinent vers des études d'arts plastiques, de cinéma ou de théâtre, aucun programme éducatif d'initiation à l'image n'est obligatoire alors qu'un enfant âgé de 5 et 10 ans passe entre 3 à 6 heures par jour devant la télévision sans compter le PC. Combien à lire ?
    Les musées Louvre, Guggenheim, le Moal, le Prado initient le visiteur et replacent dans leur contexte la création des peintures les plus célèbres de l'Histoire de l'Art, et l'école, lieu du savoir présent ne dispense aucun programme d'éducation à l'image à partir de l'un des médias de masse les plus vus.
    Et ce savoir ne s'acquiert par simple empirisme...
    Des cinéastes comme Scorsese ou Woody Allen se plaignent que le niveau de connaissances des étudiants américains en cinéma remonte difficilement au-delà de Jaws !
    Tant que "l'image mouvante" continuera à être utiliser comme outil de propagande publicitaire et ne sera pas ou peu enseigner à l'école, l'incompréhension persistera.

    Système sysmique
    "Les nouveaux produits de la nouvelle culture mondiale sont moins des biens que des images contribuant à créer une sensibilité planétaire, véhiculée par des logos, des stars, des chansons, des marques et des jingles. Les rapports de force deviennent forces de séduction ; l'idéologie se mue en une sorte de "vidéologie" presque irresistible". (Benjamin R.Barber, Directeur du centre Whitman, U.S.A., Le Monde Diplomatique, août 1998)
    Comment mieux résumer à la fois le culte marchand et iconolâtre de notre système économique mondialisé.
    Le cinéma n'échappe pas à cette règle devenant progressivement une information idéologique de plus à vendre ; et cela porte un nom : propagande.
    "Aujourd'hui, le marché est capable d'assimiler différences et contestations, à brouiller toutes les oppositions idéologiques grâce au flou entretenu entre information et spectacle" (Benjamin R. Barber)
    Le danger d'une société-spectacle , évoquée dès les années 70 par un certain Guy Debord, est plus donc qu'imminent. Le citoyen responsable pourrait être définitivement remplacé en consommateur convaincu.
    Mais pour combien de temps ?
    Nombre de critiques et éditorialistes espèrent toujours que les spectateurs se lasseront un jour d'être considérés comme des grands enfants écervelés. Mais ils se trompent. Sinon comment expliquer les meilleures ventes et locations de ces films en K7 vidéo.
    On ne peut souhaiter qu'une chose : que les cinémas européen, asiatique, africain, russe seront être autant d'alternatives imaginatives pour un cinéma "adulte".

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C.L.C.