Entrevue de Jodie Foster par Studio Magazine
Hollywood et Jodie Foster

jodie foster par lance staedler

  • Le statut de Jodie Foster
  • Studio - Comment définiriez-vous Hollywood?
    Jodie Foster - "Ç’a m’a toujours paru étrange que les gens voient Hollywood d’abord comme un symbole. J’ai grandi ici, près de la colline où il y a les lettres «Hollywood». C’était un quartier très «working-class» et très mélangé ethniquement. On avait nos petits coins à nous, où on jouait, où on allait dîner. Hollywood, avant d’être la ville du cinéma, c’est pour moi, l’endroit où j’ai mangé ma première glace, c’est lié aux premiers livres que j’ai lus, aux premières peintures que j’ai vues... J’ai une certaine nostalgie de cet Hollywood-là."

    A votre avis, quelle est l’image la plus fausse et l’image la plus juste que les gens ont d’Hollywood?
    "L’image la plus répandue et la plus fausse, c’est qu’Hollywood est seulement l’endroit où se font les grosses machines américaines, les Jurassic Park, les Monde perdu, et tout ça. C’est vrai, mais on y fait aussi plein d’autres choses, plein d’autres films. Il existe à Hollywood une sorte de guérilla, de résistance : on y fait aussi des «petits » films, des films indépendants qui sont réalisés pour très peu d’argent, sans stars. Nous avons aussi, ici, du théâtre et des acteurs de théâtre qui ne sont pas très connus, qui ne sont pas forcément très beaux et qui n’ont pas forcément les cheveux blonds décolorés, mais qui sont très intéressants."

    Et l’image la plus juste?
    "La plus juste, c’est que c’est une ville où le cinéma vit vraiment. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’aller dans des endroits comme Panavision, là où se retrouvent les techniciens... J’ai grandi avec cette image-là du cinéma, avec ces techniciens qui me disaient : « Viens, petite, je vais te montrer comment ça marche », et qui m’emmenaient visiter les studios, qui m’expliquaient la technique. Pour moi, Comme pour des tas de gens - mon premier assistant, par exemple, dont le père et le grand-père travaillaient dans le cinéma - c’est ça, Hollywood : une forme d’artisanat, un boulot de famille qu’on se transmet de génération en génération..."

    Justement, pensez-vous que lorsqu’on est née à Hollywood, comme vous, c’est naturel de vouloir faire du cinéma?
    "C’est difficile pour moi de vous répondre. Quand j’ai commencé, j’avais 3 ans, alors je ne me souviens pas de ma vie d’avant le cinéma ! Mais je pense que oui, quand même. Si je n’étais pas née ici, j’aurais forcément fait d’autre chose. Ce qui est sûr, c’est que ça devient vite une passion. Tous les gens qui vivent ici, qu’ils travaillent dans le rock, dans la recherche scientifique, dans l’aérospatiale - car il y a tout ça aussi à Los Angeles -, tous sont passionnés par le cinéma parce qu’il est partout, parce qu’il est sous leurs yeux..."

    Est-ce que le fait d’avoir grandi ici, vous permet d’être à l’aise dans le milieu du cinéma que quelqu’un qui vient, disons, du Minnesota?
    "Ça me donne surtout une attitude différente. Plus...prolétaire. J’ai tout de suite aimé le cinéma parce que j’adorais être là, au milieu d’une équipe, parmi soixante-quinze personnes qui font le même métier, à boire des cafés ensemble, à apprécier la technique... La plupart des autres acteurs qui arrivent d’ailleurs viennent ici pour être célèbres. C’est une approche totalement différente..."

    Est-ce que ça vous rend moins vulnérable?
    "Je n’en suis pas sûre ! (rires.) Si vous vivez ici et que vous travaillez dans le cinéma, tout vous stresse ! Il y a toutes ces questions qui traînent partout : « Est-ce qu’il travaille? Pourquoi est-ce qu’elle ne travaille pas? Est-ce que sa carrière est finie? Est-ce que son dernier film a marché? « , etc., etc. Tout ça a forcément des incidences sur votre vie, il n’y a rien à faire. Mais il y a un autre danger, plus grave à mon avis. Quand vous vivez à Los Angeles, que vous avez été élevée dans le cinéma, que vous travaillez dans le cinéma, votre horizon risque d’être un peu limité. Il faut vraiment faire des efforts pour savoir quelque chose sur la peinture, sur la photo, sur la littérature sur la musique... D’autant qu’ici, en-dehors du cinéma, il n’y a quasiment pas de tradition culturelle. Et ça, c’est une chose qui me tracasse."

    Est-ce que ça n’expliquerait pas, en partie, la passion que vous avez pour la France où vous avez vécu un peu pendant votre adolescence?
    "Si. C’est effectivement une façon pour moi d’échapper à tout ça : je parle une autre langue, mes amis là-bas ne sont pas du tout des gens de cinéma, j’ai le sentiment d’avoir une autre vie complètement «inspirante». C’est en effet lorsque je pars en voyage loin de Los Angeles que je reviens avec des tas de notes d’idées de gribouillages. « Tiens, on n’a rien fait sur Les Troyennes ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement? Et si on adaptait leur histoire avec des militaires d’Amérique du Sud... » C’est ailleurs qu’on puise l’inspiration. Alors que si on reste à L.A., avec le milieu du cinéma pour unique horizon, on raconte toujours les mêmes choses..."

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