Entrevue de Jodie Foster par Studio Magazine
La pression: vie privée, Box Office

jodie foster par lance staedler

  • Le cinéma Indépendant
  • Studio - Comment parvenez-vous à préserver votre vie privée, à vous protéger des rumeurs, des journaux à scandales? Et que pensez-vous de la biographie que vient d’écrire votre frère?
    Jodie Foster - "Etant moins considérée comme une movie-star que comme une actrice, je ne suis pas trop la cible des journaux à scandales. En même temps, je suis, depuis toujours, un personnage public. Toutes les personnes qui sont des célébrités depuis leur plus jeune âge savent qu’il faut toujours séparer sa vie privée de son travail. C’est le seul moyen de survivre. C’est justement pour ça que je ne veux faire aucun commentaire à propos de votre deuxième question..."

    Est-ce que vous ressentez, vous, la pression du box-office et diriez-vous qu’elle est plus forte aujourd’hui qu’il y a dix ans?
    "Oui, elle est plus forte et on la ressent d’autant plus en tant que femme. Traditionnellement, ici, les femmes n’ont pas droit à l’erreur. Ou, en tout cas, pas le droit de faire autant de fautes que les hommes, ni d’être autant payées. Et si j’essaie, moi, de faire des films qui disent des choses un peu différemment, c’est aussi parce que l’expérience m’a montré que c’est avec ces films-là que je pouvais avoir du succès. Je suis à un stade de ma vie et de ma carrière où je trouve normal d’être bien payée quand je fais un « gros » film mais pour un « petit », il est clair que je ne demande pas le même cachet. Lorsqu’un « gros » film repose en partie sur vous, l’angoisse n’est jamais loin : « Est-ce que les gens vont aller le voir? Est-ce que le film va être rentable? Est-ce que je vais pouvoir continuer à faire des films plus risqués que la moyenne des films qu’on produit ici? Est-ce qu’on va toujours pouvoir les monter avec moi? », etc., etc."

    Comment expliquez-vous que la pression du box-office soit devenue plus forte aujourd’hui?
    "Parce qu’il y a beaucoup de concurrence et beaucoup plus d’argent en jeu. Le cinéma a complètement changé. Il y a vingt ans, on avait nos films américains, qui étaient bien sûr exploités un peu partout mais à côté des films nationaux. Pour nous, seul comptait le box-office américain. Maintenant, ce sont les résultats mondiaux qui comptent. Car l’économie du cinéma est devenue mondiale. Le cinéma américain, c’est aujourd’hui comme Federal Express ou la fabrication des cassettes vidéo. En se développant, la mondialisation a accru les monopoles : celui qui, dans un domaine, fait les choses le mieux ou de la manière la plus efficace, va être celui qui les fait partout dans le monde entier, réduisant ses concurrents à néant. Dans le domaine du cinéma, c’est l’Amérique qui débarque partout comme un bulldozer. ca a bien sûr un effet dévastateur dans tous les autres pays, mais il ne faut pas croire, ça a un impact affreux sur nous aussi."

    De quelle manière?
    "Parce que les films sont de plus en plus des produits et de moins en moins des oeuvres personnelles et originales. Parce qu’on n’arrête pas de faire des films d’une qualité très pauvre, avec des stars dedans bien sûr - tant que les stars marchent, on les utilisent! Parce qu’enfin, les films différents ont de plus en plus de mal à exister face à ces produits banalisés qui monopolisent à la fois l’information et les salles. Je noircis un peu le tableau mais c’est quand même ce qui nous menace. Vous voyez que cette mondialisation a aussi un effet dévastateur chez nous..."

    Qu’est-ce que vous pensez de l’inflation aux Etats-Unis des films à plus de 100 M de dollars (600 millions de francs) et des cachets de stars à plus de 20 M de dollars?
    "Ce n’est peut-être qu’une période. On se dit qu’il y a bien un jour où ça va s’arrêter! En même temps, c’est sûr que pour faire un Titanic, il faut beaucoup d’argent à cause de tous les effets spéciaux et toutes les innovations techniques. Tant que les gens vont voir ces films, ça va. C’est quand ils n’iront plus qu’il y aura un vrai problème. C’est le système capitaliste : tant que ça marche, il y a de plu en plus de surenchère. Un beau jour, ça se gâte..."

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    (C) Écran Noir 1996-1999 / Studio Magazine - Luc Roux Septembre 97