Entrevue de Jodie Foster par Studio Magazine
Le cinéma Indépendant

  • DreamWorks, le production
  • Studio - Quand Studio vous a proposé divers sujets d’enquête sur Hollywood, vous avez demandé qu’on fasse le point sur le cinéma indépendant. Justement, par rapport à ce que vous dites, il y a quand même des petits films qui réussissent à créer la surprise, à faire leur chemin. Regardez Chasing Amy de Kevin Smith, regardez la dernière cérémonie des Oscars avec la victoire du Patient Anglais, de Fargo et de Shine, les nominations de Sling Blade et de Secrets et Mensonges...
    Jodie Foster - "C’est vrai, heureusement! Mais pour un Chasing Amy qui sort et remporte du succès, il y a deux cents films qui ne réussissent jamais à voir la lumière. Quant au Patient Anglais, il a quand même coûté aux alentours de 30 millions de dollars (180 millions de francs - plus du double d’un film comme Indochine, par exemple), c’est très cher pour un film « indépendant »! En fait, le phénomène dont on parlait a aussi touché le cinéma indépendant. Paradoxalement, c’est le succès de Pulp Fiction qui a brouillé les cartes. Aujourd’hui, la plupart des indépendants veulent à leur tour avoir des stars et faire de l’argent! Je le vois tous les jours en me penchant sur le problème du financement des films. J’ai le sentiment que la marge de manoeuvre est de plus en plus étroite. Maintenant, si vous voulez faire un petit film, il vous faut Brad Pitt et le faire travailler pour deux dollars! Regardez, un film comme Copland, on ne peut le monter que parce qu’il y a Stallone, De Niro, Ray Liotta. Dans les années 70, on aurait pu le monter avec des inconnus, on aurait pris le risque, on aurait fait des paris. Aujourd’hui, on veut être sûr de pouvoir le vendre à l’étranger, donc on le fait avec des gens qui ont fait des millions de films!"

    En dehors du box-office et des cachets qui révèlent le pouvoir de chacun, existe-t-il des jeux d’alliance qui permettent d’être plus fort à Hollywood? Des mini-lobbies type Planet Hollywood par exemple?
    "Là, on est dans le business pur. Planet Hollywood, c’est : « On va faire beaucoup d’argent en nous exploitant nous -même, en exploitant notre image de movie- star.» C’est une philosophie, mais ça n’a rien à voir avec le travail proprement dit, avec la qualité du travail..."

    Quels sont, à votre avis, les trois, les trois ou quatre événements qui ont le plus changé Hollywood depuis dix ans?
    "Le plus évident, c’est certainement le développement hallucinant des effets spéciaux. Cela a changé le cinéma. Cela a aussi changé les spectateurs et ce qu’ils attendent d’un film. Il ne faut pas oublier qu’ils payent les mêmes 7,5 dollars (45 francs) pour Chasing Amy que pour Le Monde Perdu! Et il y a quand même plus de stimulations pour les nerfs dans Le Monde Perdu! Surtout si vous devez emmener vos neveux et nièces au cinéma le week-end, et qu’en plus, vous avez trois cents films parmi lesquels choisir! La deuxième chose, c’est la mondialisation de l’économie du cinéma dont on parlait tout à l’heure; La troisième, c’est sans doute qu’à côté des effets spéciaux, les stars sont devenues l’élément le plus important pour faire venir les gens dans les salles. D’autant qu’on distribue les films de manière très différente aujourd’hui : dans 2000 ou 3000 salles! Si vous voulez distribuer un film avec la fille de Chasing Amy dans 2000 salles vous pouvez toujours attendre de les remplir! Même si c’est le meilleur film du monde. Avant, dans les années 70, un film qui était plutôt un film d’acteur, même avec une star, on le distribuait d’abord dans un petit circuit, et plus ça allait, plus il marchait, plus on lui donnait de salles. la vie du film était différente, plus longue. Aujourd’hui, il y a tellement de films qu’il faut faire fort tout de suite! Du coup, les acteurs sont quasiment devenus la seule chose qui compte. Plus que le sujet. Plus que l’histoire. Plus, même, que le metteur en scène. Si Martin Scorsese veut faire un film avec Linda Truc que vous n’avez jamais vu, il aura du mal à trouver vingt cents pour le monter. Même lui. En revanche, si Harrison Ford est d’accord pour tourner avec vous un film dont l’histoire n’est pas écrite et où il est prêt à lire l’annuaire, vous trouverez tout l’argent que vous voulez!"

    suite

    Interview de Jodie Foster Album Photos Cinéma Hollywood Site Jodie Foster


    (C) Écran Noir 1996-1999 / Studio Magazine - Luc Roux Septembre 97