Entrevue de Jodie Foster par Studio Magazine
Scorcese et le Cinéma des Années 70

jodie foster par lance staedler

  • Egg Pictures
  • Studio - Le cinéma des années 70 a l’air d’être très important pour vous, ça revient régulièrement dans vos interviews...
    Jodie Foster - "Peut-être parce que j’avais 13-14 ans et que les films qu’on voit à cet âge-là vous touchent plus profondément, de manière plus fondamentale. Mais il y a aussi le fait qu’ils étaient géniaux, qu’ils étaient davantage dans mon style que beaucoup de films actuels: ils parlaient des gens, les personnages étaient souvent des anti-héros, c’étaient des films d’acteurs, c’était un cinéma qui était en rébellion contre les films trop sages des années 60, qui puisaient leurs racines en Europe... C’était quand même génial de découvrir Scorsese, de voir Macadam Cowboy et tous ces films-là..."

    Mais, pourquoi, alors que vous avez une position dominante aujourd’hui à Hollywood, vous n’essayez pas de monter des projets avec ces réalisateurs-là?
    "J’essaie mais ce n’est pas simple. Chaque film qu’on fait, j’ai envie de le faire avec Scorsese"

    Comment expliquez-vous que vous n’ayez jamais retravaillé avec lui depuis Taxi Driver?
    "Je ne sais pas. A chaque fois que j’apprends qu’il fait un film, je lui envoie un mot pour lui dire que je suis prête à tourner avec lui mais ça ne sert à rien! (Rires) Il faut dire qu’il écrit surtout des films d’hommes. Il dit toujours: « Alice n’est plus ici, c’est vraiment pas mon style. » Alors que moi, je crois que c’est celui que je préfère."

    Vous y tenez un petit rôle. Vous l’avez revu?
    "Oui, souvent. Je l’ai beaucoup revu avant de faire Le petit homme. Il m’a beaucoup influencée."

    Qu’est-ce que ça vous fait quand vous vous revoyez, enfant, dans ces films-là comme Alice n’est plus ici ou Taxi Driver...?
    "Je crois que depuis que je suis consciente, j’ai toujours été partagée en deux: j’ai toujours été à la fois la personne qui était sur l’écran et la personne que je suis dans la vie. J’ai l’habitude de faire la séparation. Mais, bien sûr, quand je vois les films que j’ai faits, adolescente, je suis toujours un peu embarrassée: j’ai des boutons, un menton énorme, des gestes que je ne contrôle pas... En même temps, je réalise que ma personnalité était déjà formée. C’est intéressant de voir quelqu’un de 13 ans qui a la même manière de bouger, la même sorte d’intensité qu’aujourd’hui."

    En quoi votre jeu s’est-il amélioré depuis Taxi Driver?
    "J’espère quand même qu’il s’est amélioré! (Rires) Quand j’étais jeune, je pensais que je n’avais pas le droit de dire non. Si on me disait: « Tu t’assois dans ce canapé et tu fais ça », je le faisais, même si je trouvais que ce n’était pas juste, même si, pour moi, ça sonnait faux. Depuis, j’ai appris à me faire davantage confiance, à écouter mon instinct. Je crois que là où j’ai fait le plus de progrès dans le jeu, c’est dans la conceptualisation du personnage, dans tout ce qui vient avant le tournage, avant le jeu. Pourquoi elle s’habille comme ça, pourquoi elle parle comme ça, pourquoi elle fait ça à ce moment-là, pourquoi cette réplique n’est pas la bonne réplique?, etc. En fait, les questions que se pose le réalisateur. Je crois que j’ai toujours eu un oeil de metteur en scène..."

    On a retrouvé une interview que vous aviez faite avec Andy Warhol à l’époque de Taxi Driver, et vous lui dites déjà, à 13 ans, que vous voulez devenir réalisatrice...
    "Ça a toujours été un rêve, mais j’ai cru que je ne le réaliserais jamais. Longtemps, j’ai dit: « J’aimerais faire un film avant de mourir. » Ça va, j’en ai déjà fait deux! (Rires)"

    Qu’est-ce qui, après Taxi Driver, a le plus compté dans votre reconnaissance par Hollywood?
    "Les accusés. Parce qu’avoir un Oscar avec ce film qui n’avait quand même pas fait l’unanimité de la critique, mais qui a gagné pas mal d’argent, a été un événement pour moi. Parce que les gens ne m’imaginaient pas dans un rôle pareil (j’avais d’ailleurs dû passer des essais pour les convaincre de me le donner!) et que ça m’a permis de montrer que je pouvais le faire. Ça m’a permis aussi, sans doute, d’obtenir le rôle du Silence des agneaux. Là, ça a été un vrai phénomène. On était sortis à une très mauvaise date, mais on a gagné plus de 100 millions de dollars et cinq Oscars. Avec un film d’horreur, dont la seule star était une femme! Car même si Anthony Hopkins est un merveilleux acteur, il n’avait pas fait grand-chose depuis deux-trois ans. J’étais donc la seule personne qui tenait le film sur le marché. Ça a modifié mon statut. Grâce à ce film, j’ai pu changer de métier et devenir réalisatrice. J’ai échangé ce pouvoir - et mon cachet! - contre la possibilité de faire mes films. Sans ça, je n’aurais pas pu avoir un deal aussi ouvert, avec autant de liberté, chez Polygram."

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