3/ Wilder lui offre deux écrins à son diamant
Titre prémonitoire, puisque 7 ans de réflections plus tard, l'étoile s'éteindra. She's the girl. La femme, la voisine, le
fantasme, l'intouchable beauté, la somptueuse rêvasserie. Pas seulement sympathique mais aussi désirable. Marilyn est
la clé à nos songes d'été, la diable qui harcèle la morale et la censure, la convoitise des célibataires, bref le mal
personnifié pour une société coincée. La femme fusionne avec l'image. Drôle et trépidante, légère et survoltée, elle se
laisse entraîner dans les vagues troubles de cette comédie de m¦urs, farce fortement sexuée, passant de la crédulité à
la méfiance, de la générosité à la tristesse. L'écume des jours qu'elle laisse derrière elle à un arrière-goût salé. Marilyn
a un aplomb certain en interprétant les délurées idiotes aux goûts excentriques et au parler honnête. Elle est l'outil
parfait pour ses réalisateurs qui cherchent à titiller l'hormonal et à stimuler le neuronal. Le génie visuel de Wilder, et le
prodige de ses dialogues à double tranchants, donnent à la comédienne une occasion en or de s'inscrire parmi les
actrices les plus fascinantes : Grace Kelly, Katharine Hepburn, Audrey Hepburn, Judy Garland, Ingrid Bergman... et
Brigitte Bardot.
Mais, fait unique, Wilder lui offrira un cadeau singulier : une séquence où la robe de Marilyn s'envole sur une bouche
de métro. La scène fait le tour du monde et s'inscrit dans le " best of " du septième art.
Après avoir joué The Girl (next door), la voici qui incarne Chérie, dans le " méconnu et pourtant très bien " Bus Stop.
Elle dévoile toute sa palette dans le registre émotif, et Marilyn confirme bien son talent pour le jeu. Trop souvent
résumée à l'image d'une " sexy doll ", elle parvient toujours à insuffler le bon tempo, à parler sur la bonne tonalité, à
bouger comme personne. Comme Chérie, Marilyn cherchait le succès, la réussite. Tous ses personnages mélangent la
simplicité d'une femme sincère et l'ambition d'une artiste jamais reconnue par ses pairs. La gosse qui rêve du prince
charmant (touchante), la créature divine (ensorcelante), l'innocente pimbêche (hilarante) ne sont que trois aspects
d'une même femme et d'une même actrice.
Elle co-produira le film suivant, The Prince and the Showgirl (Le Prince et la danseuse). Soit l'histoire d'une rencontre
improbable entre Shakespeare et un Sex Symbol, Laurence Olivier et Marilyn Monroe. Le Prince et la Déesse. Le
film est une curiosité, mais l'actrice est à son summum de beauté, se rendant bien plus désirable que n'importe quelle
autre femme. En jouant habilement de ses différents atouts, la comédienne occupe tous les fronts : médias,
promotions, soutiens à l'armée, comédies, drames, potins,...
En 59, Billy Wilder lui offre son diamant. Un bijou brûlant. Enfin presque car Tony Curtis avouera plus tard
qu'embrasser la Marilyn c'est comme embrasser un glaçon. Wilder, plus " wild " que jamais transforme deux mecs en
femmes, inventant ainsi le trans-genre, comédie à suspens où les travelos s'affolent dans une cage dorée de Miami.
Some like it hot (Certains l'aiment chaud) est la comédie américaine la plus appréciée encore maintenant. Ce " must "
immortel, dément, amoral et déjanté où tout est parfait, (jusqu'à la dernière phrase désormais indépassable) fait la part
belle à Sugar. Dès sa première image, il n'y a qu'elle. Elle arrive tard, en retard pour prendre son train, un peu
pompette peut être, délicieuse avec son banjo. Elle ne nous montre d'abord que son déhanchement, unique, à faire
grimper les homos aux rideaux, à donner le vertige aux fabricants de culottes : son cul roule devant nos yeux exorbités
tel un loup de Tex Avery n'en pouvant plus de voir cette provocation fessière et complètement érotique. D'un naturel
nous donnant le tournis, la fabuleuse Marilyn nous hypnotise en passant dans ces aventures abracadabrantes où elle
semble ne rien voir de tous ces ennuis et cette cacophonie régnante. Élève dissipée, amoureuse transie, complètement
névrosée et lucide sur ses défauts, elle joue les " bad girls " pardonnables : on lui donnerait le bon Dieu sans
confession pour voir ces seinsŠ Je veux dire cette sainte.
Normalement elle ne devait pas être Sugar. Contractuellement ses films devaient être en couleurs. Elle répéta 47 fois
son premier dialogue. Bref le film fut un cauchemar. Pour nous procurer un plaisir immense. Après tout, la chanson
phare s'intitule " I wanna be loved by you ".
Le spectateur ne sait plus qui est Marilyn, de l'actrice ou de la femme, de ses rôles ou de sa vie. La confusion est
réelle, et hélas se terminera tragiquement. Cependant, tous ses hits enfilés depuis 6 ans, font d'elle une star rare,
adulée. En jouant dans le film le plus drôle de l'histoire du cinéma (dixit le sérieux American Film Institute), elle attache
son nom à un genre, la comédie. Mais l'ensemble de ses prestations montrent plutôt une femme seule, piégée par son
attirance pour les hommes et le succès, cherchant son bonheur. Il n'y a rien à anticiper, à expliquer, à comprendre.
Mais ce sont ces femmes-là qu'aimait retrouvées Monroe devant la caméra. Elle les jouait avec quelques paillettes,
des notes de musique, des beaux costumes. Mais avant tout, elle les interprétait telles qu'elle les appréhendait. Elle
cherchait le respect, l'estime, une forme de gloire et une reconnaissance pour son travail. Elle a eu tout le reste :
l'argent, le triomphe, l'adoration, les amants, des films excellents, sa voix sur toutes les radios. Elle était un modèle et
surtout elle était à part.
Aucune actrice n'avait eu cette image, aucune autre ne l'aura. La lassitude allait s'emparer d'elle. Les excès mal
maîtrisés aussi. Le manque de confiance se traduira en caprices ingérables. Son statut va l'écraser. La légende ne
naîtra que de son oraison funèbre. Mais le mythe a déjà éclos. Elle se désincarne. Déjà la comédienne s'efface
derrière un prénom sonnant comme une marque de parfum.