David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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TROP FIEL POUR TOI

Le livre Bye Bye Bahia



Etre le fils de Bernard Blier, illustre second-rôle de premier plan du cinéma français depuis Jouvet jusqu'à Audiart en passant par des nanars cultes, doit marquer un tempérament. Une bonhommie doublée d'une voix de trombonne comme figure paternelle, et il n'en faut pas moins pour que le poids du père soit accentué, grave, dans l'esprit d'un auteur qui adore les acteurs.
Toute une vie dédiée au cinéma... Notre Homme commence sur les plateaux en passant sur les tournages de papa, avant de devenir assistant de John Barry (en 59) sur Ox Mambo. Ses professeurs deviendront tout à tour Lautner, De la Patellière, Delannoy et Christian-Jacque... On est loin de la Nouvelle Vague en terme d'influences. A 23 ans, il réalise son premier film, un audacieux Hitler, Connais Pas, aboutissement de témoignages vécus par une jeunesse française et leur vision de l'avenir. Blier est déjà à part, avec un cinéma-vérité et une emprise totale dans la réalité.

La plume avant la caméra
Mais cet homme à l'imaginaire surréaliste sera avant tout un scénariste (couronné par 3 sculturettes, tout comme les Jaoui-Bacri). Il osera même une adaptation de L'Ecume des jours (le roman de Vian), inadaptable a priori, pour Michel Simon. Son écriture singulière ne convainc pas les producteurs (il réalise un court en 66 intitulé Le Grimace); même son film d'espionnage Si j'étais un espion, qu'il réussi à tourner en 67, ne sera qu'un regard sans concession sur le racisme, les polices, loin du glamour de 007 ou du fun de Fantomas.
Il continue de se destiner au scénario (Laisse aller, c'est une valse, de Lautner), ne trouvant pas sa place dans le monde de l'image. Sans doute est-il influencer par les répliques célèbres prononcées par Blier acteur et père dans les films écrits par Jacques Audiard. Truculent. Mais sa traversée du désert ne fera qu'amorcer la bombe... la Nouvelle Vague retombe, le cinéma français mélange divertissement et réalisme, société et fiction; dans la veine des Tavernier, Téchiné, Miller, ... Blier va pouvoir accoucher des Valseuses et provoquer la France avec sa vision d'une jeunesse peace and love; en phase avec son époque, entre les plaisanteries douteuses du Splendid et l'amour amer d'un Truffaut. C'était d'abord un roman, issu d'une rage contre un système; ça deviendra un film qui triomphera des traditionnalistes.

Phénomène d'époque
Les Valseuses c'est une quadruple révélation : celle d'une écriture moderne, d'un regard contemporain, d'un trio d'acteurs éblouissants et d'un langage qui poétise le moindre gros mot.
Avec un style souvent épuré, un peu froid, Blier met en scène ses dialogues et met en valeur ses comédiens : Depardieu, Dewaere et Miou-Miou. Une génération, et le film d'une génération post soixante-huitarde, érigée en véritable contre-culture et contre-choc à Pompidou et Giscard. Depardieu explose la fougue, Dewaere transpose les nerfs à vif et Miou-Miou se laisse jeter à la rivière. On parle de cul, de frigidité, de libération sexuelle... Il faudra Les Nuits Fauves de Collard pour que le cinéma français fasse écho à cette époque très flower power.
Depuis Depardieu est devenu le pilier des films de Blier. Ils retrouveront Dewaere dans Préparez vos mouchoirs et Miou-Miou dans Tenue de Soirée. Dewaere devait être l'amant/mari de ce "putain de film!" sélectionné à Cannes et "musiqué" par Gainsbarre. Son suicide a endeuillé l'insousciance du quatuor...
Suite à cet "attentat délibéré contre le public" en 74, Blier, pas très adulé par la critique qui jugeait le film grossier, vulgaire, honteux, inscrivit l'oeuvre de Blier dans une sorte de pamphlet sociétaire, anti-conformiste, non conventionnel, choquant par plaisir.
Il usait du verbe comme d'autres utilisaient les flingues.
Son cinéma est d'ailleurs profondément mysogine (anti-féministe si l'on nuance) et fait l'apologie de l'amitié masculine sous toutes ses cotures, jusqu'à son paroxysme en 86 : deux mecs qui couchent ensemble, et se prostituent au final, avec la femme au milieu. Cette déclinaison triangulaire 2+1 (hommes ou/et femmes) se vérifie dans la plupart de ses films : Les Valseuses, Buffet froid, La femme de mon pote, Tenue de soirée, Trop belle pour toi, Merci la vie...

Contre-courrant
Si Blier loupe Gabin, Simon, De Funès, Bourvil, que des forts en gueules et des monstres sacrés du 7ème Art, il ne cessera d'écrire pour les plus charismatiques et les plus sensibles : Serrault, Delon, Carmet, Huppert, Coluche, Baye, Blanc, Charlotte Gainsbourg, Bouquet, Balasko, Lanvin, Mastroianni... et bien sûr son père. Buffet Froid représente à la fois le summum de son humour noir et macabre, le début de son image abstraite et de ses scènes absurdes, le délire des acteurs et le non-sens signifiant de ses dialogues. En explorant l'amour, la dépression, la tentation, les sentiments ou la sexualité sous toutes ses formes, Blier joue les impressionnistes voire les cubistes et manipule nos impressions avec des montages de plus en plus architetcuraux, de moins en moins linéaires, tout enr acontant des histoires, de déchéance et de rédemption.
Magnifique directeur d'acteur, il offrira à Delon son dernier grand rôle (en alcoolo cocu), à Balasko son premier rôle dramatique, et à Grinberg une trilogie adoratrice. Il n'écrit que s'il désire. Il n'écrit que pour voir jouer ces mythes vivants, ces légendes clamer ses propres phrases.
Buffet Froid, aujourd'hui culte et considéré comme l'un des meilleurs Blier, oeuvre phare méêlant une grande prouesse cinématographique (qui ne se souvient pas de ce Serrault poignardé dans le métro, dialoguant avec Depardieu?!), une noirceur de polar et un humour décalé, ne fut pas du tout un succès public.
Cinéma masculin et sombre, Blier ne renoua avec le public que lors de la sortie de Beau Père, d'après un roman signé de sa plume. Sa réputation est installée; tous les acteurs rêvent de tourner avec lui; mais le public boude La femme de mon pote (pourtant avec Coluche pré Tchao Pantin et Lhermitte post Père Noël) et Notre Histoire, pas drôles et trop psychologiques. Blier prend tout le monde à rebrousse poil.

Exigé
Après avoir surpris, Blier secoue. Les folles années 80 le pouse à des extrêmes. Physique avec le Tenue de Soirée cuir et fourrure, voile et vapeur, sulfureux et successful. Miou Miou bouge son cul sur le pantalon de Depardieu et lui tâte le paquet. Blanc se fait prendre par Depardieu. Depardieu se déguise en pûte, etc.... Blier frappe fort, la France adore.
C'est le dernier film "dur" et viril pour Blier. 3 ans plus tard, il écrit, compose, harmonise Trop Belle pour toi. Depardieu se laisse séduire par Balasko "la moche" et trompe sa femme, Bouquet "la sublime". Il rafle la plupart des César, s'octroie une consécration méritée, et fait adhérer un public à ses scripts non linéaires.
C'est aussi là qu'il change son inspiration, passant des hommes aux femmes, du plaisir au désir. Il rencontre Anouk Grinberg, quid eviendra sa femme puis la mère de son enfant. Il la filme en mariée HIV et poussée dans caddy par une Charlotte Gainsbourg idéale. Les hommes sont lâches et en second-plan. Annie Girardot domine Jean Carmet. Et la musique de Philip Glass accompagne aériennement l'arrivée dans un village de Provence, la nuit. Blier fait un puzzle d'idées, de musique, de personnages et raconte une histoire, celle de notre siècle, et de ses traumatismes.
Toujours ancré dans la réalité, en rpise avec son temps, il se déconnecte lentement avec les allégories poétiques dédiée à sa muse. Bizarrement, c'est après leur séparation que ce divorce (avec le public, la critique et quelque part son style) se concrétisera. La trilogie se poursuivra en banlieue marseillaise (pour la couleur, comme d'autres peintres) où Grinberg jouera une gamine face à un Marcello plus chaleureux que jamais. Et se cloturera dans un passage parisien, où Anouk, sur une musique de Barry White, attendra patiemment le chaud lapin à qui elle donnera beaucoup d'amour.
Ses films deviennent lumineux et contratsés, amoureux et graves, féminins et sensibles, presqu'assagis... Blier suit son époque; il est en phase. Il n'anticipe pas, il observe. Il s'offre ainsi une oeuvre riche sur le comportement humain, et ses excès, sur le naturel imaginé et le réel totalement mis en scène, déstructurant ses récits pour mieux se faire l'écho des consciences.

Clap de fin (provisoire)
Blier aura perdu son père depuis. Ecrivant pour le théâtre (Noiret/Bouquet, encore deux autres monstres sacrés) ce Prévert de notre fin de siècle décide de se faire plaisir, de tourner dans un Paris rêvé, avec les plus grands acteurs du cinéma frenchy. Les Acteurs, son dernier film en date, explore l'autre facette du miroir, et finalement justifie ses 40 ans de travail et de création. Il hésite encore. Mais il en reparle après avoir abandonné l'idée. Il pourrait enchaîner avec Les Actrices. Mais il préfèrera Les Côtelettes.
Blier, en offrant César et prix d'interprétation à ses artistes, en devenant l'auteur de films aussi insolites qu'inscrits dans notre patrimoine, est l'un des cinéastes les plus ambitieux du 7ème Art européen, l'un de ceux possédant un style marqué et remarqué, un véritable amoureux du 7ème Art.
Incontournable et attendu, chacun de ses films offrent des moments de rare bonheur. Jouissif et mémorable.




 
 
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