David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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LA DOUBLE INCONSTANCE





  Comme Daniel Auteuil, son compagnon pendant près de 10 ans, Emmanuelle Béart a commencé sa carrière en mineur, avec des comédies, et des tentatives désastreuses dans le cinéma. Elle rencontre l'acteur des Sous Doués sur le tournage de L'Amour en douce. L'acteur souhaitait Sophie Duez. C'est Molinaro qui imposera Béart. La suite sera surtout une belle histoire d'amour...
Comme pour Auteuil, son itinéraire sera transformé avec l'adaptation de Pagnol par Berri, Manon des sources, la suite de Jean de Florette. Ca ne se fera pas sans mal. Montand ne veut pas d'elle. Berri refuse qu'elle participe au casting.
Elle convainc tout le monde en se montrant naturelle, orginelle. Elle revendique son éducation en Provence, au milieu des arbres et des chèvres, de Pagnol et de l'accent du midi, pour obtenir ce rôle qui lui donnera son César.
Ses choix se sont alors portés vers des rôles très dramatiques, où elle se plongeait dans chaque rôle: junkie dans Les enfants du désordre ou prostituée brune dans le Téchiné, ou même en modèle nue pour Jacques Rivette. Transformations qui lui valent une crédibilité.
Encore aujourd'hui, le film de Yannick Bellon est celui qu'elle préfère. Révoltée, hurlante, revancharde, Béart exprime violamment une face cachée que Bellon devine. La dureté conduira Béart jusqu'au bout d'elle-même. Son talent provient de ce désordre, de ses défis, de sa détermination. Il faudra un Assayas, plus de 10 ans après, pour la découvrir sentimentale, et assagie. Pour que l'enfance - qu'elle eut heureuse - s'efface en faveur de la femme... Elle assumera alors mieux ses envies, ses désirs, ses opinions. Tous ses cinéastes ont exploité la définition chabrolienne de Béart : "Vous avez un corps de pûte avec une tête d'ange". Téchiné la transforme patiemment en Louise Brooks des trottoirs. Rivette la fout à poil. Chabrol l'exhibe en canon façon Adjani dans L'Eté meurtrier. Ce sera L'enfer, qu'elle aime déchaîné, 10 ans avant L'inferno de Tanovic!
Mais avec des choix très mal assortis (comme le Scola), des films oubliés, et peu d'oeuvres grand public, Béart n'accède pas au firmament.

La nouvelle Schneider de Sautet...
Ambitieuse, elle cherche à travailler avec les meilleurs réalisateurs (sa principale motivation pour avoir accepter de tourner avec De Palma). Et même s'il est reconnaissante à Bellon, Rivette et téchiné d'avoir crû en elle, de l'avoir fait progresser, la rencontre de sa vie sera Claude Sautet; depuis Romy Schneider (l'actrice favorite de Béart, elle montre même sa photo dans 8 femmes), il n'avait pas trouvé le visage romantico-mélancolique pour ses oeuvres désespérées. Béart ajoutera une certaine froideur. Un Coeur en hiver, récompensé de nombreuses fois, lui vaut les louanges tant des critiques que du public. Béart rentre dans le coeur des français, et devient star. Alternant les rôles sensuels aux corps chauds et les personnages fêlés à la tête froide, la sublime joueuse de violon fera chavirer les cinéphiles du monde entier. Elle cherche à séduire. Et Sautet la filme comme elle est. Le cinéaste aime sa fragilité, son exigence, sa fierté et son intégrité. Comme il aimera sa fatigue, son abandon, son sommeil et son indépendance dans leur second opus, Nelly et Monsieur Arnaud.
Comme pour contredire cette image qui lui colle à la peau, elle acceptera alors des scénarios plus provocateurs, presque torrides: le Chabrol comme le Wargnier ont suscité la controverse, montrant une femme tantôt impudique et amorale, et une autre immorale, enfermée par l'hypocrisie.
Comme d'habitude, elle rencontrera le réalisateur autour d'une table de restaurant. Comme d'habitude, elle refusera le rôle avant de l'accepter. Le Chabrol lui rappelle son adolescence, les interdits et les tabous (qu'elle déteste), l'impudeur et les excès. Ellle excelle dans l'excès justement.
Et puis l'altruisme... Totalement engagée dans son métier, elle s'y brûle les ailes avec la réception plus que houleuse d'Une femme française. Elle défend becs et ongles Jeanne, son personnage, la mère de Wargnier, son comportement. Et les médias s'acharnent, détruisent tout, saccagent les souvenirs et s'en prennent à elle; l'image confond la fiction et la réalité, l'histoire et l'actrice. Emmanuelle est en miette.
Elle veut fuir. Elle rêve de lâcher le métier. Comme une Adjani en retraite prématurée. Mais son destin croise plus souvent celui de Deneuve (Berri, Téchiné, Wargnier...). Et sa capacité à survivre de ces années noires vont lui permettre de s'épanouir.
Il y a les enfants, mais plus Daniel. Il y a le cinéma, mais plus la fougue. Il y a le métier, mais elle rejette les médias.
Il faudra de nouveau une croisée des chemins avec Sautet, pour que Béart puisse faire oublier ses personnages écorchés. Nelly... est sans doute l'un des meilleurs films de l'actrice, même si elle n'apporte rien à son propre jeu. La comédienne est à la fois en état de grâce et comme vieillie par 10 ans de jeu et de rôles. Il s'agit presque d'une synthèse de sa décennie de succès et de reconnaissance, à la fois distante, détruite et passionnelle. Le feu sous la glace.
L'essence qui éveille ses sens, abîmés. Si Daniel Auteuil ne lui donne plus la réplique, elle sait désormais affonter des monstres tels que Serrault, l'ami Weber et même un Tom Cruise. Elle s'égare dans des aventures sans audace mais pleines de désirs...

A la recherche d'une complicité perdue...
Elle a accepté cette Mission (Impossible) - malgré un rôle incohérent et insipide - gâchant son talent, comme elle a signé avec Dior pour promouvoir une certaine image de la marque. Dior résiliera le contrat lorsque Béart défendra les sans-papiers. Ne mélangeons pas le chic et le choc, même dans Paris Match. Pourtant, Audrey Hepburn (un modèle pour l'actrice) le faisait...
Elle n'a pas continué sa carrière internationale. Depuis, ses consoeurs Binoche et Marceau ont elles aussi eut de beaux succès internationaux. Sa carrière, son Box Office (7 hits en 20 ans) lui permettent une certaine liberté, et en font une valeur sûre du cinéma français. Elle ne se voit pas ailleurs, dans d'autres frontières. Pourtant, elle enchaîne deux méga-flops : Don Juan et Voleur de Vie. Dans ce dernier, elle y croise Bonnaire, sa demi-soeur dans le cinéma français : Chabrol, Sautet, Wargnier, Rivette, elles rencontrent les mêmes réalisateurs.
Elle adorera cette expérience extrême, fraternelle; l'âge aidant, elle est moins touché par l'échec.
Sa renaissance débute en 99, avec Le Temps Retrouvé. Avec, enfin, Deneuve. Ruiz réunit les deux actrices, le temps d'un plan (en attendant le Ozon). Elle accompagne le film à Cannes. Elle ressent ce besoin de folie, de plaisir; elle ne veut plus la douleur, et recherche putôt la douceur. Elle se défend mieux, et ose même nous surprendre. On l'aimerait dans une comédie, et elle tourne La Bûche. Ludique, elle joue comme personne le faux semblant, la femme sacrifiée, la douée qui se veut saltimbanque. Ses complexes d'actrice s'effacent. Elle ne se compare plus à Binoche. Elle ne souffre plus de l'absence de récompenses, de reconnaissances. Elle délire avec Azéma, s'amuse avec Claude Rich, et assume son statut. En ménagère de plus de trente ans, elle fait le délice d'une comédie familiale et féminine.
Sa destinée la conduit donc logiquement vers les sentiments que connait bien cette amoureuse perpétuelle. Le film d'Assayas la ramène à Cannes, et lui offre son plus grand rôle, dramatiquement et cinématographiquement. Tout en nuances, en apisement, comme en non-dits. Elle est semblable à cette porcelaine de Limoges : cassable, unique, sereine, belle, qui brûle avec quelques degrés de trop... Un film sur le temps ni perdu ni retrouvé, mais bien construit. Un film sur le couple, et donc sur l'amour. Les destinées sentimentales reflètent non plus une image mais une nature. A la fois champêtre et industrielle, cigale et fourmi. Elle est la femme qui voit ses rêves devenir des souvenirs, cette Pauline qui donne, pour donner, par amour.
On aurait pu parler de son père (chanteur), de sa mère (un temps top modèle), de Brassens, de Ferré, de Marivaux... ces fantômes qui hantent son univers, son atmosphère. Mais Béart à encore beaucoup de chemins pour parcourir son labyrinthe. Chez Corsini (drame), Ozon (musical), Assayas (romantique), Téchiné again (passionnel), Fontaine (de nouveau pûte), à la télé (D'Artagnan). Elle enfile les costumes et les rôles populaires, les auteurs exigeants et les scénarios palpitants. Béart ne s'égare plus. Elle promène son regard perçant, loin vers l'horizon. Un regard qui observe aussi l'enfance malheureuse du monde. Toujours cette compassion humanitaire qui pourrait, à terme, définitivement la transformer à nos yeux.

vincy


 
 
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