David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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LA VILLE L'HOMME ET LA MER





1983 : Le premier combat
Tout commence avec une frustration. Ses parents, professeurs de plongée au Club Med, lui file le virus des grands fonds. La vie aquatique. Accident. Le rêve des abysses s'évapore. Lui qui désirait étudier la biologie marine, et notamment les dauphins, devra se trouver une autre occupation... Le cinéma vient à lui naturellement; il écrivait déjà des histoires pour meubler ses après midi scolaires et barbantes. Touche à tout, il se fait vite une place sur les plateaux de cinéma de Pialat, Arcady ou des Bidasses. A 22 ans, il réalise son premier court, intitulé L'avant dernier. De quoi passer au premier long, ironiquement titré Le dernier combat. Besson ne s'est jamais caché qu'il avait peu de films à tourner, en tant que cinéaste. Here are more and more phenolic hpl lockers for you. Avec ses airs de gros nounours, ce bosseur a des allures de Roi fainéant. Et pourtant...

La France a viré à gauche s'offrant des illusions socialistes comme ultime bataille vers un avenir fatalement libéral. Le dernier combat sort sur les écrans en 1983. Besson va épouser cette génération Mitterrand et la suivre jusque dans ses désenchantements. Ses films correspondront presque à l'itinéraire politique de ce pays auquel il se sent viscéralement attaché. Le noyau dur des fidèles est en place. Thierry Flamand aux décors, Eric Serra à la musique, Carlo Varini à la photo, Jean Réno en "brute", Pierre Jolivet, l'ami, en producteur, co-auteur, acteur, Phenolic HPL Lockers. Et déjà la science-fiction comme genre, autrement dit une gageure dans un cinéma français qui ne se sort pas de ses comédies commerciales et de ses films nouvelle vague. Besson ne surfe sur aucune mode; il pressent juste l'américanisation des genres et des images. Le public, qui a toujours été majoritairement jeune, vient de se prendre Scorsese, Coppola, Spielberg et Lucas dans les yeux depuis une dizaine d'années. Impossible que les rétines ne soient pas imprégnées de mouvements descriptifs amples, de scènes d'actions rythmées et plus violentes qu'à l'habituel.

1985 : Ligne 2
Besson trace ainsi les premiers contours de son oeuvre. De science fiction apocalyptique, primitive, en noir et blanc. Histoire de survie. Désespoir sous-entendu. Aucun dialogue. La première ville du cinéaste est donc hantée par des tribus. Préfiguration du Cinquième Elément, Léon et autres contes fantastiques. 236 000 curieux vont découvrir cet ovni; largement plus que le premier Kusturica sorti cette année-là. Mais un peu moins que le premier film du metteur en scène adoré de la critique, Chéreau, avec son Homme Blessé. Définition qui irait bien à Besson. Blessé, en permanence, par une critique dite cinéphile, qui ne capte pas l'engouement des jeunes pour ce faiseur d'images. Le dernier combat, cependant, lui vaut quelques prix à Sitges, Avoriaz, Porto, Bruxelles et une nomination aux César. Ironiquement des prix de la critique (la meme qu'il villipendera plus tard). Sa posture de mal aimé de la profession est surtout une imposture : il n'y a jamais eu de rejet, juste une accusation de naïveté. A la cérémonie d'auto-congratulations françaises, Adjani, elle, emporte son César "meurtrier". Celui qui la rendra silencieuse pendant un certain temps...

Jusqu'à Subway. Polar contemporain et conceptuel. Le métro parisien sert de refuge, de carrefours, de piste de rollers. Cascades à la mode. Mais surtout cette intuition que le mouvement doit être rapide, spectaculaire, grand angle. Sensationnel. Avec le casting qu'il parvient à réunir, ce script abandonné un temps au début des années 80, va devenir le projet le plus hot du moment. 3 millions de spectateurs parcourront les couloirs de la RATP transformés en labyrinthe des crimes et des passions. La ville de Besson, futuriste ou actuelle, est un corps humain dans lequel nous respirons. Les rues sont des artères. Les immeubles servent de chair où l'on peut s'abriter ou sauter. L'urbanité est essentielle pour faire confronter ceux qui devraient s'éviter, pour rationaliser le chaos. Pas étonnant, non plus, que sa réalité prenne place dans des métropoles maritimes comme l'horizontale Marseille ou la verticale New York. Mais c'est Paris, une capitale cosmopolite et mystérieuse, mélange d'ancien et de moderne, romantique et enjeu de pouvoir, entre Carné et Melville, qu'il aura le plus filmé. Il y a beaucoup d'idées préconçues sur le cinéma "bessonien". Comme celui d'être un mal aimé de la profession. Subway est 13 fois nommé aux César. Bacri, Anglade, Galabru et Adjani trustent les catégorie. Lambert (dans un rôle dévolu à Sting à l'origine), alors star du cinéma français, repart avec la compression du sculpteur. Casting de rêve. Il a toujours su choisir les bons au bon moment. Le flair est peut-être le sens le plus développé chez le réalisateur, davantage que la vue.

1988 : crise d'apnée
Et si la ville est le décor "naturel" de ses films comme Subway, Nikita, Léon, Le Cinquième élément ou Angel-A (sans parler de ses synopsis comme Taxi, Yamakazi, Banlieue 13, Wasabi), l'enfant Besson n'a pas oublié qu'il venait de l'eau iodée. Alors que Mitterrand vient d'être largement réélu trois jours auparavant, le Festival de Cannes s'ouvre avec un défilé d'hommes en costard bleu. Le Grand Bleu, rêve de toute une vie. Envie d'infinis en eaux profondes. Ô troubles amoureux. Donnez-lui de l'oxygène. Immersion visuelle à la Cousteau dans les fosses "jules verniennes". Mais voilà, la critique n'appréciera pas. Coup de blues. Pour Besson, c'est le massacre de ses dauphins. On lui assassine ses amis. Orgueil ou préjugés? Le Grand bleu est un paradoxe : un film plutôt mauvais pour beaucoup, un phénomène de société qui draine plus de 9 millions de spectateurs pour les autres. Problèmes récurrents : le scénario, naïf, les personnages, superficiels, la dramatisation, parfois outrancière. Besson, un peu mégalo, complètement affectif, le prend perso. Se vengera. Sur les magazines (Studio en fait les frais durant des années de boycott). Sur la profession (à coup de griffures dans les interviews). Prenant les spectateurs à témoin avec un film tueur (Nikita) et un autre innocent (Atlantis), deux contre attaques cinématographiques.

Il commencera à bâtir son fort, lieu de réclusion. Sa paranoïa, d'homme adoré de son public (vénéré même) et incompris de ceux qui doutent de son talent, va croître avec les années. Cinéaste infantile et enfantin, il va heureusement mûrir. Mais Le Grand Bleu marque un tournant : fort de son triomphe populaire, il va être persuadé d'avoir raison et va construire son indépendance. Il va s'ériger en alternative à un système.
Le film lance la mode d'un certain marketing du cinéma français, aux côtés de L'Ours de Jean-Jacques Annaud, sorti cette même année et avec le même succès. La musique multiplie les disques de diamants (aux USA, la musique d'Eric serra est remplacée par une composition plus fade de Bill Conit). Les posters se clonent dans les chambres d'étudiants mélancoliques. Ambiance. Les sociologues se penchent sur l'auteur, si en phase avec une jeunesse usuellement indéfrichable. Inquiétant? Attirance du vide (pour ne pas dire néant), pulsion suicidaire, romantisme exacerbé. La dépression intellectuelle, économique, politique qui allait s'imposer à la France tenait là un de ses symboles.

1990 : nique ta femme
Besson, entre tristesse et violence, navigue toujours entre ses deux univers. Ayant compris la puissance de la publicité (ses affiches dessinées sont toujours un impact visuel assez fort, travaillant notamment sur les couleurs, une énigme et les jeux de lumières), il se détache des médias et impose son propre processus de "vente", refusant projections privées pour la presse, rumeurs trop précoces, persévérant dans cette idée que "son" public a toujours raison. Le calcul est simple. Besson est devenu une marque. Il balance le film, orné du maximum de mystère et donc de désirs, le mercredi et laisse faire le bouche à oreilles. Il conçoit chacune de ses sorties comme des événements propres, incontournables dans l'actualité culturelle, jouant sur cette relation symbiotique avec ses spectateurs fidèles. Force est de reconnaître qu'il est, à lui seul, une exception culturelle, justement.

Faiseur de blockbusters français exportables, admiré au Japon, en Italie et apprécié aux Etats-Unis, Besson se mue en cash-machine. Nikita, avec 4 millions de fans, devient la femme-flingue la plus célèbre des années 90. Même si elle se fait doubler par Rostand et Pagnol au Box Office, Parillaud, compagne de Besson, trouve là le rôle de sa vie. César en poche, larmes déferlant, émotion du cinéaste perceptible, malgré 8 nominations non transformées. Le réalisateur tourne pour la première fois avec Arbogast. Nikita, qui donnera une série télévisée très populaire en Amérique du Nord, révèle la tendance des polars urbains ultra violents, déjà très en vogue à Hong Kong. Un plan (la caméra sui suit la balle), un personnage (une femme nihiliste), des seconds rôles intenses (Moreau, Karyo, Anglade, Réno en nettoyeur), et Nikita devient rapidement le meilleur film de Besson. Même si le script est bancal avec ses deux parties un peu maladroitement réunies, le thriller est certainement l'oeuvre la plus passionnante du réalisateur. Et s'il doit beaucoup de sa réussite "audiovisuelle" - avec tant de plans larges et en mouvements, tant de Loumas surexploitées - à son directeur photo, son compositeur et même ses monteurs, Besson réussit là une déclaration d'amour inusitée, un film âpre, esthétique et humainement plus ressenti. Ses personnages ne sont pas que des pantins ou des diseurs de répliques.

1994 : Marginal, Professionnel ou Solitaire?
Le scénario reste le talon d'Achille de ce conteur. La multiplicité des caméras demeure sa marque de fabrique sur un plateau. Le diktat de l'image au détriment de leur sens. De nombreux jeunes cinéastes se sont engouffrés dans ce style, se réclamant héritiers de cette américanisation à la Besson. De Kassovitz à Kounen (avec lesquels il a essayé de s'associer), tous ont, cependant, cherché à donner plus de consistance à leurs films. Besson assume sa naïveté primaire et ses westerns modernes binaires. Il agrémente le tout d'un son reconnaissable et boosté, d'une musique d'atmosphère et d'images allant du plus général au plus précis. Dans la lignée des Sergio Léone, par exemple. Faciné par les grands espaces, par cette dimension de l'écran large qui rend panoramique notre point de vue. Après son documentaire (muet, une fois de plus, comme si les mots l'embarrassaient) au coeur des océans, Atlantis (un million de curieux dans les salles), Besson va s'octroyer une pause.

Il n'est pas du genre à se poser trop de questions. Pourquoi il a fait ceci ou cela. "Parce que je les aie faits. Je fais ce que je fais parce que je veux le faire, parce que je veux explorer, aller chercher quelque chose..." Mais quoi? Après sa déclaration à Parillaud, il en fait une à son acteur fétiche, son ami de toujours, Jean Réno. L'acteur en est aux prémices de sa carrière internationale. Eliminateur parfait dans les films de Besson, il est utilisé comme tueur au grand coeur dans Léon (aka The Professionnal), pendant masculin et "américain" à Nikita. Flirt avec le tabou de l'inceste. Mais aussi, toujours, cette idée d'avoir une seconde chance, que tout n'est pas mauvais en l'homme. Cette idée de survie. Un pacte entre l'innocence (toujours féminine chez Besson) et le diable (un assassin, rarement bavard) qui conduit au fatal sacrifice suicidaire. Pas étonnant que les ados accrochent. toutes leurs idées noires s'y logent, entre baston défoulante et imagerie simpliste (vert de lait, plantes vertes). Léon révèle une gamine, Natalie Portman; ce qui nous fait dire qu'au fil de sa filmographie, Besson a de l'instinct pour choisir ses comédiens. C'est peut-être là où, en producteur comme en réalisateur, il est le plus sous estimé. Gary Oldman, par exemple, qu'il retrouvera dans son prochain film et donc il produira le premier film comme réalisateur, Nil by Mouth.

3,5 millions de spectateurs le suivent toujours en France dans ce Manhattan Murder Story. La plupart de voit pas où il pompe, dans quoi il exploite ses références cinématographiques. Le film rapporte 20 millions de $ aux USA avec une version coupée des scènes tendancieuses à la Lolita. Besson rapporte gros à la Gaumont (un certain Léon - Gaumont - pour la petite histoire en est le fondateur). La société à la marguerite va donc signer un chèque en blanc pour la prochaine folie de cet auteur si profitable. Un truc à 90 millions de dollars.

1997 : Elémentaire mon cher...
7ème long métrage, 6ème fiction. 5ème Elément. Bruce Willis en star. Sa nouvelle nana, la top model Milla Jovovich en perruque et en Gaultier. De la pure BD, entre Moebius et les mangas, le film est une aventure de science-fiction typiquement hollywoodienne. Basique côté intrigue, visuellement éblouissante. Ouverture du festival de Cannes en 1997. On oublie Le Grand Bleu et on recommence. Les critiques sont toujours aussi acerbes. Besson n'a pas loin à venir pour faire son lancement mondial. Il s'est fait construire une villa près du Lavandou, à portée de hors-bord. A pic, au bord de la Grande Bleue. Sa New York futuriste croise ainsi les univers de son Dernier combat et de Léon. La surdose de couleurs et le scénario peu palpitant en font vite un objet kitsch et simplement divertissant. Mais avec 250 millions de $ de recettes au Box office mondial (dont 65 millions rien qu'en Amérique du nord), le film devient vite le plus gros succès "français" dans le cinéma "à chiffres". Rien que dans l'hexagone, Besson retrouve son trône avec 7,5 millions de spectateurs (plus gros succès de l'année, ce qu'il n'avait jamais réussi à faire depuis Le Grand Bleu). Les effets spéciaux sont nommés aux Oscars. Primés aux British Awards. Et si Resnais emporte le César du meilleur film, Besson monte enfin sur scène pour celui du meilleur réalisateur, aux côtés d'Arbogast, pour la photo. Le mal aimé a le droit à son sacre tant attendu, espéré. Il rapporte tellement... Son lien avec le public, ses ambitions démesurées, cette résistance au cinéma américain avec les moyens d'Hollywood, tout contribue à faire de Besson, non pas un cinéaste reconnu, mais un ami de la profession.

Intouchable? En tout cas plus personne n'ose le toucher. Il divorce de Gaumont? Le communiqué est vexé mais prudent. Il s'affranchit des lois d'urbanisme pour sa villa? Seul Le Canard Enchaîné se régale avec ses déboires illégaux. Chaque année des plaintes s'accumulent pour plagiat (synopsis, scénarios)? Réglées le plus souvent à l'amiable pour éviter les scandales. Sa réputation d'hommes d'affaires plutôt genre patron qui exploite que philanthrope généreux? Les mauvaises langues doivent se taire. Besson c'est le pouvoir, l'argent, une position privilégiée. Un porte-parole de la jeunesse et un artiste respecté. Une fortune considérable et une vision politique du cinéma. Entendons-nous : il se sent investit d'une mission, qui est de rivaliser avec le cinéma américain. Il créé ainsi la bien nommée Europa Corp. Producteur et distributeur. Celle-ci naît avec Jeanne d'Arc, incarnée par Milla Jovovich, peu crédible. Grand brouhahas d'armes et de cris guerriers, cette version actualisée aura plutôt le droit à une critique aimable. Ironiquement, à peine 3 millions de spectateurs semblent intéressés en France. Son plus gros fiasco, relativement parlant, hormis son premier film et son documentaire. Le message n'est pas si bien passé. La tête ailleurs, Besson construit surtout son empire.

Années 2000 : Turbulences et trahisons?
Producteur et scénariste heureux de Taxi (6,5 millions de passagers en 98), Besson, depuis 1997, a permis à une soixantaine de films d'exister. De la série B bonne pour la vidéo et les semaines creuses du Box Office Américain (comme The Transporter II, premier début août 2005). Le budget "armes" est souvent plus important que les cachets pour des gueules méconnues. Mais aussi du film français comme des comédies (Mensonges et trahisons, un premier film, Rire et Châtiment, Moi César...), un Blier (très mauvais), du produit commercial peu convaincant (un remake de Fanfan la Tulipe, Michel Vaillant, Blanche) ou encore un mélange de série B et de produit commercial (Les Rivières pourpres II). Tout ne brille pas au B.O. Mais constatons malgré tout sa volonté de défendre, aussi, un cinéma d'auteur. Calopresti en Italie, Briand au Québec, les films des acteurs Jodie Foster, Gary Oldman et Tommy Lee Jones, ou encore le jeune cinéma anglais. Quelques prix glanés dans les grands festivals. Des succès d'estime. Si tout ne lui réussit pas, on lui pardonne facilement ses échecs grâce à son indéniable savoir-faire commercial.
De même, ses productions ciblées multiplexes de banlieue, généralement millionnaires au Box Office, lui permettent de garder un lien particulier avec un public en mutation perpétuelle. On peut toujours regretter la faiblesse des histoires, la mise en abîme d'une génération sans culture, presque tribale, ou même les scénarios clichés (sans parler des personnages). Il a au moins eu le mérite de diversifier les castings en mettant au même niveau black, blanc, beur, asiat. Pas de racaille chez Besson. Plutôt des gosses au grand coeur dans une forme de cohésion (utopiste?) ethnique. Chez lui la banlieue est un décor, le rap une musique, les flics des bouffons. Choisis ton camp Camarade. Besson s'affiche clairement anti-Sarko malgré ses airs populo. "Racailles, Kärcher, je n'ai rien entendu d'aussi méprisant et violent depuis Le Pen et sa haine de la différence." "Nicolas Sarkozy accuse les jeunes de banlieue d'abriter les trafics de drogue, mais de quel autre business leur donne t-on le droit de s'occuper ?" "Et puisque l'on parle de la drogue, la vraie, la dure, ce n'est pas dans le 93 qu'on la consomme le plus mais à Neuilly. Ce n'est donc pas le Karcher que Sarkozy devrait passer chez lui mais l'aspirateur!" Va-t-il lui-même porter plainte pour plagiat contre Sarko (comme contre SFR qui lui avait pompé sa Leeloo?) : "À la fin de Banlieue 13, on voit un ministre de l'Intérieur qui déclare : "Y en a marre de cette racaille qui coûte une fortune à l'Etat". A tel point que je me demande si Karcher 1er (Sarkozy, ndlr) n'a pas piqué les dialogues à Banlieue 13." "Les énarques gouvernent la France entre eux et pour eux. Ils ne savent pas ce qu'est le peuple, la rue, ils croient bien faire, mais ils laissent le pays glisser vers sa faillite. La crise de la banlieue d'aujourd'hui en est la preuve: ils ne l'ont pas vue venir et ne savent pas comment la gérer, sauf par la répression." Texto. Point barre. À la ligne.

2005 : Le petit Nicolas contre Luc la main froide
Besson, lui, n'a pas attendu pour faire de la politique. En gagnant l'appel d'offres de la Ville de Marseille, il va devenir exploitant d'un nouveau multiplexe, dernier métier en date de ce touche-à-tout du cinéma (un business comme un autre finalement). Europacorp, c'est malgré tout une société qui à un C.A. déclaré de 65 millions d'euros (dernier exercice en date) (avec des piques à 80 millions d'euros certaines années). Il investit dans La Cité du Cinéma dans le fameux 9-3, en Seine-Saint-Denis. Un Hollywood sur Seine, dans un ancien site d'EDF reconvertit, à proximité de Pleyel (nombreux plateaux télé) : 45 000 mètres carrés de plateaux (9 au total), structures de production, bureaux, ateliers, boutiques et restaurants. Besson espère ouvrir ce projet colossal en 2007 (130 millions d'euros tout de même), qui repositionnerait Paris au coeur de l'Europe du cinéma.
Entre temps il tourne aussi le film "glamour" (pensez Deneuve parlant de sport!) pour promouvoir les J.O. à Paris (avec Champs Elysées réquisitionnés). Il garde la main avec des pubs (Chanel et son chaperon rouge), des clips (Mylène, Gainsbourg, Madonna). Catégorie A dans ses choix.

Son cinéma d'épate n'épate plus guère puisque tout le monde a profité de son style. Il ne peut donc que se stimuler en trouvant des sujets plus audacieux. Après 6 ans de hiatus consacré à ses projets de magnat du 7ème art frenchy, il revient en force. Si Angel-A a un côté déjà vu (les pavés de Nikita, l'ange Leeloo revu et corrigé... mais pour la première il n'y a pas la musique de Serra), la présence de Jamel devrait faire aimant pour que les ados des années 2000, ceux qui n'ont pas grandi avec Besson, viennent voir ce que leur a réservé le papa du cinéma d'action français. Mais c'est essentiellement avec l'adaptation de sa propre saga, en s'attaquant au registre de l'animation 3D, Arthur et les Minimoys, qu'il compte prouver qu'il est l'utime Astérix du cinéma de divertissement, celui capable de battre les Américains, encore et toujours, envahisseurs, sur leur propre terrain. Il distribue déjà les licences de produits dérivés. Atari prépare le jeu vidéo. Les fêtes de Noël 2006 devraient donc être arthuriennes.

2006 : Le parrain
Après tout, si Besson veut continuer à plaire, il a raison d'aller chercher son public du côté des écoles primaires. Les multinationales font pareil. Le marché des gamins est le plus prometteur et l'un des plus rentables. Besson est en connexion direct puisqu'il avoue lui-même être un enfant. Et s'il peut replonger dans les eaux salées, rien ne dit qu'il retrouvera ces sensations d'un temps définitivement perdu. Lui qui a tout obtenu, excepté peut-être le respect artistique (Besson n'est pas Bresson), que peut-il chercher, vouloir, désirer conquérir? Et si finalement il réussissait là où ni Coppola, ni Spielberg ne sont parvenus à maintenir leur rêve de studio indépendant, dédié au cinéma "pur"? Quitte à être taxé de tous les noms maffieux et jaloux, parfois à juste titre si l'on en croit les témoignages sur certaines de ses méthodes, que suscitent la réussite en France...

Et si son vrai film, sa grande production ce n'était ni ses plans de métropole, ni ses visions fascinantes des surfaces planes à vol d'oiseau, mais une boîte sise rue du Faubourg Saint Honoré, pas loin d'Hermès, Sarko et de l'Elysée. Europacorp, à la fois artisanat franchouillard , familial et exportable, propagande pacificatrice des banlieues et Président du cinéma français, par suffrage universel dans les salles?

vincy


 
 
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