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David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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REALISME POETIQUE
Marcel Carné a longtemps été tenu pour le chef de file de l'école française des années 30 ; de brillantes exégèses lui ont été consacrées, dont celle d'André Bazin, qui voyait dans un film tel que Le Jour se lève (1939) une des plus belles réussites tragiques du cinéma. Le couple formé par Jean Gabin et Michèle Morgan dans Quai des brumes (1938) est caractéristique du climat de lourde fatalité de l'avant-guerre ; et Les Enfants du paradis (1943-1945) sont toujours, un demi-siècle après leur sortie, en tête du hit-parade de la production nationale.
Ce qui n'empêche pas la côte de Carné de baisser inexorablement, surtout depuis les échecs qu'il a essuyés à partir de 1950. Nul ne songerait aujourd'hui à le mettre sur le même pied que Renoir ou Pagnol.
Les clichés ont la vie dure. On s'obstine à faire de Carné l'initiateur du "réalisme poétique", alors que la voie avait été frayée, bien avant lui, par Kirsanoff et Vigo, et exploitée avec une plus grande maîtrise par Duvivier. On loue la virtuosité de sa mise en scène, alors que celle-ci est d'une grande platitude. On l'enferme dans une décennie (1936-1946), en oubliant que sa carrière en couvre près de cinq, de Nogent, Eldorado du dimanche (1929, court-métrage), son premier film, à La Bible (1977) son dernier. On brode sur le caractère "littéraire" de ses intrigues, imputables en totalité à son coéquipier Jacques Prévert. Les critiques les plus sévères (tel Henri Agel) condamnent à la fois "la fausse poésie, la fausse psychologie de Prévert et l'académisme truqué de Carné".
Une association contre nature.
Les deux hommes s'étaient rencontrés à l'époque du Front populaire. Rien ne laissait présager a priori une entente durable, tant leurs tempéraments s'avéraient dissemblables. S'ils sont tous deux des enfants de Paris, ils s'opposent comme la rive droite à la rive gauche. Prévert est un homme de Saint-Germain-des-Prés, Carné n'a jamais quitté le Xe arrondissement. C'est un enfant des Batignolles qui (selon Henri Jeanson) "cueille volontiers la fleur bleue sur les fortifs, aime le bruit de l'orgue de Barbarie, les cafés pris sur le zinc, le cri des marchands de journaux et celui de l'homme qu'on assassine au fond de la nuit...". Il a forgé sa sensibilité dans les baraques foraines, les cafés-concerts, la zone, le Moulin de la Galette et le Casino de Paris. Carné est à son aise avec les jeunes chaloupeurs des virées dominicales à Nogent, les riverains du canal Saint-Martin ancrés dans le havre accueillant de L'Hôtel du Nord (avec Jeanson, 1938), les filles au franc-parler et les marlous goguenards, les foules surchauffées de la salle Wagram - telles qu'il les décrit dans L'Air de Paris (1954), son film le plus personnel -, voire la faune interlope de Terrain vague (1960). Il y a là une veine faubourienne, teintée de misogynie, qui est son véritable registre et qui le situe dans la tradition d'Eugène Sue et de Francis Carco. Sa sympathie va aux marginaux, aux déclassés, aux homosexuels ; son style emprunte aux clairs-obscurs de l'expressionnisme allemand et au film policier américain ; des souvenirs passent de La Rue sans joie, de Scarface, et du Mouchard, le tout réhaussé par le pittoresque parisien, l'accent traînant des barrières que résume le mot fétiche : atmosphère.
Le vrai et le faux Carné.
Rien à voir avec les diableries sophistiquées de Jacques Prévert, son cortège de songe-creux, de poètes en rupture de ban, de feuilles mortes et d'enfants qui s'aiment. C'est à celui-ci, non à Carné, que l'on doit les "bizarreries" de Drôle de drame (1937), le bureau des épaves du Quai des brumes, le coeur battant sous la pierre des Visiteurs du soir (1942) et la grande parade des Enfants du paradis.
Carné, lorsqu'il "réalisa" ces films, ne fit que mettre en forme des fantasmes qui lui étaient rigoureusement étrangers, avec un détachement qui en aggrave l'artifice. Le drame est qu'il a fini par y croire, tant l'illusion entretenue par ses remarquables techniciens était forte. Il faut rendre hommage en passant à ces derniers : le décorateur Alexandre Trauner, les opérateurs Eugène Schüfftan et Curt Courant, les musiciens Maurice Jaubert et Joseph Kosma, des interprètes de la trempe de Jean Gabin, Pierre Brasseur, Michel Simon, Jules Berry, Marcel Herrand et Arletty (significativement, Carné échoue à diriger ses couples d'amoureux, qui sont des créatures de Prévert). Le résultat : privé de ces équipes en or son talent s'en ira à vau-l'eau, et c'est l'irréalisme fabriqué de Juliette ou la Clef des songes (1951), la triste exhibition des Tricheurs (1958), l'incroyable Amérique des Trois chambres à Manhattan. C'est à peine s'il se retrouve dans la province engourdie de La Marie du port (1949) ou les remugles bourgeois de Thérèse Raquin (1953).
Ne cherchons donc pas Carné où il n'est pas : dans le le lieu clos factice où un ouvrier soudeur marqué par le destin attend que le jour se lève, ou parmi les masques en liesse du Boulevard du Crime. Quitte à effectuer une révision déchirante, il convient de le situer à sa vraie place (qui n'est pas négligeable) : celle d'un petit maître des faubourgs, un Utrillo de la caméra, entraîné à son corps défendant dans des entreprises trop grandes pour lui dont on le crédite abusivement. C'est le moment de reposer la vieille question : qui est le véritable auteur d'un film ?
(à son décès, par vincy)
Décédé à coté de Paris, qu’il n’a jamais quitté, qu’il a su filmer avec brio, le réalisateur Marcel Carné était l’un des plus grands de son époque avec Renoir, Von Stroheim et René Clair, pour qui il fut assistant en 1930, dans Sous les toits de Paris. Le président de la république française, Jacques Chirac a salué l’artiste une dernière fois: "Il est rare qu’un artiste voit son travail devenir à ce point une partie du patrimoine de tout un peuple. Merci Marcel Carné de nous avoir fait rêvé autant".
Très jeune il commença à s’interesser au Cinéma, et jusqu’en 1995, il fut présent dans des festivals comme Cannes ou Venise.
A l’origine photographe, puis critique dans Cinémagazine (en 1928, il y gagna un concours), et rédacteur en chef de Film Hebdo Magazine, il fut engagé comme assistant par Jacques Feyder. En 1929, il réalisa son premier court-métrage au ton déjà poétique, Nogent, eldorado du dimanche. Dans les années 30, il enchaina ses premiers longs-métrages. En rencontrant Jacques Prévert (Un Monde Extraordinaire) et Joseph Kosma (compositeur des Feuilles Mortes), il scella l’un des mariages les plus important du septième art: le faiseur avait trouvé son scénariste et dialoguiste. Sa source d’imagination. Les deux univers filèrent une parfaite harmonie pendant une décennie. Jenny fut le premier opus et sans doute le moins connu. Mais les classiques se succédèrent mêlant les plus grands comédiens de l’époque (et du siècle), des dialogues inoubliables, et une réalisation légère mais perfectionniste. En recréant la vie des rues de Paris, il a réussi à créer une sorte de nostalgie en noir et blanc, donnant à son oeuvre un genre unique: le réalisme poétique. L’Hôtel du Nord devint même Monument National afin qu’il ne soit pas détruit. Les succès se suivèrent donnant au Cinéma quelques unes des répliques les plus marquantes de son histoire: "Atmosphère atmosphère, est ce que j’ai une gueule d’atmosphère". La gouaille d’Arletty sur ce pont du Canal Saint Martin flotte encore comme un parfum indémodable dans l’air. Hôtel du Nord, Quai des Brumes ("T’as de beaux yeux tu sais..."), donnèrent corps à une génération d’acteurs comme Gabin, Morgan, Michel Simon ou Louis Jouvet. Révélations ou confirmations, grâce à Carné et Prévert, les regards devenaient légendaires et les histoires d’amour étaient empreintes de mystère. Son fatalisme naquit de sa désillusion face au Nazisme.
Profondément socialiste, il réussit à contourner la censure par la métaphore poétique. L’artiste toujours plus fort que le tyran. Pendant la guerre, il accomplit donc ses deux oeuvres maîtresses du Cinéma Mondial. Les Enfants du Paradis côtoient La Grande Illusion et Citizen Kane. Ambitieux, ces divertissements offrent une vision de la tyrannie (symbolisée par le 13ème siècle dans Les Visiteurs du Soir) et du désespoir (dans cet immense rue carnavalesque d’un Paris de la moitié du 19ème siècle): Les Enfants du Paradis oscillent entre leur désillusion et une irréversible séduction... Sa carrière après la guerre prit une autre tournure. Durant 30 ans il subit des échecs commerciaux et critiques. Thérèse Raquin, adapté de Zola, avec Signoret, fut l’exception, avec un Lion d’argent à Venise en 1953. Jusqu’à son dernier film, en 1992, La Mouche (d’après une nouvelle de Guy de Maupassant), qui demeure inachevé, pour cause de problêmes de production, il ne retrouva pas sa touche. Il semble que la magie provenait de l’alchimie Carné-Prévert; où les vendeurs de laits sont psychopathes et les curés obsédés. Un univers bizarre. "Vous avez dit Bizarre?" Bien sûr la mode romantico fictive (Bardot, Carole, Gérard Philippe) puis la Nouvelle Vague ont mis fin à son style, dont il n’a pas réussi à se départir. En 1974, il entama sa retraite, en réalisant un ultime long-métrage (documentaire) sur La Bible, en montant un collage de photos destiné à une exposition, en supervisant la colorisation (qu’il souhaitait) de certaines de ses oeuvres. Passionné, toujours bavard, admirateur de Charlie Chaplin, on le vit aussi faire une dernière virée sur les plateaux de télévision français. On retrouve sa vie dans une autobiographie intitulée La vie à belles dents. Éternellement jeune.
chris
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