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David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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LA FOI ET L'INTEGRITE
Michael Mann est à l'image d'un grand vin français ; il se bonifie avec le temps. Né en 1943 à Chicago, c'est seulement au cours de la dernière décennie qu'il se voit consacrer comme l'un des réalisateurs américains de référence. A la fois maniéristes et (déjà) classiques, ces films, portés par des scénarios en béton, s'apparentent à autant d'actes politiques au service d'une vision humaniste.
Après des études partagées entre l'Université du Wisconsin et la London International Film School, Michael Mann débute en 1965 comme réalisateur de films publicitaires et surtout de documentaires (Insurrection, Janpuri, 17 Days Down the Line). Dans les années 70-80, il entame une carrière de scénariste sur des séries TV comme "Starsky et Hutch" ou "Police Story", puis devient producteur exécutif avec "Deux flics à Miami ", où il y forge le look MTV. Il rperendra d'ailleurs ses couleurs flashy et ses costards italiens dans Collateral.
Parallèlement, il tourne ses premiers films. Solitaire (1981, polar), Forteresse Noire, (1983, film d'horreur) Le sixième sens (1986, thriller psychologique) révèlent avant tout ses vrais talents de scénariste dans des genres très différents mais dans lesquels apparaissent déjà ses thèmes de prédilection : la puissance de la volonté de l'individu face à l'adversité du bien et du mal. Le succès est modeste, mais chacune de ses oeuvres parvient à accéder à un statut de film culte. En attendant les hits et les stars.
Le vrai tournant s'effectue en 1992, avec la réalisation du film Le Dernier des Mohicans ou il affirme la thématique centrale à tous ses films : la prise de conscience face à l'adversité (cf Jamie Foxx dans Collateral ou Russell Crowe dans Révélations). Dès lors, son cinéma n'aura de cesse de marier l'action à la réflexion en générant des situations cornéliennes où chaque personnage se retrouve confronter à faire des choix et à en assumer pleinement les conséquences.
Dans Heat (1995), c'est le face à face Robert De Niro/Al Pacino qui est à l'oeuvre : deux lignes de conduite (l'un flic, l'autre gangster), deux vies (dissolues), deux hommes aux principes aussi inébranlables qu'incompatibles, deux trajectoires qui vont se chasser-croiser jusqu'à l'affrontement final, inéluctable.
L'efficacité des scènes d'action les plus spectaculaires s'allie à la subtilité des scènes intimes en ménageant le suspens et la tension par le vide. La scène de discussion au café entre les deux acteurs/personnages et la séquence de mitraillage en plein centre ville sont des morceaux d'anthologie. Avec Révélations (1999), le cinéaste passe à la vitesse supérieure. Cette histoire d'un scientifique (Russell Crowe) et d'un journaliste de CBS (Al Pacino) menant un combat judiciaire face aux plus grandes compagnies du tabac pour faire éclater la vérité sur la dépendance à la nicotine, confirmera le scénariste et le réalisateur engagé. Basée sur une histoire vraie, le message du film est d'une portée sociale et politique suffisamment rare dans le cinéma américain actuel pour être notée. Dans le même genre, on aura Traffic de Steven Soderbergh deux ans après. Du tabac on est passé à la dope pure et dure.
Avec Ali, certainement son meilleur film, Michael Mann prouve une fois de plus qu'il est le cinéaste de la pensée en action. A partir de la vie du boxeur Mohammed Ali, il revisite tout un pan de l'histoire de l'Amérique, celle des luttes politiques et sociales des années 60. Dans ce contexte, il filme la volonté, le doute, les croyances et les contradictions qui animent un homme qui, par ses prises de positions, s'est confronté au conservatisme d'une société. C'est dans l'adversité que Michael Mann vient sonder les profondeurs de l'âme humaine. Il est aidé en cela par une direction d'acteurs subtile, toute en nuances, qui vise à rendre toute la tension intérieure du personnage dans son combat solitaire. Au son, il associe volontiers les sons du quotidien avec la musique électronique. Lisa Gerrard et Pieter Bourke, ex du groupe Dead Can Dance, ont composé les parties instrumentales de ces trois derniers films.
En tant que metteur en scène, Michael Mann vient de l'école du documentaire. D'où son affection particulière pour le "tournage guérilla" ! : scénarios tirés de faits réels et de personnages réels, tourner sur les lieux des faits, utiliser tous les "accidents" de tournage pour les intégrer au film, etc... Cela se traduit à l'image par le maniement de la caméra portée et l'utilisation de longues focales. Son sens aigu de la composition et du cadrage est vite reconnaissable. Son image récurrente est celle d'un gros plan de visage (de face) ou de nuque (de dos), décadré, et qui laisse une grande partie du champ vide, jouant ainsi avec l'action dans la profondeur de champ. En faisant ainsi cohabiter par le vide et le flou, deux niveaux de lecture dans la profondeur du plan, il instaure une interaction directe entre l'environnement et le personnage mettant en lumière les transformations qu'opère l'un sur l'autre.
Même si on peut lui reprocher parfois un point de vue un brin moralisateur, la sincérité du propos l'emporte. Ethique et libertaire à l'heure où d'autres cinéastes de sa génération sont devenus libéraux, Michael Mann continue de s'affirmer de film en film grâce à une indépendance d'esprit salvatrice. Car, paradoxalement, malgré ses stars, il a fallu attendre Collateral pour qu'il trouve son public et une partie de sa reconnaissance critique. Du coup, le voilà boulimique, prêt à enchaîner les projets...
clc
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