David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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PAR DELA LES NUAGES…

Le livre Bye Bye Bahia



A 94 ans, Michelangelo Antonioni s’éteint en même temps que son cadet de 5 ans, Ingmar Bergman. Ironie du sort ou coïncidence sublime ? Gilles Jacob, Président du festival de Cannes, venait de souligner, en parlant du cinéaste suédois : « Personne, sauf Antonioni, n'a sondé aussi profondément, aussi magnifiquement, le mystère féminin. » Leur filmographie, l’une pâle et nordique, l’autre sanguine et latine, se croisait dans les aliénations sentimentales, les angoisses de leur monde d’après-guerre (eux qui avaient vécu leur enfance avant les déchirures de l’Europe). Ils étaient dotés de la même audace cinématographique : Bergman en repoussant perpétuellement les frontières invisibles de l’image et de leurs sens, Antonioni en décalant à chaque fois sa caméra de l’axe « normal » pour en faire un cadre insolite. Gilles Jacob a donc du rendre un deuxième hommage, à quelques heures d’intervalle, saluant «l’alchimiste de l’intime, l’arpenteur du cinéma contemporain et l’aquarelliste du cœur. »

Des cris pour L'avventura
Assistant de Marcel Carné, www.taywatches.com scénariste de Rossellini et Fellini, il débute entre la fin de l’âge d’or français et l’aube du néoréalisme italien. Il réalise des courts métrages, des documentaires, des segments de films… Toute sa première partie de filmographie, celle des années 50, reste confidentielle à l’extérieur de l’Italie. Il obtiendra de nombreux prix, et notamment un Lion d’argent à Venise. Locarno le couronnera en 1957 avec son Cri. Léopard d’or qui lui permet de sortir de ses frontières. Lorsque L’Avventura est projeté à Cannes en 1960 (Prix du jury), le scandale éclate. Ce film, qui lui a été inspiré par une promenade en bateau, se tourne difficilement. Trois semaines de production qui deviennent deux mois de problèmes matériels, de conditions climatiques trop bonnes (il voulait du mauvais temps, de soucis budgétaires pour cause de dépassement. Pire, le film est accueilli au Festival par des huées, incompris. Les critiques et d’autres cinéastes vont alors défendre ce film résolument moderne. L’Avventura c’est la solitude à son paroxysme cinétique. Un récit déstructuré, bien avant les Egoyan et Kar-wai, des personnages qui regardent dans le vide, qui se confrontent au vertige déséquilibrant de leur existence, en quête d’un absolu inaccessible, introuvable.

La notte juste
Il impose alors son style. Sa quadrilogie (avec L’éclipse, La nuit, Le désert rouge), mélange l’abstrait et la littérature, le romanesque et l’innovation. Il puisera vainement dans son égérie, et sa compagne, Monica Vitti les questions qui interrogeront tous ses films, jusqu’au dernier (baroque) segment d’Eros : la beauté et la féminité, l’insondable énigme de l’alter ego, de cet autre sexe. Dans La notte (1961), Mastroianni et Moreau rejoindront Vitti dans cet éloge du compromis. Le couple se désuni tandis que le désir s’éveille ailleurs. Histoire d’une fracture dans une ultramoderne solitude, dans un espace temps défini et oppressant, une ville et une nuit.

Blow job
En 1966, il explose tous les codes et réalise Blow Up à Londres. Il obtient la Palme d’or l’année suivante. Le film reste culte, sans doute parce qu’il aborde un sujet très actuel. Adapté (librement) du roman argentin "Les fils de la vierge" (de Julio Cortazar), le film révèle l’écart entre illusion et réalité, perception et réel. Il s’agit d’une longue interrogation sur ce que l’on voit et sur ce qui est. De là émerge une filmographie cohérente où l’incommunicabilité résout jamais le mal être de ses personnages et ne leur permet pas de construire une relation amoureuse harmonieuse et durable. Le désert en est le plus beau symbole esthétique. Il l’utilisera souvent, y compris dans sa période américaine en filmant la Vallée de la mort dansZabriskie Point (avec une trame sonore mythique comprenant des morceaux de Pink Floyd et du Grateful Dead). Cinéaste sans frontières, il voyagera souvent filmant la Chine (Chung Kuo) et l’Amérique (Profession : reporter avec Jack Nicholson), l’Inde (Kumbha Mela) et la France (Par delà les nuages, avec Fanny Ardant, John Malkovich et Sophie Marceau). Son cinéma est toujours aussi complexe, virant, sur la fin, à une forme de caricature : auteur de l’incommunicabilité il écrit des films incompréhensibles.

Crépuscule d'un Dieu
Cependant avant son accident cérébral en 1985, qui l’empêche de parler et le paralyse partiellement, il aborde de manière plus approfondie une de ses obsessions : les problème d’identité. Identification d’une femme sonnera comme un requiem. Dernier film où il était valide, il y rencontre sa nouvelle épouse, Enrica Fico. Mise en abyme de lui-même, il y cherche LA femme, c'est-à-dire un personnage. Mix de fiction et de réalité, confusion des genres, Antonioni n’en finit plus de rendre irréel le réel et de nous faire croire que tout est virtuel. Variations raffinées où le désir et la rupture se côtoient comme pour mieux se construire soi, tandis que le film reste déconstruit.
Toutes ces chroniques d’un amour sont nées dans la tête d’un étudiant en économie, critique de cinéma, résistant au fascisme ; elles en font le précurseur d’un cinéma introspectif et sensoriel, où la fragilité flirte avec l’instabilité des humains. Dans ce registre vont se complaire de nombreux cinéastes adulés aujourd’hui parmi lesquels Wenders ou Soderbergh dans ses œuvres expérimentales. Le premier coréalisera et l’assistera sur le tournage de Par de là les nuages. Le second fera l’un des segments d’Eros.

Respecté des critiques et des cinéphiles, le grand public n’a jamais su comment « lire » cette œuvre, intense mais lente, subtile mais radicale. Peintre du cinéma, il avait passé ses dernières années à faire des collages et des mobiles. Il appréciait les ellipses. Mais c’est le hors-champ qui en a fait un virtuose du cinéma. Définitivement au-delà des images, son confrère et ami Théo Angelopoulos espère que Michelangelo Antonioni a « atteint la plénitude. »

vincy


 
 
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