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David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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THE ONLY RIDER
Personnalité d’Hollywood au parcours ponctué de fulgurances visuelles, de cures de désintoxication et de rôles mémorables, Dennis Hopper est un écorché vif, un ange blond aux yeux de braise qui a su depuis cinquante ans terrifier et ensorceler plusieurs générations de spectateurs. Retour sur un parcours non pas tant atypique que furieusement sauvage, où le bonhomme prit chaque fois qu’il le pût le plus grand plaisir à marcher sur les rives sauvages de l’humanité.
Agé d’à peine 20 ans quand il tourna avec son idole James Dean, et ce à deux reprises dans La fureur de vivre puis dans Géant, il affirma dès lors un caractère fort en gueule lorsqu’il entra en conflit avec le réalisateur Henry Hathaway sur le tournage de La fureur des hommes. Puis direction New York pour parfaire son métier, où il joua dans une multitude de séries télévisées, telles que "Bonanza", "The defenders" ou bien encore "La quatrième dimension". Malgré plusieurs autres rôles, ce ne fut qu’à partir du mythique Easy Rider en 1969 en tant qu’acteur et réalisateur qu’il fut reconnu par le tout Hollywood. Maître étalon du film flower power, Easy Rider éprouva la capacité d’Hopper à mettre en image une rage intérieure et un désir de liberté.
Malheureusement cet hymne à l’indépendance déboucha sur l’échec de sa deuxième réalisation, The last movie, et sur de longues années teintées d’alcool et de drogues. Malgré cela, il continua de tourner dans des films aussi prestigieux que L’ami américain de Wim Wenders, Apocalypse now et Rusty James de Francis Ford Coppola, The Osterman Weekend de Sam Peckinpah.
Remontant doucement la pente, et après quelques cures de désintoxication, sa carrière redémarra véritablement lorsqu’il interpréta le sadique et fétichiste Franck Booth dans Blue Velvet de David Lynch en 1986. Ce sera d’ailleurs la même année qu’il interprétera un autre rôle savamment déjanté dans Massacre à la tronçonneuse 2 de Tobe Hooper, où il fait merveille dans la peau d’un flic aussi taré que les cannibales du film.
A partir de cette date Dennis Hopper fut étiqueté « bon pour interpréter des psychotiques, des jaloux, des bad guys à la mine patibulaire, des mégalos déviants et autres personnages borderlines en puissance ». Et au choix d’exploser l’écran de toute sa folie ou de cabotiner jusqu’au risible. Dans cette dernière catégorie nous retiendrons ses prestations dans Super Mario Bros. ou Waterworld, grands moments de comique involontaire où grimé respectivement en reptile et en pirate post-Mad max son sur-jeu correspondait malgré tout à l’esprit de ces deux naufrages artistiques et commerciaux.
Autre cabotinage entrant plus facilement dans le moule d’une production mainstream, son rôle de psychopathe revanchard face à Keanu Reaves dans Speed, gros succès public et unique bon film de Jan de Bont.
En revanche son visage taillé à coups de serpe crèvera l’écran dans des drames intimistes au romantisme noir et à la violence sèche. Ainsi dans The Indian Runner, premier film bouleversant de Sean Penn, ou dans Red Rock West de John Dahl, où il campe magnifiquement un mari jaloux et obsessionnel, sa stature pétrie d’humanité blessée lui permet d’attendrir et d’effrayer tout à la fois.
Jamais meilleur que lorsqu’il endosse des personnalités à fleur de peau, il touchera là probablement ses plus beaux rôles, en plus du superbe caméo qu’il donne dans True Romance, festival de physionomies singulières et poésie sanguinolente signée Tony Scott.
Reconnu, respecté, mais n’ayant pas la gueule des premiers de la classe, il continue sa carrière de seconds couteaux mémorables dans les grosses productions et les premiers rôles dans des petits films destinés aux sorties DVD. Jouant souvent pour la télévision, il offre aussi sa trogne à des films d’auteurs avec juste ce qu’il faut de douce folie. Ainsi il tournera avec des réalisateurs indépendants comme Julian Schnabel, Stuart Gordon ou bien encore le tout aussi dérangé que lui Abel Ferrara. Et si The Blackout est un semi échec artistique, sa fusion à l’écran avec les créatures Béatrice Dalle, Claudia Schiffer, et Matthew Modine est suffisamment explosive pour que l’on s’y attarde. Dernier rôle mémorable en date, le mégalo et inhumain bad guy dans le film de Georges Romero, Le territoire des morts, où l’on perçoit sa jubilation à tourner avec le maître des morts-vivants dans une série B fleurant bon les eighties. Il faudra maintenant patienter en attendant de le voir dans le dernier Wim Wenders présenté à Cannes, The Palermo Shooting, où il joue aux côtés de Milla Jovovitch, Lou Reed et Patti Smith. Entre icônes glamour et underground, tout ce petit monde devrait bien s’entendre…
Enfin sa carrière ne saurait être complète sans énoncer celle de réalisateur qui, en dehors de Easy Rider, compte deux œuvres indispensables pour leur rage introspective et leurs vertiges passionnels propres au bonhomme, Colors et Hot Spot. Filmant le quotidien de policiers au milieu de gangs de Los Angeles, il signe avec Colors un constat âpre de la violence au quotidien, et met en lumière un racisme suintant derrière chaque parole et chaque geste. Robert Duvall et Sean Penn sont d’ailleurs remarquables en salauds se cachant derrière le sceau de la loi. L’humanité à double tranchant, jouant avec sa part d’ombre, en cela il se rapprocherait de Paul Verhoeven, est encore plus présente dans son chef d’œuvre méconnu Hot Spot. Hopper y filme un Don Jonhson plus beau gosse que jamais coincé dans un bled pourri entre une adolescente (la jeune Jennifer Connelly) et une femme fatale (Virginia Madsen, incendiaire !). L’ambiance est étouffante, les personnages sont immoraux au possible, et le film ne fait aucune concession quant à la bonté de l’humanité. Tout a un prix semble vouloir dire Hopper, surtout l’homme, perdu au milieu de nulle part. D’une maîtrise formelle implacable, avec une photographie nimbée de soleil aveuglant (Hopper est un photographe réputé), il signe là une pépite noire, à l’érotisme rarement égalée, si ce n’est dans le Basic Instinct de ce cher Verhoeven. Malencontreusement passé inaperçu, Hot Spot n’en reste pas moins un fleuron du film vénéneux et sa réalisation la plus aboutie.
Dennis Hopper : un franc-tireur, un réalisateur entier sans fard ni artifices, un acteur aimant se balader sur la corde raide. Une corde si tendue que parfois l’homme peut même retourner sa veste. Car s’il réalisa Easy Rider il y a presque quarante ans, le même homme est devenu aujourd’hui républicain. Les temps changent, mais l’acteur reste. De toute façon les légendes ne sont jamais complètement dorées…
Denis
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