David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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L'ENGAGEMENT FAIT LE CINEASTE

Le livre Bye Bye Bahia



«- Je ne connais pas un réalisateur qui ose s'attaquer aux problèmes contemporains. Pourtant, vous avez la matière.»

On pourrait dire d'Oliver Stone qu'il est mono maniaque. En vingt cinq ans de carrière, le réalisateur des Doors n'a cessé de pointer du doigt les dysfonctionnements politiques, économiques et traumatiques d'une Amérique à l'arrogance froide. Terreau fertile pour un cinéaste contestataire, ce colosse aux pieds d'argile aura été le laboratoire des maux d'un homme de conviction peu enclin à fuir ses responsabilités. S'il voue une vraie passion pour son pays, il n'est pas le dernier à en dénoncer les abus, les manquements, les complots, les trahisons, les mensonges et autres secrets d'état. Mieux que cela, il propose une lecture personnelle des sujets abordés en utilisant le cinéma comme un vecteur d'information essentiel à ses yeux.
Acte autant cathartique que civique, sa démarche s'inscrit au-delà du consensus mou des grandes firmes hollywoodiennes conscientes, néanmoins, de produire un cinéaste capable de proposer du débat (JFK) et de susciter des polémiques (Tueurs nés) tout en surfant sur la vague d'un cinéma protestataire du film de divertissement. Ce paradoxe est l'origine même du cinéma « Stonien », à savoir virulent, idéologiquement marqué, un brin pamphlétaire mais dominé, toujours, par une esthétisation du cadre, une vulgarisation habile du propos et une caution de têtes d'affiche reconnues ou tout simplement « bankables » (Michael Douglas, Tom Cruise, Val Kilmer, Tommy Lee Jones, Al Pacino, Nioclas Cage...).

Un désir d'image brutal au Vietnam
Né à New York en 1946 d'un père américain et d'une mère française, Oliver Stone profite de cette double culture pour voyager en Europe - nombreux séjours en France - et se rendre compte très jeune de la diversité du monde qui l'entoure. Cette ouverture affirmera sa liberté de ton, aiguisera son sens critique et consolidera, comme c'est souvent le cas, un amour au pays d'origine. Malgré son entrée à la prestigieuse université de Yale, il abandonne rapidement une carrière toute tracée dans la finance, ne suit donc pas les traces de son père et s'engage au Viêt Nam le 14 septembre 1967 dans la 25e division d'infanterie. L'expérience est traumatisante, l'impact sur son désir d'image brutal.
Indissociable comme indélébile de sa mémoire, le conflit brise sa jeunesse d'homme à l'instar de toute une génération sacrifiée. L'image renvoyée par une Amérique incapable d'assumer ses échecs creuse des blessures de guerre encore ouvertes mais sonne le cri de l'indignation et de la révolte. Son engagement politique prend ainsi forme sur la base de réalités avérées et personnellement vécues dont il veut faire l'écho. Ce besoin viscéral de dire, de rendre compte ou tout simplement d'exprimer sa vérité naîtra sur le terrain brûlant des affrontements. Il y apprend au jour le jour par la photographie le sens des images, l'art du cadre, du décrochement, du risque, de l'excès, du symbolique. C'est l'école de la rue dans les rizières en quelque sorte !
Dès son retour en 1971 (il fut décoré de la Purple Heart et de la Bronze Star), Oliver Stone reprend le chemin des études et s'inscrit à l'Université de New York dans la section cinéma. Martin Scorsese, qui sera l'un de ses professeurs, lui conseille de travailler l'intime dans l'expérience d'un Viêt Nam arpenté par l'ancien soldat qu'il fut. En réalisant The Last Year in Viêt Nam, film de fin d'année validant son diplôme, il suit les avis de son glorieux aîné et affiche sans tarder ce qui sera sa signature cinématographique pour les prochaines années. Diplôme en poche, Oliver Stone tâtonne, trouve quelques menus boulots et entre à la télévision.

Scénariste de films âpres et violents
Ecole difficile mais formatrice, Stone s'exerce quelque temps à la réalisation de films publicitaires, emmagasine de l'expérience et fini par se faire remarquer. En parallèle à cette activité plus lucrative qu'artistique, le jeune publicitaire se met à l'écriture scénaristique vers la fin des années 70. Son talent de conteur lui ouvre les portes des grands studios et son nom circule de main en main. Il collabore notamment pour Midnight Express (Parker, 78), Conan le barbare (Milius, 82), Scarface (De Palma, 83), L'Année du dragon (Cimino, 86) et 8 millions de façons de mourir (Hal Ashby, 86). Chaque histoire démontre la capacité d'Oliver Stone à s'approprier un genre en le travaillant de l'intérieur. Des geôles turques dans Midnight Express au quartier de Chinatown dans L'Année du dragon, nous ressentons un attachement au concret, l'environnement décrit se devant d'être véridique pour qu'il soit immersif et donc captivant pour le spectateur. Après deux films de série B sans grands intérêts (La Reine du mal en 74 et La Main du cauchemar en 81), Stone décroche la reconnaissance publique et critique en seulement deux films sortis la même année (Salvador et Platoon, 1986).
Abrupte car sans concession, le réalisateur en herbe sonne l'heure du règlement de compte vis-à-vis d'une Amérique des couloirs aussi interventionniste (Salvador) qu'elle est responsable de la banqueroute militaire au Viêt Nam (Platoon). Sans surprise, les sujets traitent de la guerre - civile ou d'états - dans un ancrage au terrain viscéral qui fait ressortir l'échec total d'une politique étrangère basée sur des rapports de force et des équilibres de pouvoir. Platoon va plus loin en dessinant les contours d'une nation guerrière empêtrée jusqu'au coup dans un conflit où les notions du bien et du mal n'ont plus aucun sens pour des jeunes américains sans repères ayant perdu foi en leur patrie.
Car au-delà de la référence autobiographique du personnage principal, Oliver Stone livre sa vérité d'une guerre idéologisée dont l'écho sacrificiel peine à remonter jusqu'au sommet d'un Etat omnipotent. Le choix du style - puissance évocatrice des images, sens du cadre et de la dramatisation, montage cut et performatif -, ou bien l'utilisation d'une symbolique de la faute, du mensonge voir même de la morale imprègneront pour longtemps une oeuvre résolument contemporaine de son époque. 4 oscars, dont celui du meilleur réalisateur, viendront saluer le film au succès planétaire. Stone n'en reste pas là et réalisera deux autres longs métrages en lien direct avec le conflit de ce qui deviendra pour tous sa trilogie vietnamienne.
Chronologiques, les films abordent différentes thématiques dont celle du retour au pays pour ces soldats partis en héros et revenus en paria (Né un 4 juillet, 1989) et du langage dans l'incompréhension des peuples à communiquer (avec le très beau Entre ciel et terre, 1994). Les horreurs de la guerre comme facteur de déshumanisation sert de point de départ indispensable pour s'attaquer au traitement des vétérans du Viêt Nam, sujet symptomatique d'une sociologie déstructurée. L'inconcevable pardon des soldats eux-mêmes suffit à dessiner un univers où le politique, toujours présent, est assujetti à la valeur première des images produites par le cinéaste. Le fond s'adoube sur une forme parfois violente et dure, mais accessible au plus grand nombre.

Une Amérique dans tous ses états (dépressifs)
L'exorcisme d'une Amérique accablée par le pêché d'impérialisme ne s'arrête pas aux portes du Viêt Nam et intéresse le père Stone par ses dimensions économiques, politiques et médiatiques. Wall Street (87), Talk Radio (88) et JFK (91) peuvent, dans une certaine mesure, constituer une trilogie cohérente de dénonciation d'un système corrompu à tous les étages. En focalisant sa caméra sur ceux qui font tourner le monde - financiers, médias, politiques - Stone interpelle ses contemporains sur des réalités aujourd'hui acquises et copieusement abordées.
Comparé à Robert Altman ou Samuel Fuller pour son esprit libre, ses prises de position et sa démarche contestataire de studio, le réalisateur construit méthodiquement une filmographie contre les puissants en filmant par immersion. En effet, il ne traite pour ainsi dire jamais des conséquences sociales d'une économie libérale sur la population américaine de moins en moins bien soignée ou logée. Non, il préfère singer les yuppies de Wall Street, ces demi-dieux arrogants, chez eux, afin de montrer la fragilité d'un système qu'on vante depuis tant d'années comme le plus performant. La crise financière actuelle ressemble à un écho sinistre du Wall Street flamboyant des années 80, celui du fric vulgaire et de l'apogée du self-made man. Poussant un peu plus loin sa recherche de vérité d'une période trouble, Oliver Stone n'hésite pas, au travers de son film le plus brillant, à mettre directement en cause la CIA dans l'assassinat du président Kennedy. JFK synthétise l'art de la narration digressive comme le seul procédé capable de mettre en avant une théorie différente qui tient la route. Cette approche est le propre du cinéma « stonien » et nous offre à coup sûr une plongée vers du factuel, de l'enquête, de l'historicité. Les idées du réalisateur ne varient pas et l'Etat est mis en cause tout comme ses services.
L'Amérique selon Stone ne peut y couper car elle représente, sans contestation possible, une caisse de résonance formidable par delà son propre territoire. Si le cinéaste tombe parfois dans le piège de la surdémonstration ou de la grandiloquence forcée, ses films sont des « pièces à conviction » d'une époque contemporaine en train de s'écrire devant nous.

Une vision de l'enfer
Cette dimension, fondamentale pour le cinéaste, se retrouve également au côté d'oeuvres en apparence plus légères et que certains appellent volontiers de commande. S'il n'en est rien c'est parce qu'Oliver Stone implique les travers d'une Amérique de la démesure dans la fureur d'une caméra immersive et tonitruante. De ce fait, il n'a pas besoin d'utiliser des thématiques prétextes, support facile et souvent bidon au bon déroulement de l'histoire.
Justement, cette histoire à peine fantasmée se mue en un état des lieux plus ou moins subtil, informatif voir intéressant qui s'attache à définir en tant que tel un environnement précis.
Celui-ci peut être nostalgique (The Doors, 91), médiatique (Tueurs nés, 94), de l'Amérique profonde (U-Turn, Ici commence l'enfer, 97) ou bien encore sportif (L'Enfer du dimanche, 99). Fidèle à sa façon d'opérer, Stone égratigne des pans entiers d'une société bouffée de plus en plus par la réussite personnelle, le culte de l'image, la constance de valeurs conservatrices et identitaires fortes, l'appât du gain. Dans ce registre, The Doors symbolise une époque charnière, celle du rock et de la guerre du Viêt Nam. Nostalgique, le biopic du groupe légendaire est une oeuvre d'intermède rythmée et onirique des futurs films du cinéaste (JFK, Entre ciel et terre, Tueurs nés, Nixon). Tueurs nés sera bien différent. Passage d'un monde instantané et consommable, il est ce lien sanglant entre les films de sa trilogie vietnamienne et son U-Turn.
L'Amérique est devenue complice de sa propre décadence lorsqu'elle autorise la retransmission en direct d'une cavale meurtrière d'un jeune couple "iconisé" par des millions de téléspectateurs. Visionnaire d'une télévision racoleuse et vulgaire - les reality shows - Tueurs nés imbrique violence de l'acte à celle de l'image montée, esthétisée, d'audimat. La mise en forme est audacieuse et enchaîne des plans hallucinants au rythme de dingue, les mouvements de caméra reflétant par mimétisme cette même violence.
Contrairement aux détracteurs de l'époque, le film ne glorifie en rien la violence mais en dénonce, comme toujours chez Stone, les méfaits par l'exemple. L'humain ne serait que le bras armé, qu'il en soit conscient ou pas, d'un système d'exclusion favorisant la marginalité, le tout au bon vouloir des mass média toujours à la limite de la posture propagandiste. U-Turn, ici commence l'enfer et l'enfer du dimanche sont à ce jour les films les plus fictionnels d'Oliver Stone si l'on met de côté Alexandre (2004). Le premier réussi et jouissif représente, dans sa critique de ploucs sales d'une petite ville de province à la moiteur coupable, le contre-pied parfait d'un univers sportif bourré de fric, de paillettes et de fureur médiatique. Soit le visage d'une Amérique à deux facettes coupables selon Oliver et impardonnables selon Stone. Pourtant les deux films finissent par se rejoindre quant la médiocrité de Bobby Cooper (Sean Penn dans U-Turn) ne sera pas plus récompensé que le sacrifice bien illusoire de Jack « Cap » Rooney (Denis Quaid dans L'enfer du dimanche). Point de moral, juste un énième état des lieux.

Portraits d'un empire en déliquescence
De cet état des lieux d'une Amérique aimée mais pourtant si décriée, nous ne pouvons passer sous silence la dimension politique chère à Oliver Stone. Abordée principalement sous la forme du biopic (Nixon, 95) et récemment W. l'improbable président, 2008), elle s'est illustrée par la fresque historique - Alexandre n'est-il pas une métaphore limpide à l'impérialisme conquérant d'une nation toute puissante ? - et le témoignage patriotique (World Trade Center, 2006).
Nixon, film haletant de trois heures, est un biopic cérébral construit comme un puzzle. Jamais facile mais super détaillé, Oliver Stone avance pas à pas pour nous décrire la psychologie du président de la « vietnamination » et du Watergate. Aussi surprenant soit-il, le cinéaste nuance son propos, rend le 37e président terriblement humain dans ses convictions tranchées et ne peut se résoudre à l'instar de son dernier film, W. L'improbable président, à l'accabler plus que de raison. De sa politique étrangère à la procédure d'Impeachment, Nixon symbolise la fin d'une ère et le début du monde multipolaire d'aujourd'hui. Après quatre ans de silence (1999-2003) Oliver Stone nous revient en présentant la même année deux documentaires sur Yasser Arafat (Personna non gratta, 2003) et Fidel Castro (Comandante, 2003). La colère des anti-castristes ne comprenant pas l'admiration du réalisateur envers Fidel Castro conduira celui-ci à proposer une version plus nuancée mais qui ne sortira jamais en salles suite aux diverses pressions politiques dont il fit l'objet. Ce silence filmique n'était pas sans arrière-pensée. Il lui permit de construire son projet le plus ambitieux et surtout désiré depuis des années : Alexandre.
Grande fresque épique de 155 millions de dollars consacrée au conquérant macédonien, le film est un mixte étrange d'"opératique" (scènes de bataille très bien rendues) et de drame personnel. Peut être dépassé par son enjeu - une première pour Stone - Alexandre ne trouve jamais son équilibre et devient un peu bâtard, à la fois trop visuel, trop pompeux et trop métaphorique. L'échec public est cuisant, la blessure douloureuse. Cette déception n'est sans doute pas étrangère au film suivant que Stone réalise peu de temps après comme pour oublier sa frustration. De retour sur le territoire américain, World Trade Center est un film patriotique au sens primaire du terme. En revenant sur les attentats du 11 septembre, Stone rend hommage à son pays et aux pompiers morts ensevelis. Le patriotisme sincère ne suffit pas à sauver le film de la mièvrerie et de la démagogie grossière. En concentrant son histoire autour de ces pompiers, le cinéaste évite tout point de vue politique mais intègre par anticipation son prochain film.

Bilan amer
En effet, W. l'improbable président sortit en 2008, marque là encore un contrepoint au drame vécu par l'Amérique du 11 septembre. Continuation et non rupture, le traitement réservé au 43e président des Etats-Unis surprend à plus d'un titre. Loin du pamphlet auquel on aurait pu s'attendre, W. accable presque moins son président que le système démocratique qui l'a mis en place.
Bilan amer d'un engagement cinématographique vain, Oliver Stone se demande à quoi bon revendiquer, critiquer, contester ou montrer du doigt. Pourtant il continue, à sa manière, de nous parler de son Amérique, pays aux mille contradictions, de la démesure, des libertés comme de l'impérialisme, des pressions comme de la réussite, de Bush fils et peut être du futur président Barack Obama.

Preuve qu'il n'a pas encore fini avec ses blessures, le réalisateur de 62 ans prépare un film sur le massacre du village de My Lai au VietNam en 1968 par l'armée américaine avec pour tête d'affiche, Bruce Willis. Comme quoi on ne se refait pas.

geoffroy


 
 
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