David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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TO LAUGH OR NOT TO LAUGH





"There are a thousand ways to point a camera, but really only one. "

Ernst Lubitsch est resté dans l’Histoire du cinéma grâce à ses comédies savoureuses bien particulières, grâce à ses films "sentimentalistes" et décalés, ravageurs par l’humour, mais soigné dans le style. Il a offert au cinéma son nom avec l'expression la « Lubitsch’s touch ». Ils sont nombreux les grands réalisateurs à avoir imprimé leur patte à un genre bien particulier : John Ford pour le western, Hitchcock pour les films à suspense, Vincente Minnelli pour les comédies musicales ; mais seul Lubitsch possède une appellation célèbre qui récompense son travail tout entier.

Et pourtant, le cinéaste né à Berlin en 1892 en a parcouru du chemin avant de parvenir au sommet de sa gloire avec son film le plus connu (et peut-être son meilleur), To be or not to be (ridiculement traduit par Jeux dangereux en français), réalisé en 1942.
En effet, Ernst Lubitsch a tout d’abord débuté au théâtre, faisant ses classes en 1906 avec un certain Emil Jannings (véritable dinosaure du cinéma muet allemand que l’on peut aussi bien admirer dans Le dernier des hommes de Murnau que dans L’ange bleu de Sternberg). Il entame une carrière de comédiens grâce à l’un de ses professeurs et c’est lors d’une tournée à Londres qu’il fait une brève rencontre avec le cinéma puisque le spectacle auquel il participe est filmé.

Dès 1913, il délaisse alors les planches pour être acteur de cinéma. Il tourne principalement dans des comédies légères dont il va très rapidement devenir le réalisateur, puis également le scénariste.

Il met en scène des films à une seule bobine (des films de 10 minutes donc) et continue malgré tout de jouer sur les planches jusqu’en 1918 dans des revues principalement. Le succès est au rendez-vous, et on lui offre l’opportunité d’élargir ses compétences et de s’attaquer à des films « sérieux ». Cinq « superproductions historiques » lui sont alors proposées parmi lesquelles Carmen et Madame Dubarry, qui est le premier film allemand d’après-guerre à être diffusé à New-York, ce qui lui vaut outre-Atlantique le surnom de « Griffith de l’Europe ». Ernst Lubitsch est désormais courtisé par Hollywood , notamment par Mary Pickford et la United Artists. Sa carrière européenne s’achève bientôt et comme tant d’autres grands noms du cinéma européen (Renoir, Murnau ou Lang par exemple), il s’envole vers la terre promise au tout début des années 20.

Mais, comme tous ses confrères européens, ses débuts sont difficiles. Il doit s’adapter à un nouveau système et il peine à mettre en place des projets comme le Faust qu’il devait revisiter avec Mary Pickford, un film qui ne verra jamais le jour. Il réalise alors ce qu’il sait faire de mieux : des comédies de mœurs tel que L’éventail de Lady Windermere en 1925.

Lubitsch est un réalisateur apprécié et courtisé à Hollywood mais avec l’arrivée du parlant, sa célébrité va s’accroître davantage et il va surtout devenir le maître incontesté et incontestable des adaptations d’opérettes, de ces films légers avec lesquels verra le jour la « Lubitsch’s touch ». Love parade (1929) et La veuve joyeuse (1934), tout deux avec Maurice Chevalier, en sont un parfait exemple. Suivra entre autre La huitième femme de Barbe Bleue en 1938 mais surtout son chef d’œuvre, To be or not to be.

To be or not to be raconte l’histoire d’une troupe de théâtre polonaise qui se produit chaque soir dans la capitale. Ils jouent les grands classiques tel que Hamlet de Shakespeare et pensent bien entendu être d’immenses acteurs. Cependant, lorsque la Pologne est envahie par l’Allemagne nazie et que la vie d’un de leur membre est en danger, c’est toute la troupe qui se mobilise, qui sort fausses barbes et costumes de nazis pour jouer leur pièce la plus importante : duper l’envahisseur pour sauver l’un des leurs.

Une histoire qui peut s’apparenter à un drame et pourtant, il s’agit bien d’une comédie, sophistiquée, travaillée, légère et rythmée. Lubitsch a en effet du créer, et ce depuis un certain temps, un style particulier de comédie pour échapper à la censure. Les allusions sexuelles en temps normal interdites par la censure sont ici déguisées, et pour ne pas heurter le public américain et garantir la sympathie de ce dernier, il place l’intrigue de ses films dans des pays exotiques ou dans des villes européennes, ici à Varsovie. Ainsi, bien qu’il décrit les mœurs et habitudes de ses congénères, le public américain ne se sent pas visé le moins du monde car l’action leur est éloignée géographiquement.

To be or not to be est un chef d’œuvre de raffinement, de malice de la part de Lubitsch qui s’appuie sur le thème du déguisement, du travestissement. C’est le jeu théâtral qui dépasse le cadre de la scène pour se produire dans la vie réelle. Chacun se glisse dans la peau d’un autre jusqu’au moment où la fiction et la réalité se confonde, ou plutôt lorsque la réalité devient plus comique et loufoque qu’une pièce de théâtre.
Mais, et c’est bien là la marque de fabrique du cinéaste, le film n’est pas un simple déferlement de blague, le rythme n’y est pas aussi effréné que dans certaines comédies de Frank Capra ou d’autres avec Katharine Hepburn. Chez Lubitsch, il y a toujours une part plus ou moins importante de romantisme, de vrais sentiments amoureux qui planent sur tout le film ainsi qu’un soupçon de dramaturgie. Il garde donc un certain équilibre dans son film, l’empêchant de basculer dans l’absurde, mais maintenant au contraire cet humour raffiné et léger, mélangé à quelques séquences « sérieuses ». C’est ce qui fait la principale qualité des films de Lubitsch.

To be or not to be possède ce savant mélange et ne perd donc jamais en crédibilité. Jusqu’au bout le spectateur suivra les folles tribulations de cette troupe de théâtre polonaise qui lutte tout de même contre l’oppresseur nazi. Car si Lubitsch parodie les nazis et Hitler, il s’en moque à la façon d’un Chaplin dans Le dictateur mais sans jamais oublier la tragédie qu’on connut les polonais.

La « Lubitsch’s touch », c’est alors cela, savoir contourner la censure, savoir faire rire le public de ses propres travers. C’est jouer finement pour se permettre de dire avec délicatesse ce qui ne tourne pas rond sur notre chère planète. Mais c’est aussi laisser une place au romantisme, aux beaux sentiments.

Ernst Lubitsch est décédé en 1948 d’une crise cardiaque un an après avoir reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Son dernier film, La dame au manteau d’hermine, sera achevé par Otto Preminger.

benjamin


 
 
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