David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



Aure Atika
Edouard Baer
Juliette Binoche
Romane Bohringer
Sami Bouajila
Isabelle Carré
Alain Chabat
Anaïs Demoustier
Emmanuelle Devos
Clint Eastwood
Jesse Eisenberg
Colin Farrell
Harrison Ford
Olivier Gourmet
Hugh Grant
Tchéky Karyo
Vincent Lacoste
Chiara Mastroianni
Matthew McConaughey
Ewan McGregor
Yolande Moreau
Margot Robbie
Mark Ruffalo
Adam Sandler
Omar Sy
Omar Sy
Renee Zellweger
Roschdy Zem



Juliette Binoche
Uma Thurman
Meryl Streep
Russell Crowe
Johnny Depp
Michel Serrault
Cate Blanchett
Emmanuelle Béart
George Clooney
Harrison Ford




 




 (c) Ecran Noir 96 - 24



© Gaumont   







 Coeurs transis ou coeurs brisés, en
 un clic fixez sa cote.
 
Votes : 13Cote : 13 %


 
LA CINÉMACHINE





Il a beau approcher la cinquantaine, il y a dans son allure, son regard et sa manière d’aborder son métier quelque chose d’éternellement adolescent en lui. Michel Gondry ne semble d’ailleurs filmer que cet état éphémère qui précède l’âge adulte, quand tous les rêves sont possibles, quand l’amateurisme est encore la norme et l’exploration une fin en soi. Ce n’est pas un hasard si le cinéaste français, citoyen du monde travaillant ici et ailleurs (renommée internationale acquise dés les années Oui-Oui, son groupe pop rock adulé pour ses clips délirants sur MTV), adapte le roman culte de Boris Vian, L’écume des jours. Outre l’histoire du jeune couple qui se délite sous la pression de la routine, sans doute une phobie pour celui qui semble si idéaliste, le cinéaste partage avec l’écrivain le même goût du bricolage et des néologismes. Gondry aime être l’artisan de machines improbables qui nous envoient dans l’inconscient ou le fantastique (métaphore d’une caméra) et invente son propre langage audiovisuel. Un bidouilleur.

Baigné dans la musique depuis son enfance, élevé à l’école du clip vidéo (on lui doit les véritables créations incroyables que sont les mini-films artistiques de Björk, celle à qui il doit tout, la première qui su rire à son humour) et de la publicité (ce qu’il a le moins aimé), Gondry rêvait pourtant d’être peintre ou savant. Le cinéma n’est-il pas une synthèse de tout cela : entre invention et art. Imaginatif, le réalisateur utilise peu d’effets et préfère créer des outils, parfois à partir de produits préhistoriques dans l’histoire de l’audiovisuel, pour arriver à ses fins. Il y a du Méliès en lui. Mais aussi du tex Avery et du Charlie Chaplin, références qu’il revendique ouvertement.

L’âge du Christ passé, Gondry se lance dans un long métrage. Human nature est présenté d’emblée hors-compétition à Cannes. Il apprivoise le 7e art comme Tim Robbins tente de civiliser l’homme sauvage Puff dans ce film. Cette première collaboration avec le déjanté Charlie Kaufman lui permet de poser les bases de son œuvre. La quête d’identité, les limites de la science, la capacité d’adaptation à des situations souvent absurdes… Surtout, il filme ce scénario comme une fable. Gondry ne juge jamais les comportements parfois bizarroïdes de ses personnages. Il préfère philosopher en divaguant, s’amuser avec un esprit fantaisiste inné et chercher encore et toujours des histoires singulières.

Nevermind

Trois ans plus tard, il réalise son plus grand film : Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Jim Carrey y est transcendé, Kate Winslet magnifique. Gondry sait diriger ses acteurs. : il fallait contenir un Carrey qui croyait faire une comédie gore. Il en a besoin pour qu’ils soient crédibles dans ses délires. Car le monde du Versaillais est un univers en chaos, constamment. Les corps s’entrechoquent, les paroles se percutent, les personnages sont des atomes tantôt aimantés tantôt démagnétisés. Même dans ce film a priori dramatique (le scénariste Charlie Kaufman l’imaginait même austère), il insuffle de l’optimisme, ne se résignant jamais à l’obscurité totale. Ce poème s’ancre dans un environnement inadapté pour les romantiques. Le réalisateur aime les asociaux. En évoquant un amour absolu avec un scénario, oscarisé, qui l’explose façon puzzle, Gondry ne cherche qu’à extraire l’essentiel des petites complications de nos vies : l’humain. Il suggère à chaque fois de se libérer des contraintes, de se débarrasser des carapaces qui nous étouffent. Vivons nus, vivons heureux…

Ce postulat est la marque de fabrique de tous ses films. Mais si jusque là, il s’amusait avant tout avec la narration et avec l’image, dans son troisième film, La science des rêves, en 2006, Gondry fabrique sa première usine à rêves. En tournant pour la première fois en France, avec un casting essentiellement français à l’exception de Gael Garcia Bernal, il écrit aussi son premier scénario, qui a le cul entre deux mondes. Le réel et les songes. Il invente un bric-à-brac visuel et narratif, divague entre mélancolie à la française et schizophrénie plus anglo-saxonne. On le remarque bien : il est plus crédible en filmant l’allégorie qu’en s’intéressant à la réalité. S’il conserve une certaine tendresse, s’il est toujours inspiré par de jolies idées, si son humour permet au film de garder la fraîcheur d’une première œuvre, le réalisateur touche aussi à la limite de son style, superficiel et léger.

Mais après deux premiers films écrits par Kaufman, on remarque que Gondry se dévoile un peu.

Bricolo-Man

En 2007, avec Soyez sympas, rembobinez ! il pousse le concept de film bricolé jusqu’à en faire le sujet de son quatrième long métrage. S’il met beaucoup de lui dans cette comédie déjantée, entre humour grossier, farce potache et hymne au système D, il réalise avant tout un hommage au cinéma, au sens des images, à ce plaisir collectif qui rassemble les gens dans une sorte de belle utopie. Face à la menace numérique, il « nostalgise » avec des cassettes VHS et des vieilles bobines. Rejetant le formatage des studios, il tourne avec des vedettes hollywoodiennes, un film optimiste, artisanal, où l’individualisme et la standardisation sont les empêcheurs de tourner en rond. On pourrait d’ailleurs croire que Gondry ne tourne pas rond. Mais bien au contraire, son œuvre s’affirme de plus en plus cohérente, audacieuse, particulière dans le système actuel. Héritier d’un cinéma muet aujourd’hui oublié, des expérimentalistes comme Chris Marker et Jean-Luc Godard et des cinéastes (nombreux) qui ont cherché à transposé en images notre inconscient , par définition invisible, il imprime sa marque à contre-courant de la norme, construisant ainsi un culte qui peut échapper à ceux qui ne sont pas sensibles à ces fantaisies humanistes.

Mais Gondry veut avant tout être vu par un large public. Il aime le cinéma populaire comme ses héros dans Soyez sympas, rembobinez !. En 2011, il livre son premier « blockbuster » hollywoodien avec Le frelon vert. Pas d’effets spectaculaires, mais une véritable comédie d’action dotée de seconds-rôles irrésistibles. Il privilégie les plans larges à l’ancienne plutôt que de découper les séquences en surmultipliant les angles. Il conserve également une esthétique atemporelle. S’amuse finalement comme un enfant avec ses jouets. Le film rapporte 230 millions de $ dans le monde (pour un budget certes énorme de 120 millions de $). C’est, de loin, son plus gros succès.

En 2012, il revient avec un film presque documentaire, The We and the I. Prolongement de son documentaire Dave Chappelle’s Block Party sur la scène musicale afro-américaine à Brooklyn, il filme des jeunes acteurs non professionnels en temps réel. Portrait d’une jeunesse, sans concession, où l’on retrouve la tonalité humoristique et les situations absurdes qui forgent son style.Il étudie à la loupe un microcosme humain comme un scientifique utiliserait son microscope pour comprendre l’interaction de cellules.

Mon slip

De Boris Vian à Philip K. Dick (Ubik, en cours d’écriture), Gondry cherche constamment à se renouveler, à se régénérer, effrayé par le conformisme et les dogmes. Sans doute est-ce pour cela qu’il aime tant l’adolescence ou les adultes qui n’ont pas grandi…

Toujours à l’affût de nouveautés, il créé ainsi une Usine à films au centre Pompidou (63 000 visiteurs, 4 500 participants, 311 œuvres tournées) ou expose une installation vidéo d’art contemporain. Il apprend sur le tas, en faisant les choses.

Ce rêveur presque pataphysicien, souvent victime de sa mauvaise compréhension des choses, laissant libre cours à son interprétation des quiproquos, pourrait être le dernier surréaliste ou le survivant du conceptualisme. Quand on lui demande ce qu’il faudrait retenir de lui dans 100 ans, il répond « Mon slip ! ». Chiche ? Exposé à côté de l’urinoir, « La fontaine » de Marcel Duchamp.

vincy


 
 
haut