David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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LE DÉMIURGE AMÉRICAIN « Oh mon âme, laisse-moi faire partie de toi. Regarde à travers mes yeux et contemple ton œuvre ». La Ligne rouge, 1998





Terrence Malick est un sacré prestidigitateur. Car il faut beaucoup de dextérité pour nourrir en ces temps frappés d’overdoses communicationnelles le mystère d’une vie. Œuvrant à contre-courant de tout effet médiatique superfétatoire, Replica Watches l’homme s’emmure dans le silence, se réfugie au sein d’une nature insondable et délivre, entre deux disparitions, un cinéma précieux. Cet antagonisme, si singulier d’ailleurs qu’il n’échappe pas à la critique, aura façonné la légende d’un cinéaste hermétique à toute forme de communication, qu’elle soit visuelle, écrite ou sonore.

Le réalisateur américain se moque de la gloire. Il préfère laisser les nombreux commentateurs s’époumoner à déconstruire ou expliquer – c’est selon – une démarche personnelle, donc exclusive, d’un artiste cherchant à percer le mystère de la nature humaine. Toute autre considération serait superflue, voire inappropriée. Cette non-compromission artistique est, en somme, la marque de fabrique d’un démiurge du 7ème art capable d’envouter le public en quelques plans. L’émerveillement est travaillé, certes. Mais il n’est point factice. Ni de circonstance. Encore moins frappé d’un quelconque populisme artistique. Le cinéma de Malick puise ses racines à partir de thématiques universelles – homme/femme, nature/culture, vie/mort, athéisme/foi, ciel/terre –, elles-mêmes indissociables d’une nature nourricière élevée au rang de sujet. Un tel chant du monde est rare dans le cinéma. Inespéré dans l’industrie hollywoodienne actuelle.

Une vie de philosophie, un destin de cinéaste

Né le 30 novembre 1943 à Ottawa dans l’Illinois, Malick passe son enfance, puis son adolescence, entre l’Oklahoma et le Texas. Peu attiré par le métier de son père (géologue d’une grosse compagnie pétrolière, Phillips Petroleum), le jeune Terrence préfère s’imprégner des odeurs de la moisson aux côtés des travailleurs saisonniers. Cette expérience sensorielle si singulière sera retranscrite quelques années plus tard dans son deuxième film, Les Moissons du ciel (1978). Elève brillant, Terrence Malick étudie la philosophie à Harvard avant de s’envoler pour Oxford afin d’y préparer un doctorat portant sur le concept du monde chez Wittgenstein, Heidegger et Kierkegaard. En désaccord avec son directeur de thèse, il claque la porte et retourne aux USA enseigner la philosophie au MIT (Massachusetts Institute of Technology) tout en collaborant régulièrement pour les magazines Life, New-Yorker et Newsweek. Sa carrière semble tracée. Elle sera perturbée par un drame personnel. En 1968, son frère Larry, parti en Espagne suivre l’enseignement du grand guitariste Andrés Segovia, se suicide. La douleur de Malick est immense et le pousse, paraît-il, à s’inscrire un an plus tard à l’American Film Institute où il croisera un certain David Lynch.

1969 est une date charnière. Il traduit Le Principe de raison d’Heidegger et réalise un court-métrage remarqué, Lanton Mills. Philosophie et cinéma sont liés. Comme un tout d’une cohérence fragile où l’un n’aurait de sens sans l’autre. Le désir d’images est là ; l’envie farouche de proposer une vision du monde la plus universelle possible, aussi. Son premier film, Badlands (avec Martin Sheen et Sissy Spacek dans les rôles titres), sort en 1973. Il a 30 ans. Et l’avenir devant lui à en croire l’avis unanime de la critique, le New York Times saluant même « le premier film le plus maîtrisé depuis Citizen Kane ».

Que dire de cette balade sauvage si ce n’est qu’elle regorge déjà des fulgurances poétiques d’un artiste capable de nous parler de son pays par le biais d’une jeunesse rebelle (La Balade sauvage), de ses boys (La Ligne rouge), de son histoire (Le Nouveau Monde), de sa mythologie (Les Moissons du ciel) ou de son rapport à la création (The Tree of life). Le film s’inscrit clairement dans la tradition du road movie, immortalisé en 1967 par Arthur Penn avec Bonnie and Clyde. Si la violence n’est pas occultée, elle se structure par le refus des normes, ancrant sa « légitimité » dans le dérèglement d’un monde aux valeurs vacillantes. Ainsi, l’insouciance crédule de nos deux fuyards modifie le rapport à l’acte qui n’est, de fait, jamais vraiment motivé par la mise en scène du cinéaste. L’immersion s’affiche, au cœur d’une nature spectatrice, sorte de berceau immaculé d’où le mal prendrait sa source.

Des moissons, une disparition

Cinq ans après un tel coup de maître, Malick récidive avec son deuxième long-métrage au titre évocateur : Les Moissons du ciel. Alors qu’il révèle Richard Gere (son meilleur rôle à ce jour ?), le réalisateur américain peaufine les contours d’un cinéma panthéiste où tout est nature, des champs de blé aux hommes qui s’y débattent (l’immensité des champs de blé, filmés pendant « l’heure bleue », donnera au film sa beauté plastique si particulière). Sa caméra, aérienne en diable, ne cesse de contempler cette nature foisonnante de vie où se déroulent les grandes manœuvres des Hommes, entités imparfaites errant sur la terre à la recherche d’une vérité inaccessible. L’inéluctable destin d’un paradis perdu est à l’œuvre. Par l’entremise d’une histoire d’adultère a priori anodine, le cinéaste construit sa narration par fragmentation de point de vue (le fermier, l’amant, l’amante, l’enfant), en référence au chant polyphonique du poète naturaliste américain Walt Whitman (1819-1892). L’utilisation de la voix off (un des signes distinctifs de son cinéma) lui permet de relier les différents personnages afin d’obtenir une cohésion narrative spécifique, loin des canons scénaristiques de l’époque, scellant, par là même, son échec public.

Acclamé une nouvelle fois par la critique, le film, en compétition au festival de Cannes 79, repart de la croisette avec le prix de la mise en scène. Visiblement insuffisant. Ou trop stressant. Sans doute un peu des deux. En tout cas l’effet est radical. Malick disparaît comme tombe le vent ; d’un coup. Il faut croire que la reconnaissance par ses pairs n’est pas pour lui. S’ensuit une période de silence absolu. 20 ans sans la moindre déclaration, le moindre mot, la plus petite image. Rien. Aucun son, ni signe de vie. Terrence Malick a disparu ; corps et âme. Mais alors, qu’a-t-il fait au juste ? De cette période nous ne savons pas grand-chose. Il séjourne en France, dispense des cours de philosophie et rêve, sans doute, encore, toujours, de cinéma.

Pour les plus farfelus d’entre vous, l’explication de John Travolta est amusante à défaut d’être vérifiable. Alors que l’acteur devait incarner le personnage joué par Richard Gere dans Les Moissons du ciel, une clause de non-libération l’empêcha de répondre favorablement à la proposition de Malick. Cette situation, assez courante au cinéma, eut un effet dévastateur chez le réalisateur au point que Travolta lui posa un jour la question de son retrait des plateaux de tournage : « C’était vraiment cela ? Le fait que les producteurs ne m’aient pas libéré pour jouer dans Les moissons du ciel. » Ce à quoi Malick aurait répondu : « Oui. Il y a quelque chose dans le fonctionnement de la machine Hollywoodienne qui me met dans un état de panique ».

Fuir à tout prix. Seule échappatoire d’un homme plus à l’aise avec les oiseaux et le bruissement du vent dans les feuillages. C’est donc sans regret qu’il quitte les studios la tête remplit d’un ailleurs de tranquillité. Cet aspect, fascinant à plus d’un titre, renforce le paradoxe d’un artiste insondable opérant une véritable fascination aussi bien des producteurs que des stars de cinéma. Ses trois derniers films, bien qu’ils soient d’auteur, ne sont pas des œuvres underground fauchées mais de vraies productions Hollywoodiennes au budget plus que confortable (The Tree of life aura quand même coûté 30 millions de dollars).

Pour l’anecdote et au sujet de La ligne rouge (1998), Sean Penn aurait lancé au réalisateur américain : « Donnez-moi un dollar, un lieu et une date ».

1998. Un retour inattendu

Son come-back en surprit plus d’un. Il ne fut pas, comme beaucoup le craignaient, qu’un simple coup médiatique autour d’un artiste disparu – même si devenu culte – en manque de reconnaissance. Produit par la Fox, La Ligne rouge, adaptation du roman éponyme de James Jones, aborde la bataille de Guadalcanal (île de l’Océan Pacifique) qui opposa les Américains aux Japonais pendant la seconde guerre mondiale. Or et contrairement au film de Steven Spielberg (Il faut sauver le soldat Ryan, sortit la même année), le long-métrage de Malick n’est pas hymne patriotique sur l’engagement, le déracinement ou le sacrifice des boys américains dans un conflit mondial. S’il est bien question de guerre, scène d’assaut à l’appui, le cinéaste, mu par vingt ans de réflexion en dehors des plateaux, se place désormais comme un observateur infatigable de la nature humaine. Il la questionne, la triture et la façonne en lui donnant un ancrage entre réalisme et métaphysique. Ce parti pris, qui suscite maintes critiques, parfois par pure idéologie, ne peut se soustraire à l’extraordinaire puissance dégagée par sa mise en forme. En effet, Malick recompose le principe de mise en scène en « captant » le sensible d’un espace donné à un moment donné afin d’y déceler le moindre soubresaut susceptible de faire avancer ses hypothèses. La poétique est particulière, parfois pompière, toujours fascinante. Elle se construit autour d’une voix off devenue interrogative. Malick est allé chercher au cœur de cette nature luxuriante des points d’ancrage aux questions qu’il se pose et qui nous mettent à l’épreuve.

Malgré sept nominations aux Oscars 1999, le film repartira bredouille, vaincu, entre autre, par Shakespeare in Love (sic). L’Europe, quant à elle, lui réserve un accueil plus favorable. Ours d’or à Berlin et près de 900 000 entrées en France.

Le Nouveau Monde, quatrième film de son auteur, sort en 2006. Pendant sept longues années rien n’a filtré ou si peu sur ce film forcément attendu. Terrence Malick est resté introuvable, inaccessible, mutique. Fidèle, en quelque sorte, à sa réputation d’artiste fuyant comme la peste la lumière des projecteurs. Malgré cette absence médiatique assez rare de nos jours, le retour du maestro américain est bel et bien confirmé. Le film, au-delà de l’histoire d’amour narré entre l’Amérindienne Pocahontas et le navigateur anglais John Smith, est avant tout un film sur le sacrifice. Sacrifice né de la rencontre de deux mondes qui s’affrontent au sein de cette nature indifférente à la folie des hommes. Les quinze dernières minutes sont, de ce point de vue, éclairantes. Elles posent, sous la forme d’une conclusion ouverte, l’affirmation d’une tendance, celle d’un cinéma aérien, fragmenté, entre réalité bazinienne et pensée transcendantale en référence au poète naturaliste américain Henry David Thoreau.

Méthode de travail et Palme d’or à Cannes

Contrairement aux idées reçues, Terrence Malick est le contraire du cinéaste ultra-méticuleux, ordonné et respectueux des plans de tournage. Si ces films sont d’une rigueur diabolique, l’homme, malgré son indéniable talent, n’a rien à voir avec le dictateur des plateaux. Loin d’un Chaplin, d’un Cameron ou d’un Fincher, il est une espèce de diablotin à l’inventivité désordonnée, sorte d’homme-orchestre plus proche du guide spirituel que du réalisateur autoritaire voulant garder le contrôle sur tout. La légende « Malickienne » voudrait qu’il n’explique jamais les scènes, ne suive pas le scénario, ne regarde pas les rushs. Il agit plus comme une muse, au grès de son humeur, pouvant, en plein milieu d’une scène, tout laisser tomber pour aller filmer des heures de forêt vierge ou saisir, entre deux plans, le passage d’un animal sauvage. De lui Brad Pitt dit qu’il est «imperfectionniste. Il essaye de trouver les moments vrais qui ne surviennent que dans le chaos d'un tournage. Il écrit des notes pour les acteurs au jour le jour, travaille avec une équipe très réduite, ne fait pas plus de deux prises à chaque fois. Les acteurs évoluent devant sa caméra comme ils le sentent. Pour lui, les répliques ne sont pas essentielles, c'est la substance de la scène qui l'est ».

C’est au cours de sa « disparition » que Malick écrit les premières pages du scénario de The Tree of Life. Nom de code : "Q" dans lequel il décrit déjà l’origine du monde. À l’époque le film est impossible à réaliser malgré le feu vert de la Paramount. Il faudra attendre près de 35 ans, un retour salué en 1998 et l’aide précieuse d’un acteur bankable – Brad Pitt – pour que le film voit enfin le jour. The Tree of life est l’œuvre d’une vie, commencée en 1969 avec son court-métrage Lanton Mills. Malick, dans la plus pure tradition Wittgensteinienne (en référence au philosophe autrichien Wittgentsein) ne s’intéresse pas, ici, à «la façon dont le monde est» mais dans «ce qu'il est ». La substance de la scène dans la répétition des mêmes gestes, des mêmes mots prononcés ou des mêmes absences douloureuses, se construit par imbrication de multiples temporalités. Images du présent et images souvenirs interagissent pour faire du monde un lieu de vie et de mémoire en perpétuel mouvement.

En compétition au festival de Cannes 2011, The Tree of life a divisé la critique mais obtenu la Palme d’Or. Classique, en somme. Malick, quant à lui, a brillé par son absence. Seul compte l'art et l’œuvre qu’on laisse derrière soi. Le reste n’est que littérature, vanité mal placée, affaire d’ego.

Déjà un nouveau film

2013. À la merveille sort sur les écrans six mois après son avant-première en compétition à Venise. Une première pour Terrence Malick. À bientôt 70 ans, le réalisateur américain semble vouloir accélérer le rythme et fourmillerait même de projets. Si son dernier film divise encore une fois la critique, lui, ne change pas. Son expérimentation tend vers un idéal de mise en scène, au plus près des sentiments, toujours en quête de sens, dans l’art de la variation infime par-delà le réalisme primaire des choses dites. Depuis plus de quarante ans il n’a cessé de se questionner sur le sens de la vie, son origine, ses fractures, son histoire, ses blessures, sa relation au monde. Ce faisant, il remet systématiquement son ouvrage en question, modulant une esthétique qui semble faire écho aux propos tenus par Tarkosky sur l’art en général : « Le but de tout art est de donner un éclairage, pour soi-même et pour les autres, sur les sens de l’existence, d’expliquer aux hommes la raison de leur présence sur cette planète, ou, sinon d’expliquer, du moins d’en poser la question ».

geoffroy


 
 
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